6 français sur 10 ne lisent pas les articles qu’ils aiment ou partagent sur les réseaux sociaux.
L’étude intéressante du Washington post.
L’expérience faite par le journal américain le Washington Post est intéressante : un article a été posté sur les réseaux sociaux ; il était entièrement écrit en latin. Sans contenu, donc.
Et pourtant, ce billet a été partagé près de 46 000 fois.
70% des utilisateurs de Facebook ne lisent que les titres : ces articles qu’on ne lit pas, mais qu’on partage.
Cette petite information révèle pourtant un nouveau paradigme, dans l’usage de nos réseaux sociaux. Celui de s’approprier et favoriser sa propre chaîne de valeur.
La tendance : les réseaux sociaux deviennent de purs médias.
Facebook et Twitter sont devenus des fils continus d’information plus que de partage de contenu personnel.
Jettez un coup d’oeil sur votre propre mur Facebook, si vous en avez un, ou sur votre timeline de twitter : la plupart des posts est une référence à une vidéo où un article vu ailleurs. les messages personnels sont peu nombreux.
Votre propre espace de réseau social est plutôt rempli des billets, citations, vus ailleurs. Et qu vous likez régulièrement.
Si vous ne lisez pas les articles auxquels se réfèrent les billets que vous likez, vous vous retrouvez en eux.
Vous êtes souvent d’accord avec ces messages. Et pour cause, ce sont des billets publiés par vos amis. En théorie et souvent avec lesquels vous avez les mêmes affinités. Pas étonnant que votre mur d’expression et celui de vos amis sont à l’image de ce que vous êtes : vos convictions, vos désirs, ce qui vous fait vibrer, gueuler, réagir.
Ces murs personnels sont devenus en quelque sorte ma propre chaîne de valeur .
Lorsque je partage une information, une actualité même si je ne l’ai pas lu, je cautionne et j’adhère à ce que je publie.
C’est en somme ma chaîne de valeur, ce à quoi je crois.
Dis-moi ce que tu partages, je te dirai qui tu es.
On pourrait, en traçant tous les « J’aime » et les partages sur les réseaux sociaux les convictions, déterminer et cartographier les valeurs qui nous sont propres.
D’ailleurs Google, Apple, facebook en sont capables. Puisqu’ils disposent de toutes ces informations. Ces géants américains savent déjà retracer tous vos parcours physiques dans la réalité. Alors, sur le cloud, la tâche est facile !
Le click immédiat.
Si les articles ne sont pas lus sur les réseaux sociaux, c’est avant tout parce que l’usage sur les réseaux sociaux est celui de l’immédiateté.
Et lire un article qu’on découvre nécessite le recul, le temps, la réflexion.
Cela n’est pas très grave. Psychologiquement, le click ( I lke, je retweete ) a valeur d’engagement.
Et ce que j’ai aimé, je l’ai poussé dans le cloud, et dans « mon cloud », car je pourrais a posteriori revenir sur l’article en question.
Le cercle est vertueux ( ou vicieux ) : j’ai tendance à liker instantanément ce quoi mes amis m’ont partagé, sans lire. Car ce sont mes amis, et je suis bienveillant.
Est ce bien important ?
L’unité partagée n’est donc pas qu’un titre et une image ; sans avoir lu, je véhicule une entité informationnelle de valeur.
« Tout est dans le titre », c’est la formule apprise aux journalistes. Ce sont ces quelques mots qui retiennent l’attention.
Les tweets, au format similaire de 140 caractères répondent à cette même offre de contenu : un billet.
Sémiotiquement, le phénomène est intéressant.
Comment peut on cautionner un billet, un article sans l’avoir lu ? Pire, le partager, lui donner une valeur, le rediffuser.
Ceux qui vont retwetté ou liké un billet, un post ne le font pas de manière aveugle. Ils ont compris la valeur du message, même s’ils ne l’ont pas lu.
Le titre, l’unité formelle du message posté ( un titre, un image et lien url vers le contenu ) sont en eux-même un signe autonome de signification.
Et comme on le voit, il vit sans son contenu ( qui n’est même pas lu ).
Un système sémiologique second.
Roland Barthes a défini un phénomène sémiologique de second ordre un peu similaire, bien avant l’arrivée des réseaux sociaux. Et de manière un peu similaire : celle du mythe. ( on relira Roland Barthes, ou le Mythe ).
Dans Mythologies, il définit le mythe comme un message, à double articulation sémiotique.
Le signe ( par exemple, un panneau de circulation signalant un danger ) lie un signifiant ( la forme triangulaire du panneau ) et un signifié ( il y a danger ).
Ce système forme une structure tripartite de son, de sens, une signification.
Roland Barthes introduit une notion supplémentaire : le système signifiant/signifié et du signe devient lui même un signifiant, une nouvelle structure atomique qui sert au second système : le mythe.
Roland Barthes donne l’exemple d’un mythe , comme le catch. Les règles de ce sport, la gestuelle définissent une structure sémantique qu’on comprend tous.
Ce premier système ( le langage, les codes du catch ) devient lui même un signifiant, de la matière à un autre système de signes.
Ainsi, Roland Barthes explique le catch et son mythe :
Au delà, « la vertu du catch c’est d’être un spectacle excessif« . « Sur le ring, et au fond même de leur ignonomie volontaire, les catcheurs restent des dieux, parce qu’ils sont, pour quelques instants, la clef qui ouvre la Nature, le geste pur qui sépare le Bien du Mal et dévoile la figure d’une justice enfin intelligible« .
Le mythe est un système sémiologique second, et autonome.
Il se repose un système préexistant. Et au fond, le premier système ( le détail des règles du catch par exemple ) s’évanouit au profit d’une image, d’une lecture d’un second degré.
Le « Post » comme méta-signe.
Revenons au post sur les réseaux sociaux.
Ils sont également un méta-signe : un premier système linguistique et sémantique prévaut : l’article de fond, avec ses arguments.
Ce premier système devient « atomique » ( par un titre, une image et un lien url ) et devient le chaînon, le signifiant du système de valeur que j’ai créé : une adhésion autour de ce signifiant, et matérialisé par mon « like », un commentaire, un retweet, ou un partage.
La différence avec le mythe est que le mythe est plus une image. Et surtout, le mythe perdure dans la durée. Et a un caractère presque universel.
C’est la différence du post qui reste ancré dans le temps, l’immédiateté. Tous ces messages diffusés sur les réseaux sociaux s’évanouissent vite dans l’infobésité du web.
L’objet « Post » devient un objet autonome, et tout est dans le titre. Pour capter l’adhésion ( puisqu’on ne lit plus le contenu ), le titre est devenu le signe le plus important.
Voilà comment capter l’auditoire : les formules qui résument. « Les 4 sites les plus… », « Les 10 règles à suivre pour… ».
Ces titres sont rassurants et poussent à aller lire le contenu : ils vous expliquent clairement qu’il y a 3 ou 4 choses à lire. Ces posts ont un pouvoir. Celui d’être ouverts.
Alors lisez-moi, et likez moi 🙂 !
Petite précision: l’article partagé par le Washington Post n’était pas en latin mais en « lorem ipsum », du faux-texte aléatoire qui ressemble effectivement un peu à du latin.
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Merci de votre précision ! Et c’est ce que j’adore sur internet on trouve toujours au final des personnes exigeantes qui ont le souci de partager. Oui ce n’est pas du vrai latin . Et j’espère que mes articles en vrai francais, parfois avec des fautes d’orthographe vous plaisent… car oui s’intéresser au monde numérique et aux sciences de l’information est une vraie passion !
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