Les entreprises modernes ont découvert l’espace où les salariés se retrouvent entre eux : l’open space.
Supprimant les murs qui empêchaient la discussion, qui cloisonnaient la vie communautaire. Derrière cette volonté positive de réunir l’homme au coeur de l’entreprise, on en oublie les méfaits potentiels.
Ma vie en open space, après 4 ans !
L’open space est open. La parole retrouvée ?
C’est à dire qu’il permet de rendre une proximité oubliée dans l’entreprise.
les grandes entreprises ont compris que les collaborateurs devaient collaborer. Et parler.
Car les plus grands échecs, comme l’échec de la navette Colombia qui explosa en plein vol, ou la faillite de l’entreprise Enron ont fait les frais d’une posture de l’entreprise dans laquelle on ne disait rien.
Ainsi, ouvrir l’entreprise est devenue nécessaire.
Mais l’open space est-il le moyen efficace de libérer la parole ?
Histoire de l’Open Space
L’open space ( ou plateau ouvert ) n’est pas nouveau, même s’il est réapparu dans les années 1980.
L’origine des open space était des bureaux paysagers, dans les années 1950 ( inventés par 2 consultants allemands Schnelle ).
Plutôt des bureaux verdoyants, avec beaucoup de végétation, plantes. Tout le contraire d’un espace froid inhumain, mais chatoyant et chaleureux.
L’intérêt de l’open space, pour l’entreprise, c’est d’abord un moyen de gagner de l’espace, ne soyons pas dupe 🙂
Il est aussi un moyen de laisser la parole s’exprimer, ou de la contrôler.
La notion de surveillance apparaît déjà dans les prémices , comme la panoptique, inventée à la fin du XVIIIème siècle, par Samuel Bentham.
Les grands espaces où tous les collaborateurs sont ensemble, comme les open space ressemblent aux espaces du XIXème siècle :
Rassembler les ouvriers dans des grandes salles, où le silence règne, et où il est facile de surveiller.
C’est le concept de la panoptique, ou la construction d’un espace carcéral qui permet la surveillance.
Les dortoirs, les hôpitaux ont suivi ce modèle, permettant à l’expert ( le médecin, le professeur ) d’avoir une vision du monde qu’il devait animer, contrôler.
En ce sens, les open space recopient des usages maintenant oubliés, puisque les hôpitaux, les internats ont changé pour remettre de l’intimité pour chacun…
Et ne suivent plus ce style d’aménagement.
Les grands plateaux ont donc envahi les entreprises. De grands bureaux, sans cloison permettent de rassembler au centre de l’entreprise les salariés.
Les services tertiaires, de service ont besoin de salariés dédiés sur une même mission : les plateformes téléphoniques, les plateformes de traitement du courrier, des services en général.
D’abord, la mise en place de ces plateaux permet de réunir un grand nombre de personnes dans un minimum d’espace.
Bien que l’espace minimal soit soumis à des règles strictes du code du travail, l’absence de cloisons, de bureaux classiques permet d’optimiser l’espace possible pour les salariés.
La distance sociale de l’open Space
Se retrouver ensemble dans un même espace est un exercice ou généralement chacun est lâché dans l’arène …
Et chacun tente de recomposer son propre espace, celui de la sphère intime.
La distance sociale est la distance que l’on détermine , son espace vital en quelque sorte. Edward Hall a défini la notion de proxémie.
C’est la distance physique qui s’établit entre être humains, dans leurs relations.
La distance sociale maximale est considérée à 1,2 m.
En dessous, c’est la distance personnelle ( de 45 cm à 1,2 m ).
Dans son bureau, les distances sociales et personnelles se juxtaposent. Comment délimiter mon espace dans un open-space où tout est ouvert ?
L’open – surveillance ?
Le philosophe Michel Foucault, dans Surveiller et Punir, analyse les comportements de surveillance , comme dans la panoptique, décrite plus haut.
Les lieux ouverts ( comme les dortoirs, les prisons, les ateliers d’ouvriers ) permettent la surveillance globale. De là, chacun se sent surveillé.
Dans l’open space, la règle est un peu différente : il n’y a pas de gardien, de chef qui surveille.
Au contraire, généralement, le chef lui considère qu’il n’a pas être dans l’open-space..
Ce dernier fait illustre le dédain accordé à ce type d’aménagement, alors qu’il est en même temps valorisé par la hiérarchie.
Dans l’open space, la surveillance n’est donc pas hiérarchique, elle est opérée par l’ensemble des acteurs présents dans l’open space : ses collègues.
Ma vie en open Space
Je vis depuis 4 ans en open space.
L’arrivée est un peu brutale, et déroutante.
La difficulté dans un open space est de partager en même temps les mêmes tempo, la même énergie au même moment. Lorsque je suis stressé sur un problème, mes collègues, eux, sont dans une autre énergie : ils plaisantent, c’est normal. Mais pour moi c’est pas le moment.
Le premier réflexe est l’appropriation de ce nouveau terrain de jeu, selon les sensibilités de chacun.
Au fur à mesure, l’espace se réinvente. Par la disposition des bureaux, dans la personnalisation des bureaux. Et surtout dans les rapports communicationnels :
Le bruit parasite et c’est du brouhaha : clairement les premiers mois sont bruyants. Les appels téléphoniques, les discussions, les moments de silence s’entremêlent.
De là, il peut être utile d’établir des règles de vie commune ou pas. La plupart du temps, ces règles ne sont pas explicites, car les ressources humaines voient plutôt l’ouverture salvatrice des échanges entre les hommes que les difficultés à bien vivre ensemble.
Les règles non explicites s’établissent donc au fur à mesure :
- lorsque j’ai un appel téléphonique, ou une confcall , je m’isole. ( pour les plateformes téléphoniques dont le coeur de métier est le téléphone, des dispositifs particuliers sont mis en place ).
- le ton de la voix se nivelle, pour ne pas déranger.
- j’utilise les outils de messagerie instantanés. Le comble pour un espace qui se conçoit comme le lieu d’échanges verbaux…
- je me déplace pour aller parler à un collègue que de parler à la cantonade… et plutôt l’un à côté de l’autre. L’open space est mouvant : il faut se déplacer.
Après plusieurs mois, un phénomène propre à l’open space apparaît : l’explosion jubilatoire.
L’explosion jubilatoire.
La journée se sacralise dans des moments un peu improbables où une personne interrompt le silence et/ou les activités de tout un plateau.
Le « protocole » est souvent le même :
Un évènement anodin perturbe un collaborateur. Par un éclat de voix, un rire, le ton sonore augmente. Un autre collègue renchérit, ou réagit, et par effet boule de neige, une grande partie du plateau .
Comme si l’énergie retenue de tout le plateau a un moment donné a besoin d’expulser. Comme la soupape d’une cocotte minute..
Généralement en début de journée, lorsque le personnel n’est pas encore attelé à sa tâche. Aux moments intégré comme les instants de pause. On ne prend pas un café. On explose.
Et en fin de journée.
Les bonnes pratiques dans l’open space.
La notion d’espace est importante, car l’espace est une dimension culturelle : l’espace relie les hommes, et joue un rôle dans les rapports de communication.
Dans un corps social ( qu’est une équipe de collaborateurs ), les distances sont importantes, délimitant les relations à un moment donné ( intime / personnel / social / public ).
De ce fait, il est d’abord important de recréer la distance intime et personnelle nécessaire à tout à chacun.
Plusieurs techniques existent :
* la personnalisation de l’espace ( par des plantes, des photographies personnelles ) est un moyen de se réapproprier l’espace.
* se créer une bulle, par la musique ( beaucoup ont les oreillettes et écoutent de la musique ).
* se positionner contre une paroi de l’open space, comme pour trouver un cocon physiquement, et établir une limite, une barrière.
Avec les précautions de bien vivre ensemble, l’open space permet tour à tour de capter ce qui se passe dans mon environnement professionnel ( j’entends mes collègues, je sais ce qu’ils font ). De pouvoir échanger en face to face pour poser une question, échanger.
Cela permet d’éviter l’effet messagerie utilisé pour envoyer une question à un collègue qui serait dans le bureau d’à côté.
Evidemment, vous l’avez compris, en lisant ces mots, l’usage de l’espace et les bénéfices ou méfaits dépend des règles explicites et implicites qui se jouent dans ce terrain de jeu.
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