Anne-Sophie Novel est journaliste, pour le Monde notamment où elle écrit de nombreux billets ; écrivaine et bloggeuse.
Son crédo ? l’écologie et les alternatives sociales.
C’est au cours d’une conférence-échange à laquelle j’ai pu assister, que j’ai pu me nourrir de ses réflexions sur l’économie collaborative.
Elle en parle avec passion. Je vous fait partager ces moments !
L’économie collaborative est l’ensemble des usages liés au partage d’objets, de services, en évitant la consommation traditionnelle de masse ; en en usant éventuellement des nouvelles technologies.
L’exemple typique est BlaBlaCar qui permet aux usagers de véhiculer d’autres personnes.
Partager son auto plutôt que de voyager seul. Et en gagnant un petit peu du plein d’essence !
L’économie collaborative est née de 3 mouvements concomitants :
- le numérique, qui permet largement de partager des informations, du contenu ( les piliers de la société de consommation ).
- l’usage ancien du partage, ou du don : le troc. bien avant l’invention de la monnaie.
- la crise : elle oblige de nouveaux usages face au porte-monnaie vide…
- l’usage des choses, des objets plutôt que de la propriété des choses.
C’est une véritable alternative à la société de consommation qui a nourri les dernières décennies. Avec un désastre humain ( le sens de la vie est devenu le sens de l’avoir ), et écologique ( on jette et on achète ).
- le peer-to-peer : ou de pair à pair. C’est à dire de parler d’humain à humain, sans hiérarchie : pas de relation entreprise-client ( B-to-C ) ou fournisseur-fournisseur (B_to_B).
Mais une relation H2H : Human To Human, ou d’être égal à être égal. Peu importe le statut que j’ai. Je partage des compétences, ce que je suis, des objets, des services ; sans hiérarchiser la relation.
L’économie collaborative est donc l’ensemble des pratiques inscrites sur des relations horizontales, des communautés. Souvent d’intérêts et désintéressées.
Elle se décline sur les différents domaines suivants :
1. La consommation : le partage d’objets ( peerby ), d’habitations ( airbnb ).
2. le design et la fabrication : je co-designe, je construis moi-même et je partage : ce sont les Makers, les fablab. Cela peut permettre de construire des objets physiques, dont je partage ensuite les plans de fabrication ( open-source hardware) . Ou construire des programmes informatiques, que je diffuse à une communauté. C’est le cas de l’open-source software. C’est le cas de Linux par exemple, bien connu des informaticiens.
3. la connaissance : je partage mes connaissances. L’exemple de collaboration de la connaissance le plus illustre est wikipedia. C’est aussi OpenScience, dans le domaine de la science, ou creative commons qui règle les usages de partage des connaissances. Je partage mes idées, sur un blog. C’est le cas ici de mon blog. Pas de publicité. Pas de monétisation. Juste partager.
4. Le financement : le crowfunding est le paradigme qui illustre la participation collaborative financière d’un projet : je demande à une communauté de me soutenir financièrement sur un projet ( un projet humanitaire, une création de bijoux, un disque que je veux produire ), sans contrepartie ou un échange de « pair à pair » : c’est à dire : je t’offre le CD si je peux le financer grâce à ton soutien.
5. la gouvernance : fixMyStreet permet par exemple aux citoyens de remonter les problèmes qu’il rencontre dans son quartier ( un lampadaire en panne, une route dangereuse ).
Les impacts positifs sociétaux.
Les éco-quartiers : partager son jardin pour les enfants, partager une salle de jeux avec d’autres propriétaires, dans mon quartier.
Les éco-quartiers permettent de mutualiser les efforts financiers ( le financement immobilier ) et de partager entre générations un lieu de vie.
JeRêveD’UneMaison permet l’achat d’une maison entre amis, plutôt que d’acheter individuellement.
On y voit l’intérêt financier, amical.
D’autres exemples : partager son parking, son vélo.
Pour cela, l’outil numérique a largement facilité le partage ( tous connectés ) et la diffusion ( je peux « poster » facilement un billet numérique ).
La technologie n’est pas la seule : utiliser un autocollant sur sa boîte à lettres pour indiquer à ses voisins ( j’ai une tondeuse, si vous voulez l’utiliser ) suffit.
Les nouveaux lieux : ressourcerie, recyclerie.
Des usages sont à faible valeur ajoutée [ financière ] au niveau mondial ( revendre un jouet à ses voisins ), mais implanté localement dans des structures nouvelles, innovantes.
Et qui doivent être le nouveau lieu de troc, de partage. Et de rencontrer les autres, comme celui du café autrefois. Discuter, échanger.
La redynamisation de l’entreprise.
Pour les entreprises traditionnelles, il y a matière à s’inscrire de manière complémentaire avec ces nouveaux usages.
La co-construction positive en est un pilier.
- Auchan, un des géants de la distribution en France a expérimenté avec ses clients cette étrange rêve : proposer des idées de produit à réaliser.
Car tout homme a des envies, des frustrations sur ses usages de produits. Alors remonter ces idées. C’est un peu le geo-trouve-tout ou l’inventeur de Lepine qui peut exprimer son désiderata. Une plateforme ensuite réalise le projet : Quirky. c’est l’idée. L’exemple Auchan. - Castor ( pour CA Store ) : dans le domaine bancaire, le crédit agricole a lancé l’expérience Castor ; ou comment réaliser les applications que les clients souhaitent : une alerte sur son découvert par exemple. L’exemple du crédit Agricole.
- Leroy Merlin va plus loin, à travers son site internet : les clients remontent leurs idées sur la conception d’un produit, via un forum dédié sur le site internet de la marque.
Et ça marche !
Pour l’entreprise, on est passé en quelques décennies du paradigme : Je communique ( sur un site institutionnel, des tracts, ..) à je converse ( sur les réseaux sociaux, je prends le temps d’écouter et de répondre au client ) à : Je co-construis. Je Contribue.
Pour contribuer, l’usager ( on ne parle plus de client ) doit avoir confiance dans la marque.
C’est tout l’effet de valeur et de confiance que doit apporter l’entreprise.
L’emploi dans tout ça ? Le rebond des entreprises web 0.0 revisité.
A ma question » quid de l’emploi : je n’ai plus besoin de banquier, j’ai le micro-crédit, ou un banquier en ligne, tel boursorama » :
Je n’ai plus besoin d’aller dans mon magasin local ( qui fait travailler des personnes qui ne profitent pas des énergies pécunières des start-up d’ailleurs souvent américaines … ), mais je commande sur Amazon.
Comment mon petit voisin qui travaille chez JouetClub va-t-il finir ?
Les entreprises répondent à cette tendance en réorientant les limites de l’entreprise. Notamment géographique :
Le changement des structures : j’ai de l’espace ? telle les banques, je les recycle en espace de collaboration. Mais on ne parle que des murs, pas des salariés. C’est la cas du Crédit Agricole qui partage ses murs au centre de Paris, dans le 8ème arrondissement avec de « nouveaux usagers ».
Rendre l’économie collaborative complémentaire au métier de base de l’entreprise :
Le groupe la Maif est un assureur de biens et d’habitation. Pourquoi ne pas faire profiter de son savoir faire dans les nouveaux usages ?
C’est là que la bonne appropriation de ces usages est importante : sur les sites, AirBnB ou partager sa maison à des étrangers est de prime abord alléchant ! Obtenir une contrepartie financière d’un logement… Mais la législation et les règles prennent vite le dessus : que se passe-t-il si mon visiteur abîme mon logement ? les contrats d’assurance habitation ne prennent pas (encore) ce type de situation : un étranger qu’on a laissé chez soi.
Sur le web, la confiance est le critère qui pousse l’échange. Les « Like », les « e-réputation » d’un propriétaire ou d’un voyageur qui a déjà 1000 expériences sur ce mode de collaboration permettent de rassurer : Trip Advisor par exemple vous propose des milliers de commentaires sur un hôtel, un restaurant. La confiance peut régner.
La Maif prend ainsi le concept de confiance en proposant de rassembler les usagers qui ont la même assurance ( la Maif ) : en cas de problème, je sais que l’autre est assuré dans la même « communauté » Maif.
Le modèle économique de cette économie est multiple :
- Les pionnières / traditionnelles : l’échange solidaire existe déjà bien longtemps. La communauté Emmaus porte bien son nom : elle est une communauté d’hommes égaux à égaux, et lorsque vous allez dans les communautés Emmaus, chacun laisse à sa porte ce qu’il est. On est H2H : human to human.
- les start-up : on ne fera pas l’exhaustivité des startup ; elles utilisent toutes le même modèle : capter un usage, le rendre accessbile. La monétisation viendra après ( c’est le modèle américain ).
- les logiques gratuites modernes : les boîtes à livres ( donner les livres qu’on ne lit plus ), les givebox sont des usages physiques accessibles que le web a rendu possible par leur médiatisation.
L’économie collaborative se cherche ; elle est arrivée à un point de réflexion :
est-ce que cette économie produit de la valeur positivement pour tout le monde ?
L’usage « gratuit » et « partagé » des choses réduit les économies traditionnelles pourtant nécessaires à notre économie locale : que se passerait-il si je n’ai plus de magasin de jouets près de chez moi, parce que je peux les acheter en ligne ? Plus de banquier près de chez moi, parce que j’ai le financement auprès de pair ?
Les géants du web multiplient les usages « gratuits » pour les usagers, et tendent à précariser les travailleurs. Ceux-ci sont rémunérés à la « tâche ». Et n’ont pas les protections que leur apportent normalement les entreprises traditionnelles.
L’économie collaborative tremble déjà : Homejoy est la première victime de l’ubérisation à outrance. Cette start-up permettait de proposer une plateforme de ménage à domicile. Face à quatre actions en justice, craignant de devoir salarier ses contributeurs, la société a plongé en bourse.
L’économie sous-jacente de cette économie collaborative serait portée par le bénévolat, une précarisation de chacun ; pour gagner quelques sous…
Vaste sujet, l’économie collaborative fera encore parler d’elle ! A suivre.
[ On trouvera la présentation d’Anne Sophie Novel sur son site demoinsenmieux , où on trouvera les références de ses livres ].
On lira les billets écrits : le troc, l’économie collaborative ou l’effet jogging, la consommation collaborative ou Oui je partage
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Merci à Anne-Sophie Novel, qui a apprecé cet article ! https://twitter.com/soann/status/570535299152871424
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