Petite chronique de l’infocom : Phubber ou le télésnobbeur

comportement_psychologie_lewinLe web, les experts, influenceurs du monde numérique ont une grande propension à inventer de nouveaux mots.
C’est normal, la langue accompagne notre société, et accompagne notre quotidien.
Ces nouveaux mots, souvent néologismes, ont un sens.
C’est là l’intérêt.
Perdre son portable, ou le zieutter toute la journée, c’est vous, c’est moi.
C’est à partager, ici !

Le deuil du portable

sms_voeux_carte_voeux_traditionLe mois passé, j’avais proposé le mot #Nomophobia, ou la peur de perdre son portable.
On pourrait naivement penser que c’est encore une n-ième tendance des web-journalistes à inventer de nouvelles façons de parler de notre micro-sphère numérique.
Pourtant, ce mot a eu cette semaine une illustration dans mon entreprise, où 15 collègues se sont font volés leurs smartphones dans le vestiaire de la salle de sport.
L’incident est malheureux pour eux. Avec empathie j’ai constaté la fébrilité et la douleur, un peu viscérale d’avoir perdu cet objet.
L’anecdote montre encore l’attachement que nous avons de nos outils numériques.
Le smartphone comme le rouge à lèvres qu’on a avec soi.
Qui nous est intime.
L’objet smartphone est bien une extension de soi. Il fait partie, aujourd’hui, de notre être, tout comme est le corps, l’esprit, la culture, les idées en nous.
Le corps est lui-même un objet technique. Tel que l’a exprimé Mauss, [ le corps, premier objet technique de l’homme ]
Les gestes pour se mouvoir, nager ( avec les techniques de nage variées ), dormir, grimper sont différents chez chaque individu.
Plus techniques, les objets qui nous accompagnent sont déjà une extension de nous-même : les lunettes, par exemple, deviennent ancrés en soi ( les lentilles deviennent même littéralement collées à notre oeil, comme une seconde peau ). Et plus personne ne doute que l’objet fait partie de soi.
Au contraire, si vous ne les portez plus, on vous le fait remarquer.

Le smartphone est aussi, et plus qu’on ne le croit un extension de nous même : ce n’est pas un objet qu’on a à côté de soi. C’est nous-même, par nos données :
les photographies de ses proches, les notes que l’on a prises, les articles qu’on a lu, tous les contacts que l’on connait. C’est intrasèquement notre mémoire, extension de notre propre mémoire neuronale.
C’est là que l’on comprend « perdre son portable » : c’est perdre cette mémoire.

Le bagage numérique.

solitude_sémiotique_reseaux_sociauxLes associations humanitaires ont très bien compris que la vie numérique n’était pas qu’un gadget de « nouveaux riches », de notre société de consommation.

Dans vie numérique, ces associations ont bien le mot « vie » en tête.

C’est tout l’enjeu de la démarche d’Emmaus par exemple de proposer aux SDF, des gens dans la rue, d’avoir avec eux cette extension de vie numérique.  A lire, ici : la solidarité par les usages numériques.
Même quand on a plus de toit, qu’on a faim, qu’on est dans la rue.

La dignité de l’être humain est bien d’avoir l’entièreté de sa vie, donc un peu numérique, avec soi.

Phubber, ou le télésnobbeur.

beauf_numerique_gadget_web_tuningA l’inverse, on sera irrité dans notre monde numérique hyper-connecté de se retrouver avec une population hyper-connectée.
Se retrouver dans un restaurant avec un ami qui passe sa soirée à observer ses notifications sur Facebook, ou lire ses messages, voilà le moment de solitude.
Alors qu’on est ensemble physiquement, pour partager ensemble.
Ne jettons pas la pierre à la modernité : avant le smartphone, on pouvait écouter le voisin sans vous écouter. On pouvait vous écouter tout en pensant à autre chose.
Le smartphone a un peu accéléré le phénomène de dispersion attentive, et peut être plus transparente la faire découvrir à l’autre.
C’est donc ce qu’on appelle le télé-snobbeur, qui vous ignore et préfère communiquer avec ceux qui ne sont pas avec vous.
Si l’on voulait faire un jugement de valeur, ce type d’individu est à mettre dans la catégorie du beauf « numérique ».
Cette classification a le mérite de rassembler ces comportements de personnes, toutes classes confondues. Que ce soient l’adolescente, l’employé lambda ou un cadre..

Les alternatives au phubbing ( l’acte de snober ) :

kitkat_fomo_numerique_offL’espace anti-wifi est une forme radicale pour stopper toute tentation à s’évader numériquement de l’endroit où l’on est.
C’est le sens du message d’une grande marque de chocolat, qui prône l’instant plaisir. Se retrouver avec soi-même.
L’effet kitkat : L’effet kitkat ou la pause numérique.

En entreprise, le phénomène est là aussi : pas seulement avec son smartphone, mais avec sa messagerie.
En réunion, souvent, on zappe à écouter l’orateur et on a toujours ses messages à lire.
Ce qui, en soi, est une injure à l’orateur ou l’animateur de la réunion ; qui ne peut percevoir le feedback de son public :
« on ne m’écoute pas parce que je n’intéresse pas, ou parce que j’ai des mails à lire.. ? ».

L’anti-phubber

bonjour_fonction_phatiqueLe web à l’origine est bien le partage de manière neutre de réseaux techniques, puis humains. Dans une grande vertu jubilatoire d’améliorer nos rapports entre nous.
A la différence des médias qui perpétuent la malveillance de la modernité, on peut s’intéresser aux usages « humains » et « terriblement humains », qui essayent de modifier nos comportements compulsifs et parfois maladroits.
Ainsi, de nouvelles initiatives positives naissent, pour conrecarrer ces Phubbers. Intelligemment.
Le site Stop Phubbing permet d’informer de manière ludique et pédagogique les effets pervers de notre addiction aux usages numériques.
Plus concret ( dans le monde physique ), certaines initiatives prennent forme :

Par exemple, certains restaurants valorisent le fait de mettre son portable « de côté » quand on entre au restaurant.
Avec une ristourne sur la note…
Une communauté « anti-phubbing » est née.
La vertu de cet « anti-phubbing » est surtout de nous faire réfléchir aux réflexes à éviter.
Car en somme, on préfère tous la chair humaine, le sourire, le clin d’oeil de l’Autre ; devant nous, et avec nous !

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