Vous trouverez notre Président de la République ( encore une fois, ou pas ) versatile :
Les quotas de migrants, en France, hors de question.
Et revirement, depuis cette semaine. Accueillons le faible, celui qui souffre.
Un fait, une photographie a changé la donne : aujourd’hui, notre président soutient l’accueil, sans concession des migrants en France.
Ne cherchez pas le « bad buzz » ici : La photographie d’Aylan Kurdi est devenue un mythe. Avec raison.
Le mythe du réfugié.
Depuis des mois, et même des années ( si on considère le problème des migrants, à Calais, depuis la destruction de l’abri de Sangatte par Sarkozy ), le problème des migrants n’a concerné que l’Angleterre ( qui voit les migrants comme une menace ), ou les bénévoles qui s’en occupent avec humanité.
Les flux migratoires sont restés au stade de statistiques, d’enjeux politiques en France ( largement surexcités par l’extrème droite ).
La photographie d’un bébé, découvert sur la plage a modifié en l’espace de quelques jours la vision du « migrant ».
Aylan Kurdi. Ce petit Syrien de trois ans, originaire de Kobané, a été retrouvé mort sur une plage de Bodrum (Turquie), mercredi 2 septembre 2015
Et cette photographie , en tant que sémiologue, on peut l’affirmer fera date : elle est devenue un mythe.
Comme le définit Roland Barthes :
« Qu’est ce qu’un mythe aujourd’hui ? je donnerai tout de suite une première réponse simple : le mythe est une parole ».
Le mythe est un système de communication, c’est un message. Ce n’est pas une idéologie, ou un concept.C’est un moyen de communication ; c’est une forme. »
Voilà pourquoi la photographie de ce réfugié, mort sur la plage est devenu un mythe.
C’est d’abord un message.
Le mythe est aussi une méta-communication, qui use de signes déjà ancrés.
Derrière les statistiques de migrants, les analyses rationnelles du phénomène, le mythe du réfugié est né, dans le sens où la photographie est une « compilation », une explication, une re-formulation de ce que tout le monde savait déjà : des milliers de migrants arrivent aux portes de l’Europe.
C’est cela la naissance d’un mythe.
Et un mythe, il ne se détruit pas. Il a une forme universelle. Voilà pourquoi il a pu être véhiculé dans le monde entier.
Pourquoi tant d’émotions ?
Les réseaux sociaux, les journaux se sont emparés de la photographie où l’on voit un bébé sur la plage, abandonné par les vagues.
L’émotion a été forte :
Les signes sémiotiques sont évidents :
– La couleur du sang : habillé d’un T-shirt rouge, la couleur rouge exprime la violence : le sang, la mort, et la vie.
– l’absolue solitude : l’impact de la photographie est multiplié par ce fait simple : le bébé est le seul mort sur la plage, photographié. Pour celui qui la voit, la photographie renvoie à l’absolue solitude de chacun. Tant d’images de migrants désespérés ont été publiés. Mais cette solitude, d’un seul être, sur la plage est forte. Elle renvoie à chacun. Et non pas à un groupe. La différence est là, en comparaison du fait divers terrible en Autriche où on a découvert des dizaines de migrants morts dans un camion. Ici, un seul individu. C’est vous, et vous, enfant, lâché dans un monde froid.
– l’innocence : la remarque est triviale.
Pourquoi un changement de cap ?
On pourrait critiquer nos élites ; les réseaux sociaux et les journalistes s’interrogent : pourquoi avoir attendu cette photographie pour changer de direction ?
Ne soyons pas naifs. Devant l’état d’atonie de l’Europe en terme économique et devant la montée des extrèmes dans les pays européens, le sujet de l’acceptation de l’immigration est sensible.
Ce qui a changé, c’est la communication du phénomène migratoire.
D’un discours rationnel, mathématique ( du nombre de migrants ), en résumé digital, on est passé à une communication analogique :
Ce qui appelle au coeur, aux tripes, et non à la raison.
Car la raison pousse à la vigilance. Le coeur nous rend terriblement humain.
Les critiques sur le sujet n’ont pas lieu d’être. La photographie nous a fait changé de paradigme.
La photographie de ce petit bébé est là : elle procède de la communication analogique : sur le sens de la vue. Sur les tripes. Ce qui n’est pas vu ( le bébé ne dit rien, il est mort ). Mais sur ce qu’il dégage, et ce qui rappelle à nos instincts d’être humain.
Et cet événement, la mort d’un petit bébé ( sachant que des centaines d’autres migrants sont morts dans les mêmes conditions ) est du même acabit que l’attentat en France en janvier 2015 : il détonne, et bouscule les choses.
#JeSuisCharlie comme #JeSuis Réfugié.
La morale de l’histoire est surtout de la suite.
Quel monde pour nous, et nos enfants.
Yeah! Ton article est chouette! J’avais un peu peur en cliquant sur le lien, cette image et notamment sa diffusion m’ont laissé un goût amer et je ne savais pas trop à quoi m’attendre en arrivant ici. Je ne suis pas déçue, j’ai aimé ta manière de traiter le sujet.
Bon, tu sais que je suis une chieuse… Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la définition du mythe. Enfin, si je suis d’accord, mais elle n’est pas assez complète. Tu as choisi un terme fort: le mythe. Mais dans ce terme il y a une part de faux, d’affabulation, pour laquelle on ne sait pas où se situe le vrai du faux. Et je pense qu’il aurait sympa aussi de traiter ce point de vue du mythe dans ton article. Perso, j’aurais plus utilisé le terme d’allégorie, pour parler uniquement de l’image.
Passons! Ton article est vraiment bien foutu!
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Merci c’est gentil. Le mythe n’est pas vraiment une déformation de la réalité négative, mais plutôt une reappropriation des signes sémiotiques d’un niveau supérieur.
C’est la force du mythe qui devient indestructible . Et c’est pourquoi la photographie de Aylan survivra .
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