Qui suis-je ? Voilà la grande question qui a taraudé les écrivains, les philosophes pendant des siècles.
Vous ajouterez qu’il a aussi une intelligence, des rêves…
Mais pas que.
L’augmentation de soi numérique et technique.
Il n’existe plus que physiquement, à l’endroit là où je me trouve. Mais partout, ailleurs.
Les nouvelles technologies ont placé l’homme dans un extension de soi, instantanément, et partout.
Oui, je n’existe pas que là où je suis, mais ailleurs.
Bien sûr, la pensée de ses amis, de sa famille envers nous-même sont déjà des façons d’être ailleurs : dans la pensée des autres.
C’est ce qui nous motive, quand on se sent seul, loin de ses amis : on sait qu’on pense à nous.
Pourtant, les nouvelles technologies ont décuplé cette façon d’être ailleurs.
Les réseaux sociaux ( facebook, twitter, instagram ) permettent, au delà de la communication proprement dite, de laisser trace aux autres.
Ce qu’on pourrait appeler une trace numérique.
A chacun de marquer son territoire, sur la toile internet.
Et l’effet de la visibilité d’internet permet d’être présent aux autres tout le temps, et partout.
Les apocalyptiques des nouvelles technologiques rétorqueront que cela n’est pas la « vraie vie ».
J’avais beau avoir 4500 amis sur Facebook, personne ne me connaît..
C’est un peu vrai, et c’est surtout comment chacun prend en maîtrise sa vie « numérique » qui est importante.
Car ses idées, ce qu’on pense « inner-life », si on les partage aux autres, elles sont miennes ; et elles sont reconnues comme telles.
* L’importance de la vie numérique, en tant qu’être humain.
La vie numérique n’est pas qu’une vie de consommateur jouissant des nouveaux usages. L’exemple de l’association Emmaus nous le montre.
L’association a expérimenté le « coffre-fort » numérique permettant aux SDF d’avoir accès aux documents importants ( photos, documents administratifs ) lorsqu’on est dans la rue. A lire ici : le coffre-fort numérique.
* La fin de vie numérique.
Facebook et Google proposent récemment des fonctionnalités pour les personnes décédées : que fait on du profil facebook ? Doit-on le fermer ?
certaines personnes continuent d’alimenter les pages du profil , avec des photos du défunt. Comme un endroit numérique, un cimetière numérique où l’on peut se recueillir. Et revoir les moments avec l’être cher. A lire ici : Droit à l’oubli, petit glossaire de la mort numérique.
L’homme a donc bien une extension de lui-même ; indépendamment de son propre corps.
C’est l’essence même d’ailleurs de l’Homme qui a dû « s’augmenter » de ce qu’il est par la technique.
Par l’usage de l’outil ( au temps des cueillettes dans les arbres, des outils de chasse pour se nourrir ).
L’usage des lunettes ( objet technique par excellence ) en est un autre exemple plus concret. Elles font partie de soi. Et sont une seconde peau ( yeux ).
Marcel Mauss a largement étudié l’homme, en tant qu’objet technique ( par son corps ) : Le corps, premier objet technique de l’Homme.
Dans le domaine de la culture, de la pensée, le monopole de l’immortalité s’estompe. Hugo, Camus, Sartre ont eu, et ont encore leur heure de « gloire », et d’immortalité. Leurs oeuvres sont une extension de leur vie.
Aujourd’hui, les blogs, les galeries de photographies partagées et aimées par des milliers d’internautes sont cette reconnaissance.
Comme Albert Camus que je ne connais pas, il existe pour moi. Et les photographies géniales d’un photographe sur Instagram m’interpellent, me font vibrer. Ce photographe d’Instagram que je ne connais pas ( pas plus qu’Albert Camus ) me donne pourtant une résonnance similaire. Je vibre aussi.
J’existe donc au-delà de ce que je suis, ici. A l’instant où j’écris ces mots. Même s’ils ne sont pas gravés dans la littérature universelle. Peu importe. C’est la trace qu’on laisse aux autres qui est importante.
Impossible de penser tout seul.
Le mythe du penseur de Rodin est mort. Le penseur de Rodin est seul, en pleine réflexion. Mais la pensée jaillissante de soi, seule, n’existe pas.
Pour exister, il faut être avec l’Autre.
C’est la confrontation de soi aux autres qui nous définit.
Comme le dit l’expression : « l’autre est le miroir de soi ».
D’ailleurs, on est jamais seul très longtemps. Et dans tous nos rapports avec les autres, on est différent.
Ou plus précisément on est soi, en accord avec les autres.
C’est à dire donner le change à l’autre, tout en restant soi-même. Cultiver ce qu’on est, le renforcer, en étant dans une société.
C’est la notion d’engagement ( involvement, de Goffman ) qui résume : « la vie est un théâtre ».
On joue à « être ensemble », en privilégiant les rapports de consensus.
Ce qui ne signifie pas être ne plus soi-même : au contraire, quand on est bien avec les autres, c’est exploiter sa force « sur-humaine », peu exploitée.
Et qu’on divulgue. ( l’hyper-extensoi de soi … ).
Aussi dans un repas familial un peu tendu, j’utiliserais ma bonhomie, mon sens de l’humour pour casser les tensions. Ou au contraire, ma zen-attitude.
Les techniques « tendance », propagées dans les revues ( Comment rester zen ? Comment se retrouver ? ) ont tendance à recentrer l’individu sur soi-même comme s’il avait la vérité en soi. Vous ne serez pas penseur de Rodin, sachez-le.
Ce que vous retiendrez :
- On ne peut séparer notre vie « naturelle » de la vie technique ou numérique. Cette dernière en fait intrasèquement partie.
La refuser, c’est rejoindre les apocalyptiques de la modernité qui voient les nouveaux usages comme des menaces.
Les bits vibrants sur le net qu’on a produit, ce sont les molécules de sa sueur.
- Prolonger soi-même ; et être soi-même passe par cette jouissive extension de tout ce que l’on fait. Sur le net, ou dans le quartier.
- Avoir la pleine valeur de ce que l’on est, c’est le confronter aux autres. Tous les contacts avec l’Autre sont une manière de faire exister et propulser cette petite part d’indiscible en soi.
Et qui survit lorsqu’on n’est pas là, présentement.
Joliment conté et agréablement lu, « Les bits vibrants sur le net qu’on a produit, ce sont les molécules de sa sueur », il fallait la sortir. Aucun doute sur l’instantanéité offerte par le web, l’ubiquité, etc. J’ai en revanche un peu de mal avec la dichotomie un peu arbitraire, « soit on est pour, soit on est un apocalyptique de la modernité ». Tu as l’air de décrire la technologie comme un processus absolument neutre : Internet serait en quelque sorte la hache ou la roue du XXIème siècle. Difficile d’être en accord avec cette assomption, il y a une voie médiane qui embrasse le tout mais qui peut-être en désaccord avec les parties. Internet, c’est aussi un outil de captation, une plate-forme parfaite pour les acteurs de l’économie de l’attention donc un potentiel outil de contrôle, de manipulation. En témoigne l’essor des plates-formes, qui certes, nous relient, mais nous utilisent. Est-ce là une « jouissive extension » ? J’en doute.
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Merci pour vos remarques intéressantes, et votre compliment. Je partage avec vous le fait qu’internet n’est ni la hâche, ni la roue du XXIème siècle. La séparation entre « intégrés » et « apocalyptiques » de la modernité est schématique, car elle reprend les 2 positionnements extrêmes. Elle a été formalisée par Umberto Eco, Mais elle a la valeur de justement « schématiser » les positions aux pôles. Effectivement, la voie médiane est bien plus proche de la vision réaliste et objective de notre monde moderne. Et je la partage. C’est la raison pour laquelle en tant que « vieux » blogueur, je publie sur internet ! La « jouissive extension », c’est en tout cas, affaire de chacun. Ou un tout cas, un outil de lutte au quotidien..
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