Le selfie, le narcissisme virtuel ou la représentation de soi

Selfie-definition-traduction-analyse

Le monde numérique apporte des nouveaux usages, c’est le fruit du web 2.0.

Le selfie est un autoportrait photographique, réalisé grâce à un smartphone.

De l’anglais « self », soi-même.

Au delà de l’autoportrait, le selfie est un usage culturel et numérique qui se déchaîne sur la toile, et par les jeunes.

Focus d’un usage à la mode, à décrypter !

Le Selfie, l’autonomie de notre société de communication.

La définition du selfie est proprement dit : la photographie de moi, par moi-même.

En Français, on traduit Selfie par égo-portrait.

Je peux moi même créer, me photographier, je peux le faire tout seul.
Le selfie naît ainsi du germe des 5 piliers de notre monde de communication du XX/XXIème siècle :

l’autonomie, la mondialisation, et la démocratisation.

Le Selfie en est une nouvelle illustration.

L’usage du smartphone me permet d’être autonome, et de ne pas devoir dépendre de professionnels, de photographes, ou de moyens techniques inaccessibles ou coûteux :
c’est avec mon téléphone.

Comme le nouvel usage des films réalisés grâce au numérique, la photographie et sa publication sur le web, ou les réseaux sociaux ne nécessitent pas d’intermédiaires.

La mondialisation de notre société apparaît clairement par la diffusion sur internet, et donc partout de cet usage.

L’usage du selfie est démocratique, dans le sens où il est accessible à tout le monde, et ne coûte rien (hormis le téléphone qui remplit d’autres fonctions ).

Je peux tirer autant de photos numériques que je veux. Pas de support papier, pas de développement photographique nécessaire.

L’objet médiologique .

selfie_bras_mediologie_société_phenomeneLa médiologie est le rapport de la technique et de la culture, qui ne sont pas contradictoires entre eux.

Mais au contraire influent l’un sur l’autre.

La médiologie, inventée par Régis Debray nous amène à réfléchir sur les liens entre technique et culture.

L’arrivée du papier a permis de modifier notre façon de penser, en couchant sur papier des idées, des structures mentales.

L’imprimerie a permis de véhiculer les livres, et de rendre possible l’éducation, la culture, la pensée.
La technique du smartphone avec ses nouvelles possibilités photographiques rendent possible ce nouvel usage « culturel » qu’est le selfie.

Les usages sont ainsi souvent liés à l’objet technique.
Le selfie est la conjugaison de 2 principes :

  • l’appareil photo dans les 2 sens. Les appareils photographiques sont destinés à photographier un sujet, devant soi. Pas soi-même. L’option est apparue, et a permis cette trouvaille.
  • à bout de bras : c’est mon bras qui par extension de l’appareil est le trépied des appareils photographiques d’autrefois. Ici, on ne pose pas l’appareil sur un pied, mais au bout de son bras.

L’infinité des possibilités est également possible : la photo numérique est instantanée, et tirable à souhait. Le fan du selfie peut multiplier à souhaits ses photographies, libre de son imagination.

D’une possibilité technique voilà que naît une possibilité culturelle, celle du narcissisme virtuel.

la vie selon Andy Warhol, narcissique : la star c’est moi !

andy-warhol-selfie-narcissismeAndy Warhol, artiste peintre avait formulé le « quart d’heure » de célébrité ( 15 minutes of fame ).

A savoir que les médias permettront à chacun d’avoir un peu de célébrité, et de devenir « star ».

L’usage du selfie procède en ce sens à une médiatisation de soi.
Et il est troublant de voir le parallèle avec les sérigraphies d’Andy Warhol :

portraits identiques de star ( Marylin Monroe par exemple), copiés ( l’oeuvre n’est plus pièce unique d’art, mais industrielle ), et médiatisés.

Narcissisme ou représentation de soi ?

Selfie-Obama-politique-media-usageL’usage du selfie est né avec les réseaux sociaux, puisqu’il permet de partager avec l’autre une photo de soi, de façon autonome.

Sur le réseau social, on est tout seul, devant la toile.

Partager avec les autres une représentation de soi, autant qu’elle soit maîtrisée.

Hors de question de montrer les photographies familiales où on est à côté de mamie en soufflant ses bougies.

Le succès du selfie a dépassé la sphère intime et amicale, pour se médiatiser. Les stars usent de cet instrument pour donner de la visibilité auprès des fans.

Les politiques, les médias traditionnels, les publicitaires et artistes se sont appropriés le phénomène. Comme Obama par exemple.

Les dérives sont nombreuses, en terme d’e-réputation. L’usage du selfie après des relations amoureuses et sexuelles a trouvé le nouveau concept de l’#AfterSex, ou la photographie que l’on prend après un acte d’amour.

Le selfie de groupe

Le selfie de groupe est une photographie qu’on prend de nous-même, d’amis, de la famille, d’une communauté. C’est à dire d’un groupe d’individus.

De facto, le selfie de groupe crée un « groupe primaire », c’est à dire proche, soudé, où l’émotionnel est important. Le selfie de groupe montre souvent des visages souriants. L’égoisme du selfie n’a plus lieu d’être, mais se déplace sur le groupe.

La distance intime imposée par le selfie ( à bout de bras, la focale doit embrasser tout le groupe ) lie le groupe de façon rapprochée. Elle a une valeur sociofuge. Là, la valeur du selfie est intéressante. Parfois, le selfie qu’on prend ensemble marque la fin d’une réunion, d’un événement. Et si le groupe était au préalable distant, le moment du selfie réunit par la proximité les membres.

Parfois de manière impersonnelle, on réussit à rapprocher les corps, les visages.

La représentation idéale de soi.

vie_est_théatre_goffman_communication_expressiveLes médias qui s’intéressent au phénomène soulignent l’excès du phénomène, comme narcissique.

Pourtant, le selfie est avant tout pour le jeune adolescent une manière de se représenter, de montrer au plus juste ce qu’il aimerait qu’il soit perçu.

Voilà pourquoi celui qui s’autographie fait attention à cette image, non pour être le plus beau, mais se regarder pour les autres.

Car c’est le regard de l’autre qui est important. La diffusion de sa photographie est l’image qu’on aimerait renvoyer.
C’est entrer dans le monde d’une façon présentable. Entrer dans l’orchestre, entrer dans le théâtre de la vie.
Et la communication est foncièrement une entrée respectable sur la scène du théâtre qu’est notre monde.
C’est ce que souligne Goffman, sociologue américain.

En tant qu’acteurs, les individus cherchent à entretenir l’impression selon laquelle ils vivent conformément aux nombreuses normes qui servent à les évaluer, eux-même et leurs produits.

Se regarder, s’auto-graphier, c’est déterminer comment nous sommes vus, reconnus auprès des autres.
L’usage du selfie n’est donc pas narcissique ; elle est moyen de se décrypter. Voilà pourquoi beaucoup de ces photographies ne sont jamais publiées ou partagées.
Elles sont là pour soi-même : l’étymologie du mot selfie ( soi-même ) a toute sa valeur : photographie de moi-même, pour moi-même.

A défaut de se photographier, en introspection, l’usage du mot est aussi salvateur.

Comme les journaux intimes, ou pour rester dans le monde numérique, le blog : le blog comme hyper extension de soi.

Selfie or not selfie ?

Les réseaux sociaux, les médias considèrent souvent que les selfie sont un nouveau graal pour se mettre en valeur.

Se regarder, se photographier n’est pourtant pas nouveau.

Ainsi, Van gogh faisait déjà lui même à son époque des selfies de lui-même, avec les usages de l’époque : la peinture.

Etait-ce une auto satisfaction de se représenter , ou alors profiter du seul modèle pictural et photogénique, lui-même , dans son décor, dans son intimité ?

Sur les réseaux sociaux, on partage donc cette manière de se représenter. Comme un selfie aujourd’hui. Autant d’autoportrait, des selfies d’avant ?

selfie_narcissique_artiste_positif

Récemment, Obama qui a su user des réseaux sociaux, et des selfies a mis en garde la jeunesse contre une utilisation déplacée des selfies.

Dans ses rencontres avec les citoyens, l’Américain ne sert plus la main, ne dit plus bonjour au Président. Non, il tend son bras et veut sa photographie, son selfie.

Cassant toute relation fraternelle, et tactile ( serrer la main ), pour ne retenir qu’un moment numérique arrangé. Le sujet humain n’a plus d’importance.

Il devient un objet qu’on manipule dans son champs de vision.

De son expérience d’homme politique, Obama explique :

« L’une des choses bizarres quand j’étais président », a-t-il détaillé à son audience, « j’ai découvert que les gens ne me regardaient plus dans les yeux et ne me serraient plus la main ».

Devant quelques 500 participants, il a raconté ses moments de gêne face à ses fans qui ne cherchaient qu’une photo. « On m’approchait ou bien comme ça », s’est-il amusé en tendant le bras comme pour prendre un selfie, « ou bien comme ça », a-t-il poursuivi en prenant une pose différente.

Les bonnes raisons d’Obama pour refuser les selfies.

La clôture de mon monde.

blues_adolescent_reseaux_sociaux_fomo_semiologieCette introspection mentale , être avec soi, en se photographiant est une clôture de mon monde.
L’univers que je photographie est moi, et l’espace immédiat où je suis.
Cet espace est limité à 1 m3 : 1 mètre de l’objectif, et moins d’un mètre en hauteur ( hauteur du visage et éventuellement de mon torse ).
Le selfie définit donc un propre espace , le mien, en me mettant physiquement sur la photographie dans un espace délimité intellectuellement, et visuellement dans l’espace entre le bout de bon bras et mon visage.
C’est purement l’espace d’intimité, selon la proxémie, qui étudie le rapport de la distance et de la communication : moins d’un mètre.
Le selfie est ainsi un monde construit par moi-même, proche de moi, dans lequel je suis bien ( j’ai décidé du résultat ), et dans lequel je peux me voir de manière acceptable.
Voilà pourquoi il est un moteur pour les adolescents qui le pratique.
Salvateur, plutôt que destructeur, comme les médias peuvent parfois de manière exagérée le noter.

Le selfie comme objet de société : le selfie entre au musée.

Entrer dans le monde institutionnel du musée, c’est une marque importante de l’usage et de l’inscription de l’homme dans une inscription intemporelle.

Le 1er avril 2018,  a Los Angeles s’ouvre le premier musée consacré au Selfie. Chaque jour un million de selfies sont échangés sur les réseaux sociaux… Musée gadget qui surfe sur cette tendance, ou vraie réalité sociologique de comprendre l’usage du selfie ?

Le musée fera plaisir à tous : magnifier son égo.

Avec une question : Le selfie, véhicule de vide, et de superficiel, peut il être associé à des significations plus profondes ?

Le musée reprend l’histoire du selfie.

Qui existe puis la nuit des temps, c’est à dire la représentation de soi.

 

 

Mon identité numérique et transactionnelle.

L’identité renvoyée par le selfie est mienne. Elle a cette valeur unique. Elle est d’ailleurs exploitée pour l’identification bancaire. MasterCard expérimente par exemple le selfie comme un moyen de paiement. La photographie de moi même permet de justifier qui je suis, sans demander d’autres moyens d’identification ( comme un code secret ).

Le selfie devient ainsi petit à petit cette nouvelle empreinte de soi, et transactionnelle. Qui a une valeur comme l’empreinte de doigt…

Le selfie est donc l’exercice ludique, utilitaire et introspectif.
En prenant en compte ces 3 vigilances : Identifiable , Immédiat, Inclusif. ( la règle des 3 I sur les réseaux sociaux ).
Pour revenir sur l’étymologie du mot ( self) , il renvoie à Ipse ( soi-même ) qu’idem ( le même ).
Car je suis unique. Le montrer et le partager. En toute intelligence.

A lire aussi :  Selfie, la distance intime.

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8 réflexions au sujet de « Le selfie, le narcissisme virtuel ou la représentation de soi »

  1. Ping : la proxémie ou l’espace de communication et de vivre ensemble | Zeboute' Blog

  2. Ping : Les billets essentiels pour ne pas bronzer idiot cet été ! | Zeboute' Blog

  3. Ping : Le premier selfie, en 1920 ! | Zeboute' Blog

  4. M Watters

    Quand on voit une artiste sortir de vieilles photos à tous les jours et obtenir plus de 700 commentaires du genre : T’es belle ou bien, 1346 j’aime, et ce à tous les jours ….dois-je en conclure qu’elle est devenue NARCISSIQUE ?
    Republier des photos de l,an passé…..

    Publier une nétiquettte lui donnant l’autorisation de faire disparaitre tout commentaire qu’elle jugerait innaproprié….la tester et se rendre compte que c’est vrai,,,elle efface les commentaires qui ne mentionnent pas qu’elle est belle. Est-elle contaminée ?

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    1. zeboute Auteur de l’article

      C’est le propre du selfie de se mettre en scène , mais il faut mettre de côté les selfie qui engendrent du buzz des autres , tournes vers la ré appropriation de soi, de son corps et d’ une image bienveillante de soi. Pour mieux s’aimer et s’accepter comme le font finalement les adolescents devant leur glace le matin.

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  5. Ping : Le musée du Selfie | Zeboute' Blog

  6. Ping : Selfie et Instagram – Lucie Descamps

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