1989. Lettre à un jeune homme

En ouvrant les tiroirs poussiéreux, on découvre soi. Qu’on a oublié.

Une vieille lettre ; écrite à 17 ans, en 1989. En Terminale.

Ecrite, sûrement envoyée. Echange épistolaire, dont il reste un morceau. Ce brouillon est encore là, dans ce tiroir.

Qu’elle nourrisse le Cloud. Votre esprit, et votre coeur.

C’est peut être une lettre que je vous écris ; encore.

Trop Attendre.

Allons nous-en !

On ne peut pas.

Pourquoi ?

On attend Godot.

( En attendant Godot, Samuel Beckett )

Je suis en perpétuelle ébullition.

Impossible pour moi de conserver mille pensées, sans les jeter brutalement sur une feuille de papier.

Ainsi, avant même d’attendre une réponse de toi, j’écris.

Ces pensées sont en quelque sorte une réponse à la lettre que je n’ai pas ( encore ) reçue. Si entre temps, tu m’as répondu, tu trouveras quelques réflexions à ta lettre, ( non je n’aime pas trop ce mot de « lettre », mais tant pis ) à la fin…

Donc ( le revoilà, ce « Donc. » ), j’écrivais plus haut : Trop attendre.

  • Attendre des propos qui ne viennent pas.
  • Attendre quelques lignes, qui puissent nourrir mon être tout entier.
  • Attendre, presque, l’attente.
  • Attendre, lorsque j’oubli cette attente.

Oublier cette attente par le jeu, la vie.

Oublier cette attente, parce que je prépare un devoir de Maths. Mais aujourd’hui, pas de devoirs en vue. Je reste alors un être de lambeaux.

Car je n’ai rien à faire. Sinon d’attendre.

Si ! Je peux préparer le devoir d’histoire, faire des exos. Sortir. Ecouter de la musique. Mais c’est toujours ATTENDRE un autre moment.

N’es-tu pas prisonnier de cette attente ! Car cette attente nous concerne tous. Et cette attente est bien celle de la Mort.

Attendre la mort, parce qu’on a rien à faire, sinon d’attendre ce moment. Parce que la mort est seul but.

Juste une citation ( je n’aime pas ce mot ) de Charles Baudelaire :

C’est la Mort qui console, hélas ! Et qui fait vivre.

C’est le but de la vie, c’est le seul espoir.

Qui comme un élixir, nous monte et nous enivre.

Et nous donne le coeur de marcher jusqu’au soir.

… Et nous donne le coeur de marcher jusqu’au soir…

Bigre ! Il me semble que je suis pris d’une angoisse profonde. Et c’est maintenant, je pense que je dois citer une autre oeuvre, de Samuel Beckett. « En attendant Godot ». Ne m’en veux point pour ces références, qui semblent nous écarter du sujet.

Mais « En attendant Gogot » résume bien ce que j’essaye vainement de faire comprendre.

Cette pièce nous montre deux personnages. Dont l’un est moi.

Sans doute, l’autre est toi. Ces deux personnages sont dans un coin de campagne imaginaire. Ils ont rendez-vous avec un certain Godot. Qui est-il ? Et qu’attendent-ils ?

Qu’importe, eux-même ne le savent pas. L’attente est une raison d’être, et seul l’espoir de la venue de Godot permet de se maintenir vivant.

Tout au long de cette oeuvre, on ne sait qui est ce Godot. Au lecteur de le découvrir..

Et ce Godot est pour moi, cette mort. Les deux hommes, las de supporter cette vie, espèrent la venue de ce Godot. En vain. Ils ont compris que la vie n’est rien.

Mais, horrible supplice !, ils ne peuvent voir ce Godot.

Tout cela est peut-être confus.

J’aurais sûrement l’occasion de tout repréciser ; si quelque chose te semble incompréhensible. Car je ne suis pas écrivain. Juste un peu poète.

Pour la vie, et non pour un moment, pour l’adolescence.

En tout cas, moi qui aurais voulu être écrivain, je ne pourrai jamais aligner deux pensées cohérentes ! Floue.. Fou.

Peut être parce qu’elles viennent spontanément. Sans arrière pensée. Ceci est une page de sincérité.

Parce que je pense pouvoir te faire confiance.

Il m’est cependant difficile d’écrire, sans craindre que cela ne te plaise pas.

Je ne fais que naviguer.

Je ne fais que naviguer, oh mon Capitaine !

Je suis les flots de la mer,

Sans pour autant en être maître.

Mais mon capitaine, guide moi !

Tu vaincras les bêtes gens.

Tu vaincras !

Tu guideras, tu me guideras

Et tu t’aideras.

Le brave capitaine, courageux dans la tempête.

Je l’espère.

J’ose. Il faut savoir défier.

Mais pas se méfier, ici.

J’ose et oserai-je ?

Je ne sais où je veux en venir.

Tout reste flou. Si flou..

Ce qui est sûr, c’est que tu vas devoir me supporter.

Supporter tout le poids de toutes ces lignes.

Supporter ces états d’âme. Peut-être aimeras-tu. Qu’importe. J’écris. Je t’écris. Je m’écris.

Mais pourquoi ces lignes !

L’ombre de cette annonce me poursuite et pèse. Pèse et soulève.

Pèse et soulève ce que je dis !

Tu trouveras des aberrations. Mais de la vie, j’espère.

J’espère que tu trouveras le même entrain à répondre. Sinon que cela cesse.

Autre tiret.

Ce midi, je me suis réveillé… Tout ce que le monde pensera n’est rien à mes yeux. Ce que j’ai fait n’est plus. Donc aucune raison d’en parler, d’avoir un quelconque regret.

Ainsi, balayée l’hypocrisie. Tu sais que ce problème me tient à coeur, car le lycée est un lieu d’hypocrisie en puissance.

Notre TC2 aussi.

Parfois, je me hais de parler de Dawn, ma correspondante américaine. Car, oui, elle est grosse. On en rit. Mais le faut-il ?

Stop. Là, j’vais déprimer. Et je ne voudrait pas que cela soit contagieux. Tu le vois donc, et j’insiste, je n’ai plus toute ma tête. Les idées viennent si vite. Rien que l’idée de remplir toutes ces feuilles blanches à petits carreaux me remue.

Déjà une nouvelle page. Et on recommence…

Jusqu’à ce que l’ombre de Godot se présente.

Bizarre, tout ceci. Pourquoi ces mots !

Je ne connais rien de toi.

Je te vois peu au lycée, et là je t’écris.

Lorsque tu m’as dit qu’Alain écrivait un bouquin, je me suis interrogé. Alain a-t-il l’esprit aussi clair pour pouvoir d’un coup écrire des pages, et des pages ; avec une progression dans ses idées ? Et le tout traitant de la philosophie. Chapeau.

Car moi, si enthousiaste à écrire, je ne peux faire cela. Je préfère divaguer, me tromper, revenir en arrière. Tout n’est pas fixé. Mais c’est ce qui fait le charme de cette année. Don’t you think so ?


La pluie revient. Enfin. Je vais pouvoir de nouveau rêver. Chaque goutte de pluie à la fenêtre de mes rêves. Rêvons. Crions. Pleurons. Chantons. Aimons.

Mais que ce Dieu cesse de me regarder de si haut !

Il a créé l’homme. A lui d’en assumer la responsabilité !

Ce n’est pas moi qui supporterait ce poids si grand. K. n’a pu le supporter.

Cette après-midi, j’ai appris qu’une copine de lycée avait tenté de mettre fin à ses jours. C’est à ce moment que je me ressaisi, et que je comprends. Cette mort s’est approchée un peu plus tôt. Mais plus tôt, ou plus tard, le temps n’a plus d’importance devant les siècles écoulés.

Pourtant, elle, ( cette copine ) a bien un rôle à jouer sur cette foutue boule bleue ! Un rôle vis-à-vis de Dieu ? Pourquoi pas !

Ma totale incompréhension me poussera peut être à croire. La religion est tellement si présente dans les civilisations. Je suis donc ouvert à toute proposition, et si tu pouvais m’aider, je t’en remercierai.


Maintenant, il est temps de casser certaines images.

Un Guillaume tout aussi fragile que toi. Tout aussi timide. Car les apparences sont parfois trompeuses. Parfois. Est-ce le cas ? Je pense. Une timidité balayée parce que j’ai commencé le théâtre. Rencontré des gens différents : des chômeurs, des arables, des adultes, des comédiens, des lycéens.

Balayée parce que j’ai commencé à me trouver des vrais amis. Des gens en qui on a confiance.

Ouvrir certaines portes, avant qu’elles ne s’ouvrent elles-même. Comprendre. Agir dans le bon sens. Bouger.

Pour Oublier ?

Oui.

Car le spectre revient. Quand l’esprit revient à la raison. Peut-être ai-je besoin d’un compagnon de route, sur la longue voie de l’esprit. Trouver « un point d’ancrage ».

Et je suis poussé par cette plume. La cartouche se vide.

Je veux que tu t’accroches, à ce long navire.

Refuser les idiots, les hypocrites. Mais t’ouvrir à ce monde si merveilleux que j’essaye de frôler.

Confus !! Encore une fois. Mais la fatigue me guette. Enfin rencontrer des gens intéressants. Pour progresser ensemble. Cette lettre a l’allure d’un vieux testament, alors qu’il doit être la porte ouverte à tout.. TOUT.

Je compte les pages. 1…2…3…4.. 4 pages déjà. Je ne me rends pas compte de tout ce que j’écris. Tu vas, mon pauvre, devoir trier, jeter et conserver.

Hymne à la vie, à l’amour, à l’amitié, à la vérité, la tranquillité, à l’émotion.


Cinquième page.

Je vais m’arrêter là.

J’avais à rapporter un reportage à la télévision sur la « génération 2000 ».

Notre génération. Trop long. Peut être pour une prochaine fois.

J’espère. Espérance. Je crois.

Je crois en l’homme incarné en la sagesse, en la compréhension.

Je ne suis pas le seul à le croire.

Représentation d’un mystère.

Oh que oui.. Mystère de ces lignes..

Elle est d’accord avec moi.

Juste pour finir, une dernière pensée, de ce Keating. Qu’elle soit le sens de ma vie.

Qu’elle soit une liaison entre deux esprits.

Deux esprits qui se rencontrent, au hasard d’une vie.

Deux routes s’offraient à moi, et là ,

j’ai suivi celle où on n’allait pas,

et j’ai compris toute la différence.

Avec tout mon amitié,

Un navigateur.

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