La maison connectée est-elle à déconnecter ?

Vous avez fermé la porte de la maison. Vous respirez, vous pensez être tranquille, avec votre famille. Retrouver cette intimité chaleureuse.

Fermer la porte, et laisser les objets connectés, les octets envahir la maison,  c’est comme laisser vos fenêtres ouvertes. Vos voisins, le monde vous observent. Alors… on déconnecte la maison ?

La maison comme espace privé, et déconnectée.

La vie privée est le moment propre qui appartient à chaque individu de disposer quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Qu’on ne peut rendre public ou partagé.

 La vie privée s’est construite dans la sphère intime, celle de pouvoir être seul avec soi même, ou avec sa famille.
Dans un lieu fermé, clos dans lequel l’individu peut s’exclure de la sphère publique. Dans la maison. Cette conception occidentale place la maison comme le foyer de l’intimité.
C’est même la chambre elle même, née au XIX siècle qui inaugure ce lieu où chacun peut dormir seul, dans une pièce. ( à lire ici : histoire et proxémie de la chambre à coucher )
Cette lente évolution du rapport à l’espace répond au concept de la proxémie. Le rapport de l’homme à l’espace.
Edward Hall définit ainsi la distance nécessaire, de la sphère intime, personnelle, sociale et publique.

Ces schémas ne sont pas que théorie, leur étude à montré que lorsque ces distances ne sont pas respectées, elles ont des effets dévastateurs : la mort d’espèces animales, mais aussi humaines, et plus légèrement la dépression, la violence urbaine.

La maison s’est donc construite pour préserver la distance intime nécessaire à chacun.

Y compris au sein même de la maison : les enfants et les parents ont leur chambre et chacun respecte cette intimité : les parents toquent à la porte des enfants avant d’entrer.

La chambre des parents est le lieu où les enfants n’entrent pas.

La nouvelle maison, connectée.

L’arrivée de la maison connectée change la donne.

La domotique n’a jamais vraiment réussi à entrer dans le domaine de l’habitat.

La faute à un manque d’homonogénisation des technologies, chacune fournie par des constructeurs et opérateurs différents : un système pour l’éclairage, un système pour le chauffage, un système pour l’alarme.

La numérisation permet aujourd’hui de mettre en cohérence des protocoles : tout capteur dans la maison produit des data, des données sous forme de bits, donnée élémentaire de l’informatique.

L’orchestration de ces données de même nature facilité un système tout intégré, et les grands acteurs du numérique l’ont bien compris : être le premier sur ce créneau, c’est proposer son propre protocole universel. En faire un standard.

Voila pourquoi Google a acheté il y a quelques années l’entreprise Nest qui propose un thermostat connecté.

Parce que rentrer dans la maison, pour les acteurs du numérique, c’est du pain béni.

 La privatisation de notre espace privé.

C’est une masse de donnée de comportements inouï à capter, dans la plus grande intimité.

Les programmes télé que nous regardons, Via Netflix, laissent ces traces sur ce que nous aimons : nos passions, nos intérêts, notre sexualité.

Nos habitudes alimentaires via des réfrigérateurs connectés.

Notre santé, par les capteurs du sommeil.

Toutes ces données captées restent privées, en théorie. Même si de récents incidents ont montré que ces appareils connectés avaient des failles de sécurité triviales. Et que dans la poupée connectée de votre enfant, on pouvait le surveiller…

Ces données privées sont censées nous rendre le plus grand bien, le plus grand service.

Une fluidité dans notre mode de vie dans la maison. Et cela, c’est merveilleux : la maison qui doit être le lieu de sérénité devient un endroit sans couture dans notre quotidien.

Alors, oui, on accepte que ces capteurs autour de nous dans la maison travaillent pour nous.

Pourtant, l’emprise de cet espace privé, à des fins de surveillance, c’est un peu de la panoptique.

Nous ne sommes plus chez nous. Cet endroit qu’on pense sûr, un cocon de tranquillité, parce qu’on a fermé la porte à clé est ouvert au monde.

Les bits et octets se sont engouffrés partout, avec notre volonté.

Comme l’indique Eric Sadin :

la vie privée devient privatisée.

 

Et , Amazon a même trouvé la subtilité d’agrandir votre famille : Alexa  est l’assistant numérique d’Amazon. Elle a un visage, et une présence. c’est la nouvelle enceinte Echo. Elle fournit une interface vidéo, et vous pouvez parler à Alexa : elle sait tout. Tout de vous. Et enregistre tout ce que vous dites….

Georges Orwell, en 1949 publiait un roman de référence, 1984. Où Big brother surveillait jusque dans les chaumières. Avec un écran qui vous écoutait. A l’époque, Georges Orwell faisait référence à un pouvoir totalitaire.

1984 existe aujourd’hui, avec cette surveillance immédiate, totale de nos comportements, notre vie intime à la maison.

La différence et l’erreur de Georges Orwell, c’est que le pouvoir en question n’est pas un Etat. C’est le pouvoir technologique. Largement concentré dans les mains de la Silicon Valley, aux Etats-Unis.

Ouvrir la maison aux autres, c’est accueillir. Certes, utiliser les nouvelles technologies.

Mais pour y mettre du sens, de la responsabilité.

Utiliser nos données numériques pour indiquer à ses voisins, sa communauté d’êtres humains qu’on a des choses à partager.

Et ce que je partage, je le choisis.

Pour que ce soir, lorsque je pleure sur mon oreiller, dans ma chambre, je ne suis qu’avec moi-même. Dans cette solitude de l’être humain qui se choisit.

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Une réflexion au sujet de « La maison connectée est-elle à déconnecter ? »

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