Le Lean, le travail collaboratif et ses effets pervers

lean_travail_collaboratif_productiviteSalariés, le monde est ainsi fait : être le plus efficace, et au moindre coût.
Eviter le gaspillage d’énergie dans l’entreprise.
Le concept a un mot : le lean.
Sémiotiquement, c’est éviter le gaspillage.
Notion née depuis Vauban au XVIIeme siècle, mais qui prend une tournure moderne, avec l’accélération des usages numériques.
Focus !

Qu’est que le Lean ?

Traduire le lean, c’est le « maigre », « sans gras », « dégraissé ».
Le Lean est une théorie de la gestion de la production, permettant de s’interesser à tout ce qui permet de rendre une entreprise performante.
Et exclure les gestes parasites, improductifs : la gestion sans « gaspillage ».

Historiquement, tous les écoliers retiennent le modèle de la productivité, née avec Ford, dans les années 1920 : produire des voitures efficacement, en séparant les tâches une à une pour construire une voiture.
Plutôt que de laisser l’ouvrier faire l’ensemble des manoeuvres pour construire la voiture, on s’attache à faire effectuer chaque tâche unitaire par un ouvrier.
Et de rendre l’ensemble de la production plus efficace, puisque l’ouvrier qui ne fait que poser telle pièce ne se concentre que sur cette tâche.
Nous avons tous en tête ce modèle, celui du fordisme, où on construit les automobiles à la chaîne.
Et médiatisé par Chaplin dans les « Temps modernes » : l’humain broyé dans le flux d’une machine globale.

invention_histoire_communication_vauban_ponts_et_chausseesHistoriquement pourtant, la gestion rationnelle des tâches est née en France, au XVIIeme siècle, avec Vauban.
Le projet de Vauban est de construire des places fortes, et le pilotage de ce projet nécessite rationalisation pour arriver au terme.
Il définit ainsi, dans son ouvrage « Le directeur général des fortifications » la notion de fonction, de feuille de route, de tâche.
[  on lira le billet consacré, l’invention de la communication  ].

« Pour parvenir à l’établissement de cet ordre, il est nécessaire d’entrer dans le détail des principaux emplois, et d’en donner une idée, qui fasse connaître à ceux qui en sont pourvus quel que doit être le dû de leur charge »

Ainsi, Vauban décrit une méthodologie générale permettant d’éviter la flânerie, et le gaspillage d’énergie.

Le lean, méthode plus récente, dans les années 1970, est une méthode de gestion, née au Japon, par Toyota ( encore l’automobile … ) afin d’éviter le gaspillage des mouvements dans les tâches propres à l’industrie automobile.
Elle part d’un sentiment humain, par le concept de l' »automatisation à visage humain ».
A savoir que l’ouvrier est impliqué dans la démarche :

« comment mieux faire un geste », « comment améliorer la chaîne de production ».
La notion de « qualité » est apparue , dans la vertu d’impliquer la valeur de la tâche de l’ouvrier réduite au minimum.
Comment rendre fier un ouvrier qui ne maîtrise qu’un maillon de la chaîne ?

En l’associant à l’amélioration de sa propre tâche.
Les cercles de qualité ont permis aux ouvriers de rendre possibles des tâches qu’ils jugeaient inutiles ou fatiguantes.
Le concept , économiquement rentable, laisser entrevoir.
Aujourd’hui, les entreprises se sont lancées dans la méthode, en excluant l’humain, mais en retenant le principe de productivité.

Les applications du Lean.

soumission_délocalisation_france_emploiL’application du Lean s’est ainsi propagée dans tous les secteurs, au delà du secteur de la production : celle des services.

En oubliant le premier concerné : le salarié.
Ceux sont les cadres des sièges, ceux qui ne vivent pas au quotidien le travail qui définissent les mesures à appliquer.

Les secteurs concernés sont aujourd’hui :

La grande distribution :

Le geste le plus efficace a été intégré dans le travail de la caissière en supermarché.
L’arrivée des caisses où il suffit de passer le code barre pour encaisser un article s’est généralisé.
Avec les méfaits pervers du Lean : celui des troubles musculo-squelletiques.

A force d’appliquer le même geste efficace, le corps ne travaille que certains gestes, sur-sollicités, provoquant des maladies.

L’informatique :

L’atomisation des tâches physiques, comme dans l’automobile ou la distribution s’est également propagée dans les secteurs qu’on croyait épargnés : celle de l’intelligence.

Les ingénieurs informatiques se trouvent ainsi confrontés aux mêmes applications du Lean : chacun sa tâche.

L’industrie informatique a donc segmenté les tâches de suivi des « bugs » informatiques ( par une cellule de production ), de correction ( une cellule de Tiers Maintenance Applicative ).

Avec des objectifs de SLA ( Service Level Agreement ) : résoudre les problèmes dans un temps limité et contractualisé.
On lira l’article sur la division du travail dans l’informatique.

Les autres services tertiaires :

La banque d’aujourd’hui a pris le pan de cette atomisation du service. Par l’atomisation des services et des produits. Et de réduire le conseil global vis à vis du client pour se positionner sur le produit.

Les tâches commerciales se réduisent à l’unité de produit, de conseil et d’acte de vente.
L’arrivée des centres de téléphonie couplé à l’informatique permet de suivre, piloter des tâches limitées, mais visant à la vente.

Les exemples ici non exhaustifs s’appliquent ainsi à l’ensemble des tâches intellectuelles du service dit « tertiaire ».
L’usage du mail en entreprise en est un exemple, et qui vise tous les salariés :

nous sommes submergés de ces « injonctions » à lire, à répondre, et traiter.
Le cadre est lui même devenu le gestionnaire de tâches, de mails, d’événements, qu’il doit traiter au plus vite.

On lira l’article : la communication en entreprise ou ma messagerie saturée.

L’accélération du temps instantané.

sens_de_la_vie_pourquoi_vivreLe temps est devenu l’accélérateur des usages.

Tout client, tout internaute, tout citoyen s’est habitué à avoir ce qu’il veut, au bon moment.
L’entreprise doit donc s’adapter, et notamment aux usage « cross-canaux » :

je peux communiquer avec une entreprise par tous les canaux dont je dispose ( téléphone, web, mobile ).

Et je peux pouvoir inter-agir avec l’entreprise tout le temps, et n’importe où.
La conséquence immédiate de ces micro-événements du monde extérieur est qu’elle impose au salarié de conjuguer avec ces nombreuses sollicitations.
Le monde de l’entreprise est ainsi hyper-connectée avec le monde extérieur.
Et la tâche fixée par l’entreprise devient maintenant la tâche fixée par l’extérieur.
Du temps « on-line », « temps réel », qui n’est plus le temps de l’entreprise qui fixe ses mécanismes.

Le cercle vertueux et vicieux du Lean ?

Il n’est pas possible de changer le monde qui évolue. Et l’entreprise doit s’y adapter, sinon mourir.
Les approches peuvent être différentes :

  • viser la rentabilité, quitte à mettre en danger ses salariés par le burn-out ( psychologique ) ou les maladies physiques ( TMS ).
  • Ou associer le collaborateur à l’amélioration de son quotidien : automatiser des tâches, certes, mais pour permettre de remettre de la valeur ailleurs:

dans le contact humain, la relation, des tâches plus valorisantes.

Le concept du Lean « maîgre » est plutôt anxiogène.
La partie à visage humain tend à s’effacer devant les objectifs de rentabilité, et devant les usages numériques.
Il doit plutôt être l’usage à éviter.
Et il suffit à la lecture de ce billet d’en avoir conscience, pour reprendre conscience de ce que peut apporter le travail collaboratif avec le salarié.
Qui est intelligent, et qui doit conjointement construire avec la hiérarchie le bon plan d’action.
Efficace, pour tous.

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5 réflexions au sujet de « Le Lean, le travail collaboratif et ses effets pervers »

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