Surveillance et discipline

Nos sociétés sont aujourd’hui sous surveillance. Par les drones, les caméras de surveillance, nos empreintes numériques.

Cette surveillance a une histoire. Maîtriser les comportements dans une société démocratique ou pas. Et surtout discipliner la société, en la connaissant ; la mesurant. Pour le bien du « bien vivre » ensemble, ou pour la contrôler.

C’est l’histoire de la surveillance, écrite par Michel Foucault dans son essai « surveiller et punir » que je vous résume ici. C’est toujours d’actualité ! Vous vous reconnaîtrez…

Michel Foucault analyse les invariants de notre société d’individus, broyés par la société : l’Etat, et toutes les institutions sociales : l’église, l’école, la prison.

Les sociétés ont besoin de se structurer . Ce qu’on appelle la nation doit rassembler.

L’histoire de nos nations a des soubressauts. Comme en France avec la révolution française. Aussi comprendre la nation a du sens.

Pour rassembler, c’est aussi imposer des règles, et une discipline.

La discipline.

La discipline fabrique les individus, les contraint. C’est un pouvoir qui doit cependant contrôler.

Le succès de ce pouvoir disciplinaire se base sur une surveillance hiérarchique, une sanction en cas de trouble, et l’examen.

La surveillance hiérarchique.

Pouvoir contrôler le bénéfice de la discipline, cela nécessite un regard, une surveillance.

Le modèle de l’observation idéal est celui du camp militaire, tel qu’il était organisé dans les siècles passés.

Dans le camp, tout le pouvoir s’exerce par le seul jeu d’une surveillance exacte.

Dans le camp, les allées sont géométriques , l’orientation des tentes d’entrée est calculée pour permettre l’observation. On dessine un réseau des regards qui se contrôlent les uns des autres.

« Toutes les tentes sont à deux pieds les une des autres. Les tentes des sulbaternes sont en vis à vis des autres de la compagnie. Les tentes des capitaines sont dressées vis-à-vis de la compagnie. La porte regarde vers les compagnies ».

Il faut une visibilité générale.

«  Longtemps on trouvera dans l’urbanisme, dans la construction des cités ouvrières , des hôpitaux, des asiles, des prisons, des maisons d’education,ce modèle du camp ou du moins le principe qui le sous-tend : l’emboitement spatial des surveillances généralisées. ».

Qu’on peut nommer le principe de l’encastrement.

L’architecture des bâtiments change. Aux palais dont il fallait être visible de l’extérieur ( montrer le faste ), aux forteresses pour voir au loin ( géométrie des forteresses ), l’architecture se place sur le voir à l’intérieur.

Aux murailles épaisses qui clôturaient les bâtiments clos des prisons, des asiles, des communautés , on tend à l’intérieur de multiplier les ouvertures. Pour mieux observer et surveiller.

L’école militaire de paris par exemple se construit par des cellules pour chacun des militaires. Avec à intervalle régulier un logement d’officier.

On retrouve le principe de cellule, de cloisonnement propre à la discipline, mais on y adjoint quelques ouvertures.

On vitre une partie de la cloison des chambres des élèves officiers.

Prévenir la débauche, l’homosexualité.

Dans les salles à manger, une estrade en hauteur permet aux inspecteurs d’observer.

Tout voir en permanence.

L’observation et la surveillance n’est plus laissée aux inspecteurs, mais par des commis de surveillants, qu’on surveille aussi. Dans les manufactures, pour surveiller l’activité des ouvriers.

Idem dans les écoles où les maîtres s’entourent de surveillants parmi les meilleurs élèves.

La surveillance promue au XVIIIieme siècle n’est pas foncièrement nouvelle. c’est son extension dans un système intégré, anonyme, totalisant , à l’intérieur du dispositif qui en fait sa nouveauté, et qui fait réunir le « réseau ».

Ce système de surveillance fonctionne en permanence, en silence.

La sanction normalisatrice, et la récompense

Le système disciplinaire est un monde clos qui échappe à la transparence, au contrôle. Sanctionner un individu n’a ici aucun lien avec la justice pénale. Le système disciplinaire a son propre règlement, ses propres codes. Y compris dans le domaine de la punition, quand la discipline n’est pas respectée.

L’infraction ici est celle qui ne respecte pas le code de l’institution :

« Il est expressément défendu d’amuser les compagnons par des gestes ou comportement ».

Le champs des infractions se porte sur tous principes proposés à la discipline :

  • Le temps ( retard, absence )
  • L’activité ( négligence, manque de zèle )
  • Le corps ( malpropreté, tenue incorrecte )

La différence de la sanction disciplinaire c’est qu’elle ne se base pas toujours sur une faute , mais sur une non conformité. N’avoir pas appris suffisamment sa leçon, avoir mal tenu son fusil.

Le châtiment est cependant correctif, pour réduire l’écart avec ce qu’on souhaite du sujet.

La punition doit être l’exception, et elle n’est qu’un élément du système double punition-récompense.

La qualification du sujet permet toujours de le placer dans une de ces deux ..

Par exemple, les frères des écoles chrétiennes avaient élaboré une micro économie des privilèges pour les bons sujets. «  les privilèges serviront aux écoliers pour s’exempter des pénitences qui leurs sont imposées « .

Un système de notation , avec des avances et des dettes.

C’est l’individu qui est finalement noté plus que ses actes.

Ce système de notation a une valeur dans l’attribution du rang, ou des grades.la discipline récompense par l’avancement, et rétrograde par la punition.

A l’ecole militaire de Paris, par exemple, un système complexe de classement « honorifique » répartissait les bons et mauvais élèves, sur leur qualités morales, leur conduite.

  • Les élèves dit très bons étaient dans la première classe, avec une épaulette d »argent. Avec les punitions associées ( arrêt voire la prison ).
  • Les bons , de deuxième classe portent une épaulette de soie ponceau et argent. Passibles de la prison , des arrêts, mais aussi de la cage et mise à genoux.
  • Les médiocres eux ont droit à l’epaulette de laine rouge.

L’art de punir dans la discipline ne vise pas la répression. Elle met en œuvre le suivi des actes et la performance, la comparaison de la conduite avec ce qui est attendu, et différencier l’individu par rapport aux autres.

Loin de considérer la loi enfreinte, comme dans le système judiciaire, le dispositif disciplinaire définit une « pénalité de la norme ».

La norme devient un grand instrument du pouvoir, de coercition à la fin de l’age classique. Il faut mesurer.

L’examen.

L’examen combine à la fois la surveillance et sanction, que nous avons évoqué ci-avant.

Il est aussi un élément de normalisation, de mesurer l’écart.

Il est aussi une visibilité sur l’individu qu’on différencie et qu’on sanctionne. Voilà pourquoi l’examen est hautement ritualisé.

L’examen est aussi un moyen de connaître, et de savoir. Il est un mécanisme qui permet également au pouvoir de prélever et de constituer du savoir.

L’exemple de la médecine.

Le changement de la médecine au XVIIIème siècle fut l’organisation de l »hôpital comme appareil a « examiner ».

L’examen se fait par le rituel de la visite. Au XVIIIèmeeme siècle, le médecin vient de l’exterieur de l’hopital et participe peu à la gestion opérationnelle de l’hôpital.

C’en en 1661 que le médecin de l’hotel dieu a Paris fut chargé une visite par jour . En 17771 un médecin résident à plein temps s’occupe de ces visites, et examen.

L’inspection rapide et discontinue d’autrefois est transformée en longue observation des malades. Permettant au médecin de retirer du savoir . Et également de prendre le pouvoir, reléguant le personnel religieux comme assistant, avec un rôle déterminé, celui de l’infirmier.

L’hôpital constituera le lieu où il se nourrit des objets offerts à l’examen, les malades.

L’exemple dans le domaine scolaire

De même , dans le domaine scolaire.

Les élèves deviennent en permanence soumis à des compositions tous les jours de la semaine ,dans les écoles chrétiennes des frères.

A l »école des ponts et chaussée, depuis 17775, il existait 16 examens par an.

L’examen n’est pas que pour sanctionner un apprentissage. Mais il en est un facteur permanent : celui de s’assurer que l’enseignement et bien transmis. L’examen permet au maître de transmettre ses connaissances . Et en retour, le maître prélève de la connaissance sur l’élève. Et construire ce qu’on appelle aujourd’hui la pédagogie.

De même, dans le domaine de l’armée, le pouvoir obtient le savoir en observant les multiples manœuvres tant répétées .

L’examen intervertit la visibilité dans l’exercice du pouvoir.

Le pouvoir devient invisible, c’est l’individu qui devient visible

Historiquement, dans l’histoire de l’ancien régime, on retient le nom des monarques, leurs histoires, les récits écrits à leurs sujet.

C’est le pouvoir qui se montre, qui se manifeste.

Le paysan lui n’a droit qu’a un nom improbable sur un registre d’état civil.

Dans le pouvoir disciplinaire, c’est l’inverse.

Ce pouvoir devient invisible. Ceux sont les sujets qui ont à être vus.

Surveillés, notés. Mis en visibilité dans les allées disciplinaires. On ne peut se cacher.

C’est le fait d’être vu , de pouvoir être vu qui maintient le sujet dans son assujettissement.

L’examen est un élément de cette objectivation.

La cérémonie du prince donnait à montrer la puissance.

La cérémonie de l’examen, qu’on appelle parade, la forme fastueuse de l’examen n’est pas de montrer la puissance du sujet disciplinaire. C’est la revue. Les sujets sont offerts à l’observation.

L’examen fait également entrer l’individualité dans un champ documentaire.

Les bons ou mauvais comportements de l’individu sont notés, archivés. Les résultats des examens sont Enregistres.

Pour cela, il faut pouvoir identifier nommément l’individu. Il faut pouvoir retrouver la fiche d’un malade, la fiche d’un déserteur.

Les registres intègrent de nouveaux codes.

De nouveaux codes sont inventés : codes physique du signalement, code médical des symptômes, code scolaire ou militaire…

On commence ainsi à « formaliser «  l’individu.

Ces éléments individuels servent à être mis également en corrélation. Produire des statistiques, des catégories, des classements. Établir des normes.

L’examen, entouré de toutes ces techniques documentaires fait de chaque individu un « cas ».

L’individu , pendant longtemps n’etait pas analysé, regardé, décrit. La chronique d’un homme, le récit de sa vie , sa généalogie étaient réservés aux puissants.

Le procédé disciplinaire retourne ce rapport. Le contrôle et la domination exigent de tracer, écrire le document pour une utilisation éventuelle.

Ici on remarquera que la description se porte sur les dérives, les écarts anormaux : la vie soigneusement écrite de salades mentaux, des délinquants . Une fixation des différences individuelles. Une individualité liée aux traits, aux mesures, aux écarts, au notés qui le caractérisent. Et fait de l’individu un « cas ».

Techniques de discipline

La discipline, quels que soient les domaines où elle s’applique, se base sur les même techniques :

  • La discipline s’inscrit dans un endroit clos. La clôture.

Clôture des couvents, clôture des casernes militaires. L’ordonnance de 1719 prescrit la clôture par une enceinte de muraille de dix pieds.

L’internat apparaît comme le régime d’education suivi. Il devient obligatoire au lycée Louis le grand, devenu collège modèle.

Ces clôtures gagnent également les usines, dans la seconde moitié du XVIIIeme siècle.

Dans la vallée de la charbonnière le creuset l’usine installe même les logements des ouvriers. Un type de contrôle. L’usine s’apparente à une ville close. Le gardien « n’ouvrira les portes qu’à l’entrée des ouvriers et après que la loche sonne, après un quart d’heure plus personne ne peut y rentrer  ». Permettant la productivité, et évitant les vols.

  • La discipline s’inscrit dans un endroit élémentaire localisé.

Le quadrillage. Chaque place dans un endroit élémentaire : la cellule. Le terme cellule est utilisé pour les couvents, les prisons.

Il indique cette organe le plus petit dans le corps.

L’espace disciplinaire se divise. Cette division permet d’éviter les masses informes d’individus.

De limiter les désordres, les révoltes. Chacun est réparti dans une case. Permettant de contrôler l’absence ou la présence.

  • La discipline s’inscrit dans des emplacements fonctionnels.

Dans l’architecture du lieu est codé toute une organisation centrée sur la fonction.

Dans Les grands espaces , des espaces se définissaient, autant pour surveiller que de créer un espace utile.

Dans les grandes manufactures, comme celle d’Oberkampf de Jouy de 1791, la manufacture réunit dans un long atelier les disciplines en rangées de 132 tables ,selon les phases de production. Une division du processus de production.

Dans les classes d’ecole, on classe les rangs selon le contenu des cours.

  • Dans la discipline, les éléments sont interchangeables.

Dans le quadrillage, on est un pion que l’on peut déplacer, et remplacer.

Chacun est dans un rang, qui peut changer en fonction.

La discipline, art du rang , n’individualise pas les corps par une localisation qui ne les implante pas, mais les distribue et les fait circuler dans un réseau de relations.

La classe d’école est le lieu où on classe par rang les niveaux des élèves, le contenu des cours à dispenser. En fonction des résultats, le rang de l’élève change.

Le contrôle de l’activité.

La discipline nécessite le contrôle. Ce contrôle se réalise sur différents aspects :

  • Contrôle du temps.

Ce sont les activités monastiques qui ont largement écrit la pratique du contrôle du temps. Sur les trois procédés : scander. Contraindre à des occupations et définir des cycles de répétition.

Elles se sont largement diffusées dans toutes les autres activités. Dans les collèges, les ateliers, les hôpitaux.

Ainsi dans les manufactures : « toutes les personnes arrivant le matin à leur métier commenceront par laver leurs mains, offriront à Dieu leur travail, feront le signe de croix et commenceront à travailler ( article 1er du règlement de la fabrique de saint Maur).

Cette division du temps de la journée en heure, puis en minutes et en secondes.

A l’armée, Guibert procède à des chronométrages de tir, demandés par Vauban. Vauban définissant aussi le temps nécessaire à chaque tâche, lui permettant de savoir en combien de temps les ouvriers pourraient finaliser les fortifications de Vauban.

L’élaboration temporelle de l’acte.

Dans la marche militaire, la cadence du tambour doit être suivie. En commençant tous par le pied droit.la durée du pas de route sera d’une seconde. On ajuste le geste au temps. L’acte est décomposé en différents éléments. Le temps pénètre le corps et avec lui tous les contrôles minutieux du pouvoir.

Mise en corrélation du corps et du geste.

Ces actes ritualisés n’imposent pas seulement une série de gestes. Ils imposent une relation entre un geste et l’attitude globale du corps. Afin d’assurer son efficacité et sa rapidité. Rien ne doit rester oisif, ou inutile.

Le maître a l’ecole enseignera la posture que les écoliers doivent tenir en écrivant.

  • L’articulation corps-objet.

Le rapport de l’objet et du corps est millimétré.

Par exemple, l’utilisation du fusil. Porter l’arme en trois temps. On ramène le fusil de la main gauche devant soi. Le pouce allongé contre la platine, appuyé à la première vis.

Ces indications mettent en jeu à la fois les parties du corps ( Le Bras, le genou, la main ) avec les parties de l’objet ( le canon, la vis..). Un complexe corps-objet , corps-machine se crée.

L’utilisation infinie du corps-objet.

La décomposition et la multiplication des gestes a l’infini intensifient chaque instant propice à l’utilité. Il s’agit d’extraire du temps toujours davantage d’instants disponibles et de chaque instant toujours davantage de forces utiles.

L’organisation des activités

Pour exploiter les durées des activités disciplinaires, il faut que chacun des moments soit utile.

Chaque activité doit être divisés en segments qui ont une fin, selon une durée spécifiée. Et un objectif atteint. On séparera par exemple le temps de formation de la pratique des armes .

En permettant d’accéder à une nouvelle pratique que si la première est réussie ; la posture avant le maniement des armes.

Finaliser ces segments d’activités par une épreuve. Afin de définir un nouveau statut du sujet. Garantir la validité de l’apprentissage et de différencier le niveau du sujet avec les autres.

Les techniques disciplinaires définissent ainsi ici un temps linéaire vers un point terminal et stable. En plus des répétitions et de segmentation. Élaborant à la fois une micro et macro organisation. Découpe du temps, et en même temps synthèse et totalisation.

L’exercice est à la fois répétition de taches, mais gradué, vers un état terminal ; celui de l’acquisition d’un savoir faire.

  • La composition des forces.

L’efficacité de la discipline n’est pas juste celle du sujet contraint. C’est l’ensemble des sujets qui peut donner encore plus d’efficacité au modèle disciplinaire.

Dans le modèle militaire par exemple, le régiment ou le bataillon est une machine globale aux pièces multiples constituée de chacun des soldats. Comme on l’a vu plus haut, le sujet est interchangeable. Le soldat n’est plus seulement considéré par sa force ou sa vaillance, mais la place qu’il occupe dans la troupe.

Et c’est la composition de l’ensemble de ces sujets qui permet de donner le corps global de la troupe. Le soldat forme une pièce qui doit conjuguer avec les autres pièces, sujets de cette machinerie.

Aussi, dans les exercices de la discipline, on intégrera les exercices à deux, et ensuite au plus grand nombre.

Chaque soldat est utilisé dans son temps optimal pour le groupe, en fonction de ses capacités.

« La vie militaire commencerait au plus jeune âge, quand on apprendrait aux enfants , dans des manoirs militaires le métier des armes, et s’achèverait dans ces même manoirs, jusqu’à leur dernier jour, enseigneraient les enfants, feraient manœuvrer les recrues, les surveilleraient. Il n’est pas un seul moment de la vie dont on ne puisse extraire des forces, pourvu qu’on sache le différencier et le combiner avec d’autres. »

De la même façon, dans les ateliers on utilisera les enfants aux mains habiles, et à bon marché avant qu’ils puissent changer de place dans le quadrillage de l’activité de l’atelier.

A l’ecole, certains écoliers pourront surveiller les autres écoliers.

Rendant l’éducation maximisée, laissant du temps au maître à gérer d’autres activités.

Dans le domaine de l’éducation, La méthode Lancaster utilise l’ensemble des forces de chaque sujet discipliné pour optimiser au global l’éducation.

On confie d’abord aux élèves les plus âgés des taches de simple surveillance, puis de contrôle du travail’ puis ‘enseignement ; si bien qu’au final, tout le temps des élèves s’est trouvé soit à enseigner soit à être enseigné.

Samuel Bernard ( rapport 1816 sur l’enseignement ) note l’efficacité de cette méthode :  » dans une école de 360 enfants, le maître qui voulait instruire chaque élève à son tour pendant une séance de trois heures ne pourrait donner qu’une demi minute. Par la nouvelle méthode, tous les 360 élèves écrivent, lisent ou comptent pendant deux heure et demi chacun ».

Cette combinaison des forces nécessite une rigueur, et exige un système de commandement efficace.

Les injonctions par un mot d’ordre, la sonnerie qui retentir permettent d’opérer avec le comportement voulu. Le soldat est dressé, doit obéir à ce qu’on lui commande. De même pour les écoliers. Peu de mots, d’explication. Un signe , un simple regard du maître doit permettre de lancer la machine disciplinaire.

En résumé on peut dire que la discipline fabrique à partir des corps qu’elle contrôle 4 types d’individualités : elle est cellulaire ( par le jeu de la répartition spatiale), elle est organisée par le codage des activités- elle est génétique ( par le cumul du temps ), elle est combinatoire ( par la composition des forces ).

( Michel Foucault )

Le panoptisme.

Une société de surveillance ? Être surveillé sans être vu.

Sentir ce pouvoir de surveillance invisible, mais présent, c’est le concept du panoptisme.

La surveillance institutionnalisée au temps de la peste.

Dans les archives militaires de Vincennes, le règlement définit le protocole lors de la peste qui sévit dans les villes.

Tout d’abord la ville est fermée, et quadrillée. Impossible d’en sortir sous peine de la vie. Les animaux errants sont tous tues.

La ville est quadrillée en quartiers, et chaque rue est gérée par un syndic. Le jour désigné, on ordonne à chacun de rester enfermé.

Le syndic vient lui même fermer les portes de l’habitant, et la conserve pendant la quarantaine. On construit des abris pour y déposer la nourriture.

L’inspection fonctionne en permanence. Des corps de garde surveillent les pillages. On passe dans les rues, appelant les gens de leur nom. On enregistre dans les rapports de syndic le nom, l.’âge, le sexe, les observations lors des visites.

Ce système sanitaire est aussi un système disciplinaire.espace clos ou tout est surveillé, examiné.

Une société disciplinée.

Autant le lépreux était exclu de la société, autant le pestiféré est intégré dans ce système de quadrillage de la ville, de la société.

Le panopticon de bentham.

Bentham a conceptualisé le panopticon.

Il s’agit d’une conception architecturale selon le principe suivant :

Un bâtiment est construit en anneau, à sa périphérie. Au centre, on dispose une tour. Celle ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la partie intérieure de l’anneau. En périphérie, le bâtiment est divisé en cellules, traversant toute l,’épaisseur du bâtiment.

Ces cellules ont deux fenêtres : l’une vers l’intérieur, l’autre donnant sur l’exterieur. Permettant l’entrée de la lumière dans la cellule.

Au centre, dans la tour, on y place un surveillant.

Dans la cellule : un fou, un malade, un prisonnier, un écolier.

Le surveillant depuis le centre dans sa tour voit par effet de contre jour les ombres de tous les individus.

Il peut également voir l’ensemble des individus. Ce qui permet l’efficacité d’une surveillance globale, sans devoir faire la tournée de chacun des cachots.

L’enfermé, lui, est vu, en permanence.

Le système classique de l’emprisonnement est l’enfermement dans un cachot, supprimer la lumière, et cacher le prisonnier. Dans le système de la panoptique, on ne conserve que l’enfermement.

La lumière dans la cellule permet au surveillant de mieux examiner ce qui s’y passe. Pour l’enfermé, Jouir de la lumière n’est pas qu’un privilège : c’est un piège. Il est vu continuellement.

La grande innovation du panoptique est d’induire ainsi chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité. Mais le détenu ne sait pas qu’il est vu. Des persiennes ou cloisons à angle droit cachent la vue par le détenu du surveillant.

Le pouvoir du surveillant est total. Et n’a pas être continu : le détenu ne sait pas si à chaque instant il est surveillé.

Le pouvoir coercitif est ainsi anonyme, individualisé. Parfois, ce n’est pas le surveillant qui scrute. Cela peut être n’importe qui. Le directeur de l’etablissement par exemple.

Cet assujettissement ne nécessite plus le recours à la force pour contraindre à la bonne conduite. Une auto discipline naît.

Celui qui est soumis à un champ de visibilité , et qui le sait, reprend a son compte les contraintes du pouvoir. Il les intériorise spontanément en lui. Il devient le principe de son propre assujettissement.

L’efficacité pour le pouvoir est évidente : moins de temps à passer.

Le panopticon ne s’applique pas qu’aux prisonniers.

Chez les malades, observer les symptômes de chacun.

Chez les écoliers, noter les performances et le comportement.

Chez les ouvriers, noter les aptitudes et le temps mis pour réaliser les taches. Afin de calculer le salaire en conséquence.

Le panopticon est aussi un laboratoire. Tester des punitions et évaluer leurs effets. De même sur le test de médicaments.

C’est le lieu propice à rendre l’experimentation sur les hommes.

L’extension de la société disciplinaire

La société disciplinaire s’étendra tout au long des XVII et XVIIIeme siècle.

Les institutions de discipline se multiplient, s’élargissant à des domaines de plus en plus larges. Devenant une formule générale.

Les règlements par exemple des armées protestantes de guillaume d’Orange sont transformés en règlement pour toutes les armées d’Europe.

Les collèges modèles des Jésuites inspirent et définissent la discipline générale scolaire.

Les hôpitaux maritimes et militaires servent de schéma à toute la réorganisation hospitalière du xviiiieme siècle.

La société se transforme ainsi, nourrie de la discipline , et en épousant les nouveaux processus de ses principes.

Basée initialement sur les éléments négatifs à corriger, empêcher, la société disciplinaire évoluera vers l’utilité.

A la base, il faut empêcher le vagabondage. Depuis, la discipline vise à croître l’utilié des individus.

La discipline militaire n’est plus qu’un simple moyen d’empêcher la désertion, la désobéissance. Elle doit rendre habile chacun des soldats, efficace, et rendre optimale l’organisation de l’armée..

Les écoles de même étaient au début un moyen d’elever les enfants pauvres de leur ignorance. Depuis, la discipline doit permettre de préparer l’enfant « pour l’avenir à quelque travail mécanique ».

Les disciplines fonctionnent de plus en plus comme des techniques fabriquant des individus utiles.

De là, la discipline sort naturellement de la marginalité pour s’imposer plus largement.

Pour sortir des lieux clos, la discipline tend à se désinstitutionnaliser, à sortir à l’état libre.

Parfois à procéder à une surveillance externe. Concernant les écoles par exemple, ce ne sont plus que les écoliers qu’on surveille, examine. C’est aussi les parents qu’on surveille. Par les visites . On tente de s’informer de leur mode de vie. Vérifier qu’ils pratiquent bien la prière, combien y a t il de lits.

Il ne s’agit plus que des instituions fermées qui veillent à la surveillance, mais des foyers de contrôle inséminés un peu partout.

Les associations religieuses ou de bienfaisance.

Le territoire est couvert en cantons, en quartiers. Et ces membres font la visite des pauvres, s’assurent de la paix dans le foyer. Si les enfants de sexe opposés ne dorment pas ensemble…

La police en France prend également place dans cette surveillance omni présente. Avec un long réseau hiérarchisé. Le maire pour paris comptait 48 commissaires, puis 20 inspecteurs, puis les « observateurs » payes régulièrement. Les « basses mouches «  rétribuées à la journée, jusqu’aux prostituées qui pouvaient donner des informations.

A l’aube des nouvelles technologies, des nouvelles formes d’organisation, la surveillance, la discipline et le contrôle de notre société sont tout autant présents.

A nous d’y réfléchir à l’éclairage de l’histoire que nous conte Michel Foucault.

A relire également, surveiller et punir.

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