La chambre à coucher, voilà l’endroit de repos qu’on adore, depuis qu’on est tout petit.
Cette pièce de la maison n’a pourtant pas toujours existé, dans notre histoire.
La façon de vivre au fil des siècles a modelé notre vision de la maison.
Retour au sources, et décryptage d’une pièce passionnante à découvrir !
Les usages mouvants de la chambre à coucher.
La chambre à coucher est le lieu où l’on peut s’isoler. Dormir. Ou retrouver son compagnon ou sa campagne.
La chambre à coucher était le lieu où l’on vivait aussi les expériences ultimes de la vie :
on naissait dans la maison familiale, dans le lit de maman. Aujourd’hui c’est à la maternité.
Malade gravement, on restait dans son lit, dans l’attente du passage du médecin. Aujourd’hui, c’est à l’hôpital qu’on se soigne.
Et inversement, on mourrait dans son lit, au dernier souffle. Pour les morts en paix, c’est encore possible. Mais c’est également souvent à l’hôpital.
La chambre à coucher est donc, au delà du lieu physique, un usage.
Un rapport à l’espace dans la société, de la famille.
La proxémie étudie les usages que l’homme a avec l’espace et la culture.
La chambre en ce sens est bien un rapport de l’homme avec son espace, qu’il construit.
Au fil de son histoire.
La chambre est un produit culturel.
Elle n’est pas universelle. C’est un trait occidental. Les japonais ou africains ne connaissent pas la chambre.
Au fil des siècles, sa définition se modifie jusqu’à l’acceptation actuelle.
Les chambres n’existaient en effet pas en tant que tel.
Le premier mot relatif à la chambre est « camara« , au temps de l’antiquité grecque.
Il s’agit d’un lieu où les hommes dormaient, ensemble. Une chambrée.
De là vient d’ailleurs l’étymologie du mot « camarade », ou « camaraderie ».
C’est l’intimité des hommes entre eux et la fraternité qui se nichait dans la chambrée.
Les femmes, elles n’ont pas de chambres, et sont dans le gynécée.
On est loin de la chambre de papa et maman !
Jusqu’au XIXème siècle encore, les paysans et ouvriers dorment ensemble. Il n’y a pas de chambre conjugale.
La chambre conjugale apparaîtra vers 1840, dans les classes moyennes.
C’est le lit, seul, qui existe, autour duquel on a des rideaux ; pour préserver l’intimité. On utilise les pièces de la maison, dans les coins.
Le lit est alors caché, dans la pièce, parfois par un lit clos ( avec des pièces en bois ).
La chambre conjugale est d’abord la propriété de l’aristocratie. Et là encore, on ne parle pas de lit conjugal.
L’homme et la femme ont leurs propres chambres séparées. Pour se retrouver dans « l’acte conjugal », c’est l’homme qui allait dans la chambre de Madame…
L’homme décide alors quand il a envie de s’y rendre, même si Madame a une clé de la chambre.
La chambre se construit donc lentement : une chambre avec une clé, fermée : pour que Madame puisse rester seule, ou pour enfermer Madame, sexisme oblige.
L’individualisme occidental.
Comme on l’a dit, la chambre est un produit culturel. Et dans le monde occidental, la culture de l’individualisme définit ainsi ce lieu :
un endroit où le désir d’un espace privé pour soi.
Au temps des romains, le Romain recherche un espace clos, privé , où le citoyen peut se retirer de la maison ( lire, faire l’amour ). c’est le cubiculum.
Autant les dames auront leurs chambres, l’homme, lui, dort n’importe où, au moyen-âge, dans les chateaux forts.
L’instinct de liberté est là.
L’espace clos, individuel sera la cellule du moine, qui recherche silence, et recueillement. Il préfigure la chambre.
La chambre est ainsi un lieu clos, fermé à clé. L’homme libre, on laissera les femmes dans leur chambre, dans leur intimité. Le rapport inégalitaire de l’homme et la femme.
On le voit : la représentation de l’homme de la chambre est intimement liée aux conceptions culturelles d’une époque.
Concernant l’amour conjugal ou extra-conjugal, le lieu est cherché pour se retirer des contingences familiales.
La chambre des enfants apparaît ensuite, après la chambre des parents. La chambre est ce lieu où l’enfant est puni ( « va dans ta chambre » ).
Mais c’est aussi le lieu sacralisé, comme l’enfant devenu « roi » aujourd’hui.
Elle est entièrement décorée ( avant la naissance de l’enfant ) à l’image de ce qu’il souhaite.
La chambre est bien ainsi une représentation construite, dans le temps, selon nos modes de vie.
Voilà donc un lieu passionnant. Et lorsque vous y irez vous coucher ce soir, vous ne verrez plus votre chambre comme avant.
Cellule, camara, cubiculum ou la chambre où tout est permis.
Surtout dormir !
On lira plus largement le rapport de l’espace : la proxémie. Et on lira Histoire de chambres, de Michèle Perrot qui a nourri ces réflexions.
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