Cet objet oublié du XXème siècle : la poignée de main et le baiser

Ce matin, j’adore faire le tour des bureaux et saluer. J’aime mes collègues et je vais passer 8 heures avec eux !

Serrer la poignée de main . Et c’est fini. On se se serre plus la main. On ne se fait plus de baiser.

Derrière un bonjour sympathique, les corps se ferment.

Triste réalité. La poignée de main, cet objet désuet…?

Le geste d’un bonjour sympathique.

La poignée de main, c’est physiquement mettre sa main, son corps avec l’autre. Pour lui annoncer la bienveillance.

Dans un monde tellement virtuel, garder les relations naturelles, authentiques, c’est le bonheur le matin de sourire. Le rituel qui fait du bien, celui de se rencontrer.

La physicalité et la distance de la poignée de main.

La poignée de main est intime ! On se touche. Et le rapport des hommes dans l’espace et la distance avec l’autre est un vrai sujet de communication sociale.

C’est ce qu’Edward hall a formalisé dans une étude, et appelée la proxémie :

La proxémie est l’étude du rapport à l’espace. Avec les autres.

Dans notre rapport à l’autre, on distingue plusieurs sphères spatiales, ou sociales.

  • sphère intime (de 15 cm à 45 cm : pour embrasser, chuchoter)
  • sphère personnelle (de 45 cm à 1,2 m : pour les amis)
  • sphère sociale (de 1,2 m à 3,6 m : pour les connaissances)
  • sphère publique (plus de 3,6 m : pour parler devant un public ou interpeller quelqu’un).

Au delà de cet exemple, la proxémique élargie la compréhension des formes de communication et de culture. ( on pourra lire ici le petit billet sur la proxémie )

Se serrer la main ou se faire la bise est donc vous l’avez compris de l’ordre de l’intime. Conjuguer dans le monde de l’entreprise cette sphère intime est quelque peu contradictoire, l’entreprise était plutôt le domaine d’une d’ordre sociale ou publique ( 1,2 m a plus de 3 m ).

Le seul moment où on peut trouver la proximité et s’attacher à l’autre est donc dans le contact du fameux bonjour. On pourra lire ici le billet : Bonjour, le mot simple d’une vie ordinaire bonjour du matin.

Même si on restera distant, au travail en intégrant la distance publique, les retrouvailles avec des collègues est une sorte de signe du matin :

On travaille toute la journée ensemble, je passe plus de temps avec toi que la famille, 8h par jour.

Alors même si d’un point de vue professionnel, on doit garder une distance bienveillante, quand même, je peux oser te considérer comme une personne proche.

La fin du bisou et de la poignée de main.

Depuis une vingtaine d’années, on ne se touche plus. On se bise de moins en moins.

On ne se sert plus la main.

« Un certain hygiénisme social a été réactivé au début des années 1990 engendrant une peur ­panique d’être touché, appelée l’haptophobie. » Bernard Andrieu, philosophe

Avec ces faits :

  • Le bisou, un moment parfois délicat.

L’effet #metoo et le harcèlement au travail ont largement refroidi chacun et chacune à se biser. Pourtant, dans la relation authentique et vraie avec ses collègues, cette tradition bien française du bisou est culturelle.

Je me souviens dans mon université à Nottingham où une anglaise adorait me voir pour faire ce fameux bisou, comme un clin d’œil à notre tradition française.

  • Éviter les microbes ?

Je ne me rapproche pas de toi pour éviter les microbes. Louable, on évite de contaminer des collègues de ses microbes.

Cependant les microbes sont partout.

Au delà du rhume caractérisé, vivre dans un monde stérilisé au contraire multiplie les risques de microbes, car on ne les côtoie plus.

Et l’excuse des microbes, ça veut dire quoi ? Moi je suis hygiénique et toi tu me ramènes des microbes. Voir l’autre comme porteur de maladie est un peu compliqué à comprendre ..

c’est presque une « violence » qu’on peut percevoir lorsque le matin, je veux serrer la main et d’entendre dire que je suis porteur de microbes.

Le sujet est louable bien sûr, et la délicatesse est celle d’éviter ces microbes…

  • Les coups de poignet à la place de la poignée de main : le « check ».

Venue des États Unis, et issue de la culture urbaine, notamment dans le monde sportif où on se cogne les mains l’une contre l’autre, le geste reste généreux. On se dit bonjour. Mais avec les poignets fermés, qu’on se cogne.

Obama l’a largement insufflé, et le phénomène est arrivé en France.

Le geste est symbolique. On se cogne. Un geste subtil de violence, d’ego, plutôt que de se rencontrer, dans la belle image de deux mains qui se caressent, qui lient en un geste la relation, l’unité. Non, on préfère se cogner, montrer son ego, sa force. Même si cela se fait en toute camaraderie.

On est l’un contre l’autre, alors que la poignée de main est là pour lover, enlacer deux mains, deux êtres pour se dire bienveillance. Et ne former par le geste un seul mouvement.

A la différence, le « check » est un mouvement d’individu contre l’individu.

Le refus de se donner la main.

Dans le monde du commerce, certaines femmes refusent de saluer son conseiller bancaire, car c’est un homme.

Faute à l’extrémisme radical de la religion. Un non sens. La religion musulmane  n’a jamais imposé ce mode de renonciation à aller vers l’autre.

Le virtuel et la chaleur de l’écran numérique ont, enfin,  mis aux oubliettes ce moment sensible de se tenir, de se toucher.

Même le médecin ne palpe plus. Il utilise les mots pour tenter de dissiper les maux. Et si vous avez un problème au sein, à l’estomac, il ne touche plus, il ordonnance. Pour aller voir un spécialiste. Pour faire une radio qui donnera une image du corps. Corps qu’on touche plus, qu’on visualise. A coup de scanner.

Le corps pourtant opère de l’intelligence humaine. Les recherches récentes sur le cerveau montre ce qu’on appelle cela cognition incarnée. Le corps et le toucher sont des éléments de construction cognitive et d’intelligence.

Le toucher est devenu impudique.

Les relations humaines se distancent.

La tape sur l’épaule devient un moment magique.

Un moment de connexion. Humaine, sans tabou, sans arrière pensée. Juste ce moment d’humanité qui doit encore nous guider.

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