Albert camus porterait- il le gilet jaune ?
Albert camus, nourri par son combat dans les temps de la colonisation en Algérie a formalisé cette image de l’homme : l’homme révolté.
Que penserait il de notre monde d’aujourd’hui : dans la fureur, la révolte née d’en bas ?
Temps de lecture : 10 minutes. Vous ne le regretterez pas !Sans organisation, sans politique, sans syndicat ? Juste le mouvement propulsé d’une France qui se sent révoltée ?
En ces temps de révolte en France avec le mouvement des gilets jaunes, est ce qu’Albert camus porterait le gilet jaune ?
Ras le bol
Le mouvement des gilets jaunes est né d’un ras le bol.
On lira ici : le mouvement inédit des gilets jaunes.
Pas d’une analyse de la société capitaliste. longue et réfléchie. Non.
Avec ses méfaits du capitalisme entendus et partagés depuis des décennies par les organisations politiques, ou syndicalistes.
Pourquoi les gilets jaunes ne votent pas plus à gauche, la France insoumise ou le Parti communiste, ou le front national ?
Pourquoi ne pas attendre les élections qui célèbrent nos représentants ?
Parce que ce n’est plus une affaire de politique, mais de vie au quotidien.
C’est un déclencheur insupportable de sa vie quotidienne, et de sa condition humaine qui a mis le feu au poudre.
Le plein me coûte cher !
L’exaspération des taxes sur le carburant.
Factuellement, ce ne sont pas quelques euros supplémentaires qui pourraient justifier un tel mouvement.
C’est l’accumulation depuis des années où l’on accepte sans broncher des contradictions; et de sentir que sa vie quotidienne devient insupportable qui permet à un moment de dire : Stop !
Le mouvement des gilets jaunes suit le mouvement de révolte qu’Albert camus a écrit dans « l’homme révolté « .
Au moins dans ses prémices.
Qu’est un homme révolté ?
C’est celui qui a un moment dit non.
Que cela est assez.
Il a supporté beaucoup de choses, mais à un moment donné, il dit non.
En tant qu’esclave, il finit par dire Non devant son maître, ce n’est plus supportable.
Voilà pourquoi les gilets jaunes disent stop.
Ils sentent que leur vie n’est plus supportable. Même s’ils respectent la vie sociale. Et peuvent profiter des nombreuses aides de l’état : la santé gratuite, l’éducation gratuite, la retraite.
Un modèle français envié et inexistant dans d’autres pays.
Même aux États Unis où les fonctionnaires peuvent du jour au lendemain ne plus être payés. Avec le shutdown.
Une telle décision en France sur les fonctionnaires ne serait pas imaginable.
Alors les gilets jaunes ne remettent pas forcément en question notre monde social français. Ils en profitent.
Mais leur colère est légitime. Même si on ne la comprend pas. cela fait partie du jeu. Ecouter.
Et le révolté est prêt à mourir, ou décider de changer sa vie quoique en soit les moyens.
Pourquoi les gilets jaunes sont violents ?
Voilà pourquoi le mouvement des gilets jaunes exprime une colère qui s’inscrit aussi dans la violence.
Ce ne sont pas que les casseurs classiques de l’anti démocratie.
Les gilets jaunes indiquent qu’ils sont non violents, et effectivement ne cautionnent pas les caillassages des magasins.
Une partie en tout cas ne veut pas en découdre, et la violence, si elle n’est pas physique porte atteinte aux contribuables : détruire les radars automatiques : empêcher les salariés de travailler.
La destruction des radars automatiques est symptomatique. Elle n’est pas une violence vis à vis des autres humains, comme les CRS. Mais une violence contre l’institution, le maître. Les conséquences de ces destructions ( payées par ces meme gilets jaunes en tant que contribuables ) n’ont pas résonance.
L’institution est cette entité extérieure qui détruit le quotidien des gilets jaunes. Elle m’est extérieure. Et montre la séparation de ce monde désespéré du gilet jaune.
Le maître et esclave
La force de l’esclave ou celui qui subit une injustice, c’est qu’il redevient maître.
Le rapport maître / esclave se délie.
Car la position du maître ( ici l’institution politique ) ne tient qu’à la maîtrise de ses sujets ( ici, les citoyens ).
Alors le refus de l’esclave, c’est remettre en question la position du maître.
Et le mouvement des gilets jaunes a réussi en ce sens : le pouvoir politique doit rompre son action.
Et se remettre au niveau de ses citoyens.
Le maître, selon Albert camus, ne vit que parce qu’il maîtrise ses esclaves. Sans eux, il n’est rien. L’homme révolté, qui finit par dire non rompt cette relation. Le maître n’est plus rien.
Bien sûr on nuancera ce rapport de maître et esclave. Car le maître, notre président Emmanuel Macron a été élu de manière démocratique.
Et le mouvement des gilets jaunes n’est pas forcément partagé par l’ensemble des français.
Le mouvement a détruit des milliers d’emplois en bloquant l’activité économique.
Et Emmanuel Macron, notre président , a su cependant rebattre les cartes dans un monde politique sclérosé entre gauche et droite. Et d’une extrême droite maladroite qui vilipendie le système politique mais n’attend qu’une chose : prendre ce pouvoir lissé que le mouvement Front National critique.
Albert camus
Le changement et la violence.
Est ce que tout est possible pour affirmer son droit ?
La violence est stérile.
Jérôme Rodrigues joue avec le feu. Il prône la non violence, mais participe à diffuser des manifestations en direct. Montrer la violence, comme la nourrir. Car la violence à cet effet : l’adrénaline, le sentiment de puissance.
Un mouvement de révolte doit passer par des réflexions, des pauses. Et retrouver ses acolytes plutôt que de montrer de façon voyeuriste les casseurs. Comme s’il était fasciné.
Le sujet de la violence :
Albert camus a souffert de sa déclaration en disant que pour protéger sa mère, la violence était possible.
C’est une réflexion intéressante. :
Peut on Justifier la violence ?
Souvent déformée en « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère », cette réponse lui sera reprochée. Elle s’insère pourtant de façon cohérente dans l’œuvre de Camus, qui a toujours rejeté l’idée machiavélienne selon laquelle « tous les moyens sont bons .
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice ».
Le sujet de la violence est complexe.
Ceci dit, en France, où aujourd’hui nous avons la chance de vivre avec des allocations familiales, une santé gratuite, une éducation gratuite, une retraite assurée par des millions de reteintes.
Oui on doit pointer du doigt notre difficulté au quotidien.
Mais sans violence.
Nous ne sommes pas en Chine où les gilets jaunes seraient envoyés en camp de rééducation.
Laissons la chance à notre beau pays de conjuguer, de réfléchir.