Peut-on être encore seul au monde ?

Peut on encore être seul au monde ?

Vous aimez parfois être seul.

Vous poser ; ou « pauser ».

C’est à dire de mettre en pause tout ce qui bouge, qui vous oblige à agir. Se retrouver en quelque sorte, tout simplement.

La bulle.

Dans le monde de l’entreprise, les bureaux se sont éclatés pour offrir des open-Space.

Mieux partager. Resté connecté avec son voisin de travail. Les casques ont fleuri sur ces plateaux.

Chacun a son casque pour rester dans son univers. Chacun choisira sa musique…

Moi, personnellement je n’aime pas travailler en musique.

Je préfère sentir les autres. Le bruit du clavier, un soupir, un juron.

Je n’ose pas interpeller mon collègue, de peur de le déranger dans son kif d’écouter Louana. Jour 1. Jour de déprime.

Ma technique est de parler sans murmurer de mots. Des signes du langage entre muets.

Ou alors, c’est la force ou mon défaut ayant une tête expressive, une grimace permet de réveiller l’autre et lui poser une question anodine.

Et lentement mon collègue retire son casque et m’écoute.

Même pour demander s’il a vu mon autre collègue qui n’est pas dans le bureau.

Ah oui elle est partie s’isoler dans un bureau ailleurs ? Ok, merci.

La honte d’avoir déranger ce moment de musique ultime pour si peu de choses. Tout ça pour ca.

Même en open Space, on peut se sentir seul.

Me voilà revenu au stade du primate qui fait des grimaces pour communiquer dans un open Space.

 

Ses sphères multiples personnelles.

Se retrouver seul, comme on l’a vu dans l’exemple de l’open-space n’a pas forcément de rapport avec l’absence ou pas d’autres individus autour de soi.

La distance que j’ai physiquement avec les autres définissent des bulles.

J’ai besoin d’espace autour de moi, pour me sentir moi.

Edward Hall anthropologue américain de l’école Palo alto aux États Unis a défini ces sphères de proximité avec l’autre.

Qu’il regroupe dans le terme de proxémie : le rapport de l’homme et l’espace.

Les distances de son espace publique, personnelle et intime correspondent à des distances mètres de :

* sphère intime (de 15 cm à 45 cm : pour embrasser, chuchoter)

* sphère personnelle (de 45 cm à 1,2 m : pour les amis)

* sphère sociale (de 1,2 m à 3,6 m : pour les connaissances)

* sphère publique (plus de 3,6 m : pour parler devant un public ou interpeller quelqu’un).

 

Ainsi, comme dans l’open Space où je suis éloigné de quelques mètres des autres, je peux très bien me sentir bien, et seul.

Pour réfléchir, me concentrer. Me ressourcer. Tout en étant avec les autres. Dans ce même contexte- si mes collègues étaient éloignés de quelques centimètres seulement , je n’aurais pas la même perception. ( a moins que ces collègues soient proches, amis ).

 

La recherche de solitude et sa perception dépend donc à la fois du type de population qui m’environne et la distance avec les autres.

 

Les espaces sociopètes et sociofuges.

Au delà d’être ou seul ou pas, on vit en communauté.

 

Et en communauté, certains espaces sont plutôt user-friendly.

Ils procèdent de deux ordres .

  • Les espaces sociopètes sont la pour créer du mouvement , de l’ouverture.

Des espaces plutôt ouverts pour réunir et capter l’autre.

  • Les espaces sociofuges sont là pour pouvoir se poser . Discuter tranquillement avec l’autre, se concentrer . Hors du brouhaha de l’activité humaine.

Ce sont donc des lieux plutôt fermés.

Les deux espaces ( sociopetes et sociofuges ) ne sont pas antinomiques, mais complémentaires.

À chaque instant, un besoin , un espace.

Dans les organisations d’espace dans les entreprises, ces 2 espaces doivent être considérés. Pour laisser de l’ouverture, et de la concentration.

 

La loose à la cantine.

Être avec les autres.

Les entreprises , les communautés permettent de rassembler tout le monde, de créer une atmosphère d’humanité.

De là, les petits déjeuners où on rassemble toutes les équipes. Les pots qui rassemblent plusieurs services.

Ces moments de communion répondent bien à ce qu’est la communication au sens littéral : communier.

Pourtant, rassembler des individus en ces moments peut détruire la communion.

Pour le timide, se retrouver noyé dans la pièce sans trop savoir quoi dire ou partager est un moment de solitude. Une claustrophobie même, quand de l’isolement on se retrouve noyé dans une masse informe.

Paradoxal dans une assemblée volontairement créée pour partager. Tout le monde n’est pas un leader. Et se retrouver dans un espace bruyant, artificiellement créé peut déstabiliser. Même si au départ c’est pour la bonne cause.

Être bien avec soi même et seul , cela peut être des moments en face à face juste avec l’autre. De vrais moments d’échanges.

Je hais ces moments de regroupement soit disant qui rassemblent tout le monde. C’est souvent pour mieux rester seul. Au mieux, dans un pot, on échange avec celui qu’on connaît et on une discussion à engendrer. Ces moments de cohésion collective peuvent être un succès, si les règles sont fixées intelligemment : trouver un autre, parlez lui. Et surtout pas à son voisin de bureau.

 

La solitude perçue mais illusoire : la surveillance généralisée.

En entreprise.

L’entreprise patriarcale et industrielle du XXe siècle proposait déjà ces espaces ouverts que les cadres découvrent aujourd’hui avec les open Space .

Le contre maître devait pouvoir superviser et surveiller ses ouvriers dans les chaînes de production.

À l’époque, parler entre ouvrière était suspect car on pensait aux grèves, aux résistances du prolétariat face au patron.

Voilà pourquoi la discussion était prohibée. Au delà de faire perdre du temps au tâches du travail, la discussion permettait de parler de ses condiftions de travai. Fromenter la grève…

Aujourd’hui, les open Space dans les entreprises copient ces modèles spaciaux. À la différence que la parole est libre, et que le manager n’est jamais là. Il a son bureau et ne viendra intervenir qu’en cas de besoin.

La parole est libre et paradoxalement l’espace ouvert n’invite pas à la parole. Certains mettent un casque pour écouter de la musique. D’autres trop concentrés.

Dans la vie personnelle.

Il y a peu d’endroit où l’on est seul avec soi même.

Tout au long des siècles, l’intimité s’est construite.

N’oubliez pas que jusqu’au XIX siècle, la chambre à coucher comme on la connaît aujourd’hui n’existait pas.

On lira l’Histoire de la chambre à coucher.

Jusqu’en 1840, point de chambre.

D’ailleurs, l’origine de la chambre, c’est le même mot que la chambrée ; la camaraderie. Le lieu où l’on dormait entre hommes.

La chambre à coucher, séparée des enfants, des amis est un objet spécial finalement assez nouveau.

Et il est en phase de se liquéfier par les usages numériques.

Nos smartphones sont devenus le troisième acteur de la mêlée.

En consultant l’objet, en surfant.

En se laissant écouter. Mesurer. Par les applications pour aider au sommeil.

Pour être réveillé en cas d’une alerte, les fameuses notifications.

Et plus récemment avec les objets connectés qui nous surveillent et n’oublient pas ce qu’on dit ou ce qu’on fait.

Alexa d’Amazon ou l’assistant Google nous écoutent, vous écoutent.

 

L’intimité c’est quand quelque chose est juste partagé entre toi, moi, Mark Zuckerberg, Google et la NSA. Juste nous cinq, personne d’autre.

 

La dernière intimité est d’écrire sur papier blanc son inter-Life.

 

Ne plus être soi, ou le harcèlement sexuel

Les espaces clos de la sphère intime subie par les femmes sont révélés récemment.

Comme évoqué plus haut, la sphère professionnelle et amicale n’est pas sphère intime.

Or les harcèlements sexuels sont d’abord un viol de sa sphère sociale : l’autre s’approche et même sans geste déplacé entre dans un processus pervers.

Pour la victime, la seule solution est la fuite pour se protéger. Dans le monde professionnel, et dans une vie de couple où les rapports d’argent et familiaux avec des enfants , pour ne pas subir les représailles, la fuite n’est pas possible.

Voilà pourquoi beaucoup de femmes ne peuvent échapper à leur prédateur.

Et comble, souvent leur conjoint. 150 femmes meurent ainsi chaque année en France.

Car la fuite n’eet pas possible, dans les considérations financières et familiales. Partager le même logement, subvenir aux besoins des enfants , matérialisent et psychologiquement.

Dans le monde animal et mammifère où nous en sommes présents, la fuite est l’élément essentiel de l’instinct de survie.

Pour une femme harcelée, indépendamment de la violence sexuelle, la limite dépassée concerne déjà la limite de l’espace public et intime qui pose problème.

L’espace masculin est un espace qui impose.

Le Man spreading .

Le man spreading est un sujet intéressant. Il relève complètement de la définition d’edward hall, sur l’espace intime.

Pour rappel, le man spreading est la propension des hommes à ouvrir leurs cuisses dans les transports en commun, et géner les usagers autour. Au delà de la place que ces hommes prennent et gênent, c’est aussi le geste déplacé d’une position sexuelle de son sexe qu’on provoque.

Aux Etats-Unis, dans le métro new-yorkais, et dans d’autres villes dans le monde, un autocollant « No spreading » est affiché pour limiter ces comportements.

Car dans un espace clos comme le métro, se retrouver dans un lieu neutre devrait rester un endroit de proximité où chacun met sa distance.

Certains hommes ont décidé de prendre le territoire et d’écarter les cuisses pour montrer leur virilité.

Et pour les autres, c’est de réduire son propre espace sur le siège, pour éviter ce frôlement indélicat.

Peut on aussi dénoncer les femmes qui avec leur sac dans le métro vous réduisent l’espace de vie dans la rame ?

Le sujet est différent.

Le Man spreading est d’abord un comportement sexiste. Voit on la femme écarter ses mêmes cuisses pour arborher son intimité ?

Non.

 

Être seul avec soi même, c’est trouver sa coque de bien être .

Le monde de la modernité est bien celle indiviualité assumée. Trouver sa solitude, quand on la veut passe par les objets artificiels que sont les casques de musique. Fuir la solitude passe par ces moments de jouissances collectives un peu artificielles.

Le seul échappatoire est bien peut-être la rencontre légère, futile, avec l’autre. A deux.

Et élargir son cercle jusqu’à ce que la proxémie sociale atteint son bien être.

Apprivoisez les open spaces, vos relations, vos moments de grâce. Ils sont importants.

Pause !

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