
Agilité, démocratie, bienveillance, interdépendance, ces mots balises sont utilisés à tort et à travers. Et n’ont plus de sens. Que ce soit dans le domaine de la politique, l’entreprise.
Des mots lessivés dans la machine à laver de la novlangue.
Aussi, bonne nouvelle, chacun a un esprit de création. Réinventons les mots.
Préliminaire : Jacques Derrida. Changez votre mindset !
Jacques Derrida est un philosophe français du XXième siècle. Peu connu. Moins qu’Edgar Morin par exemple. Pourtant, dans l’usage des mots, Derrida a une force et une forme qui déroute. Sa pensée est complexe.
Le projet de derrida est cependant une nouvelle forme de lecture des mots et de leur usage. Derrida propose la déconstruction.
C’est à dire derrière les mots « balises » et devenus creux, de les réinventer. Avec un esprit quelque peu poétique.
La déconstruction, non pour détruire les concepts, mais pour renverser les habitudes de pensée.
Sortir des mots balises comme « liberté », « justice », « démocratie », « le bien », « le mal », « l’agilité », « la bienveillance ».
Mots creux utilisés dans les discours. Une novlangue dont chacun doit avoir un peu conscience. Pour retrouver la pluralité, la différence. Tout n’est pas binaire. Tout n’est pas universel, il y a un entre deux.
La joie du mot nouveau.
Alors, pour ne pas rester dans la théorie, et montrer les possibles d’une richesse de la littérature, du mot, je me suis exercé…
En écoutant mes amis lorsqu’ils parlent, écouter le mot, et tenter de le dérouter. En d’en faire autre chose.
Il s’agit d’un acte poétique, créatif et jouissif !
Le plus intéressant est l’oralité et la transcription des mots qui peuvent avoir différentes résonnances…
Voici quelques exemples !
« Féroce » / « F’Eros ».
Les mots se prononcent indifféremment. Cependant, dans l’écriture, les mots s’opposent : féroce renvoie à de la colère tandis que « F’éros » renvoie à l’amour.
« Tu m’as mis en Furher » / Tu m’as mis en fureur.
Oralement ou écrit, le message est le même : je ne suis pas content. A l’écrit, le mot « fuhrer » ajoute une colère.
« Notre monde numérique n’est plus vertuel ».
Vertuel : Néologisme que j’ai inventé, et créé. Que dit-il ?
Dans les habitudes et mots balises, on pourrait comprendre « notre monde numérique n’est plus virtuel », car numérique et virtuel sont 2 mots balises indissociables.
Le décalage ( que Derrida formalise par « differance » ) est le petit curseur différent qui doit interpeller.
Ici vertuel renvoie à la vertu.
Un néologisme qui induit le virtuel et la vertu. Des mots un peu contradictoires, dans un monde virtuel, loin de la vertu.
Tu m’as rabaisé.
L’usage d’une femme ou d’un homme qui se plaint de la pauvre considération, c’est qu’on la rabaisse. Le mot courant est « je suis rabaissé ». Rabaisé, qui n’existe pas dans le dictionnaire est cependant intéressant L’usage de « rabaiser » rassemble à la fois la douleur d »être rabaissé, et baisé.
Tu est un vrai mâle heureux / tu es un vrai malheureux.
A l’oral, l’expression dépendra du contexte, et surtout de la perception de celui qui reçoit cette phrase. A l’écrit, les mots seront durs. Une même formule pour indiquer le bonheur et le malheur.
J’adore ton humeour.
Le mot « humeour » n’existe pas, mais pourquoi pas l’inventer. Il rassemble à la fois la propension à considérer l’humour et la bonne humeur de la personne aimée. Ce n’est pas une faute des smartphones. Le mot est voulu, choisi.
Ad libitum, vous pouvez créer, changer le monde. Car le monde est construit par les mots.
Et c’est la raison pour laquelle la poésie peut nourrir le monde.