Le mouvement des gilets jaunes est inédit.
Né en 2018, il est né des réseaux sociaux et d’un ras le bol. Le politique et le syndicalisme n’ont aucune prise. Un vrai mouvement diffus qui revendique une sorte de nouvelle démocratie 2.0.
Le mouvement n’est pas qu’un mouvement spontané de colère. Il est une vraie nouvelle forme de la société du XXIème siècle.
Autopsie et analyse de ce mouvement !
En préalable, il n’est pas ici lieu de discuter de la légitimité de ce mouvement, mais d’analyser le phénomène.
Les gilets jaunes.
Les gilets jaunes déstabilisent la France.
Ils ne se revendiquent pas de syndicats, d’associations. Ils refusent l’instrumentalisation et la récupération.
Le refus des institutions n’est pas nouveau.
L’état est déstabilisé sur ce mouvement.
La société de la communication née dans les années 1980 trouve son summum aujourd’hui par le mouvement des gilets jaunes.
La société de communication dans laquelle nous sommes entrés voilà quelques décennies procèdent des piliers suivants :
Démocratie.
Tout d’abord, notre société de communication a propulsé un peu plus la démocratie.
Quoi de plus merveilleux qu’un mouvement né de lui même, des citoyens français sans être enchaînés à des mouvements traditionnels comme les syndicats, les mouvements politiques.
La démocratie s’exprime pleinement.
La hiérarchie n’a plus de mise : tout le monde a sa voix. C’est d’ailleurs la problématique du mouvement. Refusant les hiérarchies, le mouvement ne peut lui même se hiérarchisée. L’organisation peine à se structurer.
Et si ce mouvement démocratique prend mouvement, c’est parce que le mouvement a pu se décupler grâce aux échanges partout en France.
Et c’est l’autonomie de notre société qui le permet :
Autonomie.
Les nouveaux usages sur le numérique permettent à chacun de s’exprimer. Produire des vidéos, partager des Facebook live.
Auparavant, il fallait filmer, faire de la production et diffuser dans les réseaux institutionnels. Le journalisme et les médias étaient nécessaires. Ils mettaient une distance ( de média, intermédiaire ).
Aujourd’hui, un smartphone suffit pour être producteur de ses valeurs.
Et les gilets jaunes l’utilisent :
Toutes les manifestations sont diffusées en direct.
Voilà pourquoi les gilets jaunes n’ont pas besoin des médias. Pas besoin de journaliste.
Ce mouvement d’ailleurs se méfie des journalistes traditionnels. Quitte même à les violenter dans certaines manifestations. Il n’en a pas besoin. Chaque gilet jaune devient son propre producteur d’information.
On remarquera d’ailleurs dans les manifestations :
les bras ne sont pas levés, poing serré. Non, les bras sont levés pour tenir bien haut le smartphone et filmer. Le selfie est roi.
Le graal pour ce mouvement inscrit dans l’image instantanée était de demander au premier ministre de diffuser les échanges en live, sur Facebook.
Premier ministre qui a refusé une diffusion en direct.
La limite est cette diffusion analogique et immédiate qui n’a pas toujours de pertinence quand on veut se concentrer sur de vrais sujets.
Le mouvement des gilets jaunes est on-line. Il est immédiat, il est action.
Transparence.
Le numérique et l’autonomie comme précisé ci dessus ont cette conséquence :
Plus rien ne peut se cacher.
De la base : chaque manifestation contestataire des gilets jaunes peut partager. Même du plus petit village en France.
Du haut : toute intervention de nos dirigeants sont filmées comme Macron sont diffusées. Est ce vraiment utile ?
On se remémorera la phrase de notre président de la république qui apostrophe :
traversez la rue pour trouver un boulot.
Phrase anecdotique dans son contexte, mais largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Une phrase intime et personnelle qui devient un buzz national.
Mondialisation.
Le mouvement des gilets jaunes dans notre nouvelle société de communication ne s’arrête pas aux frontières.
Aux États Unis friands de buzz, la France est en insurrection…
De l’étranger, la France est devenue un état de siège. Les manifestations au cœur de la capitale, au pied de l’arc de triomphe sont symboliques en ce sens.
Le mouvement des gilets jaunes reprend ainsi les piliers évoqués de la société moderne de communication : démocratie, autonomie, transparence, mondialisation.
On lira ici : les 5 promesses de la société de la communication.
La forme du mouvement sur les réseaux sociaux.
Le média des gilets jaunes reposent sur les réseaux sociaux.
Avec 3 caractéristiques :
- L’engagement.
C’est le fond du mouvement : revendiquer et partager les sources du mécontentement.
On lira sur les réseaux sociaux les chiffres sur les contradictions entre le pouvoir d’achat réel et les mesures fiscales.
C’est le ras le bol et la colère qui s’expriment.
- La bienveillance, l’humour.
Le mouvement utilise les techniques du news jacking pour attirer l’œil.
Le news jacking procède du dégroupement d’un autre sujet pour le ramener au mouvement des gilets jaunes . Et en utilisant l’humour.
Le mouvement utilise donc toutes les photos où le gilet jaune apparaît. La reine d’Angleterre sans sa jolie robe jaune, les footballeurs… Ou comme ici, la femme du président de la République qui prend la tenue des gilets jaunes.
- Les fakes news qui mettent en avant des fausses informations.
Les fake news sont des informations erronées, détournées.
Elles procèdent de la manipulation.
C’est l’enjeu du mouvement des gilets jaunes de stopper ces bad buzz.
Autant de manière physique, dans les manifestations, les gilets jaunes sont respectueux ( par exemple laisser passer les véhicules de secours ).
Autant le respect sur la sphère numérique les dépasse. Ce qui est normal.
Le fact checking et la modération sur les réseaux sociaux sont une pratique un peu nouvelle. On remarquera que les journalistes tant décriés par le mouvement s’occupent quotidiennement à veiller à rétablir certaines vérités.
L’ancrage ? Théorie de l’engagement.
Nous l’avons vu, le mouvement des gilets jaunes est à la fois un mouvement de communication analogique ( les émotions, les manifestations sur le terrain ), et digitale ( l’utilisation en masse des réseaux sociaux ).
Ancrer un engagement, c’est ancrer physiquement un élément visible, symbolique.
Le succès des gilets jaunes est d’avoir utilisé l’objet essentiel : le gilet jaune.
Le gilet jaune est obligatoire dans tout véhicule.
Tout le monde peut potentiellement s’inscrire dans le mouvement en sortant son gilet jaune de sécurité.
Dans les barrages d’ailleurs même si on n’est pas d’accord, on oblige parfois à mettre le gilet que tout le monde doit avoir sans son coffre.
Le gilet jaune est l’élément physique qui inscrit le mouvement.
Le porter est une forme d’engagement physiquement inscrit ( on porte un objet qui définit son engagement).
Le porter ou le faire porter par les personnes bloquées est ce qu’on appelle dans la théorie de l’engagement : le pied dans la porte.
Formalisé par Joule, l’effet est simple : le fait de physiquement et symboliquement effectuer un geste anodin, mais en public et qu’on répète permet de lancer l’engagement. C’est comme demander de signer une pétition par exemple.
Le gilet jaune a aussi l’avantage d’être visible. Il a plutôt été conçu pour la sécurité en cas d’accident de circulation de la route.
Aujourd’hui, il est visible même dans le noir des manifestations.
Dans la communication, c’est un vecteur important, en terme de visibilité.
Le gilet jaune victime des réseaux sociaux ?
Comme on dit, devant la beauté de l’humanité, il y a plus de terroristes et de gangsters que de prix Nobel.
L’intelligence, la bienveillance ne trouvent pas la lumière. Les médias et les réseaux sociaux pointent ce qui ne vas pas.. et proposer positivement ce qui se passe ne fait pas ( maintenant ) audience.
On entend trop souvent le bruit saisissant de l’arbre qui tombe sans entendre les jeunes pousses des centaines d’arbres qui poussent.
Et sur les réseaux sociaux, c’est un peu pareil.
les militants de la haine, les provocateurs utilisent avec efficacité les réseaux sociaux. Asphyxiant la sphère sociale de ces réseaux qui a pris le relais des cafés d’antan où on refaisait le monde.
Le rêve d’un médiologue que je suis serait une utilisation des réseaux sociaux en proposant ce qui rend l’être humain plus beau.
Alors j’incite à partager ce qui fait sens.
Et surtout de dénoncer au quotidien les fakes.
Cela n’est pas facile.
Dans l’agitation des manifestations, j’ai tenté cette expérience d’échanger.
J’ai entendu la théorie du complot. Et pire, j’ai eu des réponses violentes ( n.que ta grand mère ).
Le mouvement des gilets jaunes doit écrire quelques règles.
Même s’ils n’ont pas de leaders.
La France devient moderne :
La discussion ne passe plus par des institutions mais par un mouvement.
L’horizontalité de notre société où l’on se méfie des institutions a un vrai caractère démocratique. Chacun compte. Chaque avis a une valeur.
Le danger est cependant que tout équivaut à tout.
Il n’y a pas de hiérarchie dans le sens de prioriser l’important et l’essentiel. On a tué la hiérarchie institutionnelle ( le politique, les médias, les syndicats .. ) et en même temps la hiérarchie des idées et de l’information.
Car tout n’a pas la même valeur. Un fake, une exagération, une manipulation.
Les vraies idées ( le sens de la colère du mouvement ) se noient dans le brouhaha de l’infobésité.
Le populisme n’est pas loin.
Au final, cela dessert le mouvement :
Sa structuration en terme de représentativité ( qui peut représenter un mouvement par définition diffus ? ).
Et une structuration en terme d’idées, de revendications et de règles de vie dans le mouvement.
Les règles ne sont pas respectées.
Peut être un milieu.
Bienvenue dans le XXIe le siècle.
Mais ne pas détruire 2 siècles d’humanité !
Réfléchir !
Sources crédit images :
Ping : Chérissons ce mot désuet : la démocratie. Merci Daphne. | Zeboute Infocom’
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