Jean-Charles Cailliez est professeur, et chercheur en génétique moléculaire.
Mais surtout, il a une vision radicale de la pédagogie.
Il a initié dans son université, à Lille, le concept de la classe inversée.
Ou comment les élèves font cours, et le professeur les devoirs…
Focus sur cette démarche innovante.
Et jubilatoire !
L’enseignement traditionnel, c’est transmettre aux élèves des connaissances. Et la réussite pour l’étudiant est de retranscrire par coeur ce qu’il a appris à l’examen.
Le modèle est celui de l’élève qui écoute de manière passive son professeur. Et ensuite de faire ses devoirs à la maison le soir.
Jean-Charles Cailliez a voulu changer la donne : de consommateur, l’élève devient actif.
Comment ? eh bien en produisant le cours qu’il est censé suivre ! C’est le concept de la classe renversée.
Ainsi, l’élève construit le cours à l’université. Le professeur, lui, suit le cours. Et fait ses devoirs à la maison.
Le Do It Yourself.
L’objectif pour les apprenants est de construire le cours. Le cours est divisé en 6 chapitres, et des groupes d’élèves construisent ensemble un élément des concepts à appréhender dans l’année. Bien sûr, le professeur est présent, entre les groupes pour aiguiller, donner quelques directives.
Mais c’est en collaboration et co-construction que les élèves travaillent.
Cette formule s’inscrit dans un cadre, et quelques règles. C’est ainsi que cela peut fonctionner. Ce n’est pas la jungle, mais un cadre défini où la liberté de jeu des élèves est ensuite totale.
Les concepts clés.
- les groupes sont mélangés :
Pas question que les copains se retrouvent ensemble par affinité. Ce mélange permet de connaître chacun, d’aller vers l’autre. On y mélange les bons et les mauvais.
Et ce mélange a la vertu de souder aussi les différents groupes, puisque j’ai un copain ou une copine dans un autre groupe…
- le tableau tournant :
La dynamique est importante dans l’exercice en classe :
pour appréhender un concept, Jean-Charles Cailliez utilise le tableau tournant.
Le premier groupe commence à écrire quelques notions sur un tableau, sur un thème précis. Et quelques quart d’heure après, c’est le groupe suivant qui le complète. En précisant, en complétant.
Une fois le tour fini, on obtient un résultat construit par l’ensemble des groupes. C’est le résultat de la classe.
- la tricherie obligatoire :
Pourquoi ne pas profiter des meilleurs trouvailles techniques des autres ? Jean-Charles postule donc la tricherie obligatoire : dans le groupe, un « espion », un « délégué », un « tricheur » a cette mission de trouver dans les autres groupes ce qui est bien, ce qui marche.
- la solitude du professeur devant ses devoirs :
Les élèves font le cours. C’est au professeur de faire les devoirs. Et aux élèves de corriger.
Extérieurement, cela parait hallucinant. Les élèves ne font plus rien ?
La règle du jeu est plus subtile : le professeur répond de manière excellente ou comme un cancre, selon l’énoncé et la pertinence du devoir.
Si les élèves donnent des questions maladroites, erronées sur un sujet, le professeur répond mal. Et ce sont aux élèves ensuite dans la correction de refaire un travail d’explication.
Au contraire, si le contenu du devoir est pertinent, le professeur répond bien. Et les élèves-correcteurs n’ont plus rien à faire.
Cela pousse intelligemment et naturellement les élèves en amont à bien écrire les questions, le contenu. Et d’être plus intelligent !
Quel bilan pour les élèves ?
Le ressenti des élèves est le plaisir, la confiance.
L’absentéisme est nul. Et en cours, personne ne songe à faire autre chose… le groupe rappelle celui qui n’est pas présent, ou concentré.
Les élèves ont beau avoir les outils numériques nécessaires à la préparation du cours ( ordinateur, smartphone …), les élèves restent concentrés sur le cours.
Le groupe s’autogère en quelque sorte. La solidarité est forte.
Le mélange des bons ( ceux qui savent bien trier l’information, prendre le recul ) se mêle positivement avec ceux qui peuvent être moins bons ; mais qui savent chercher.
Chacun prend sa place naturellement, en utilisant ses talents propres.
Et Jean-Charles explique lui-même qu’il ne peut déterminer qui fait quoi dans le groupe sur les rôles qu’il a attribué dans le groupe.
Le résultat est là sur la motivation : les élèves demandent eux-même à faire durer le devoir surveillé de 6h à 8h parce qu’ils n’ont pas le temps sinon…
les devoirs surveillés :
L’avantage pour le professeur est qu’il n’a plus de copie à corriger. Puisque ceux sont les élèves qui le corrigent. Et qui préparent le devoir.
Aux professeurs réticents à cette méthode ( je n’ai pas le temps d’innover et de mettre en place cette façon de faire ), Jean-Charles répond avec sourire : je ne prépare plus les devoirs. Et je ne les corrige plus.
Dans les devoirs surveillés, les groupes d’élèves conçoivent le devoir pour les autres ; les passent ; et les corrigent. A la fin du DS, le professeur a déjà les notes.
Un exemple à généraliser ? le Yes, But !
Jean-Charles Cailliez n’a pas l’ambition de dire que sa formule est magique, et doit être généralisée.
Chacun utilisera la méthode, un bout de cette méthode, ou pas du tout.
Il faut essayer.
Avec humilité d’ailleurs, le chercheur reconnait que les notes n’ont pas été à la hauteur en fin d’année ( par l’examen classique de l’université ). La moyenne générale n’a pas été exceptionnelle. Voire plutôt moins.
Pourquoi ? parce qu’en période d’examen, les élèves ont mis de côté un peu le cours sur la génétique, puisque les élèves savaient qu’ils avaient eux-même fait le cours dans l’année. Les révisions des étudiants ont été faites ailleurs ; ce qui explique de moins bons résultats. D’ailleurs, pour les élèves enrattrapage ( qui normalement ne font pas bondir en 15 jours leurs résultats ), le résultat a été surprenant : ils ont sur-performé, parce que justement ils ont ensuite pris le temps de prendre la matière et la réviser..
L’expérience de la classe inversée est là aussi pour prendre acte de ses erreurs, et rebondir, en améliorant la méthode ( ce qu’il fait d’ailleurs dans le second « sprint » de la méthode ).
L’innovation n’est pas là pour tout bousculer : elle doit se fondre avec l’existant.
A l’establishment scolaire qui pourrait dire « Yes, but… » ou « Oui, mais… », Jean-Charles Cailliez répondrait « Yes AND », « oui et ».
La nouveauté, l’innovation c’est de rendre concomitant la nouveauté et l’existant.
C’est l’articulation entre l’horizontal ( les élèves commes des pairs ) et le vertical ( l’institution universitaire ).
Car nous avons tous besoin des poils à gratter qui ne veulent pas changer. Parce qu’ils ont raison, ou parce qu’ils n’ont pas envie.
Face à la résistance sur ces nouvelles pédagogies, il faut juste laisser la place à celui qui veut se lancer.
« Qui est intéressé par l’idée ? » .
A lire également, sur les nouvelles pratiques innovantes de pédagogie : les TweetClasse, selon Jean-Roch Masson.
Ping : La classe inversée ou les nouveaux usage...
Ping : La classe inversée ou les nouveaux usage...
Ping : J’ai rencontré des stars de l’infocom ! | Zeboute' Blog