Edgar Morin, sociologue et philosophe a ouvert la voie à la pensée complexe.
La Méthode, regroupant 6 tomes, explore la façon d’appréhender le monde, sa génèse, le monde des idées, de la connaissance différemment.
Avant tout, c’est casser les schémas mentaux de lois universelles, trop simplistes.
Mais au contraire considérer le monde comme un système en construction, récursif.
Quelques notes de synthèse, ici, pour mieux comprendre !
Dans le premier billet consacré à Edgar Morin ( Edgar Morin et la pensée complexe ), j’ai résumé les erreurs des hommes auto-centrés sur eux-même.
La compréhension du monde ne vient pas d’en haut, mais d’en bas.
Le volume « La nature de la nature » illustre les concepts qui nous expliquent la formation de l’univers jusqu’à notre monde complexe d’humains, de connaissances, d’idée.
Formation chaotique de l’univers. Le système.
Le monde est intrinsèquement fait de désordre, interactions désordonnées de molécules entre elles, mais pourtant il nous apparaît bien comme stable, tranquille, fort d’un équilibre où tout phénomène vivant peut s’épanouir.
Cycles de moissons, lois de gravitation, alternances millimétrées du jour et de la nuit, naissance subtile de vie, construite avec une intelligence brillante…
Revenons au tout début.
L’origine du monde n’est toujours pas formellement expliqué.
Mais on sait ce qu’il se passe peu après le big bang : un chaos, une immense catastrophe faite d’explosions formidables, étoiles de feu. Désordre perpétuel.
Amassements gigantesques de particules, puis explosions soudaines à une température extrême.
Si on appliquait un schéma traditionnel, on pourrait expliquer que les lois de la gravitation ont permis petit à petit de former planètes.
Mais on ne peut parler de loi à l’origine, puisque les lois de gravitation ne peuvent se former que sur des corps déjà agglomérés.
Suffisamment gros pour pouvoir subir plus fortement l’attraction gravitationnelle que les lois électromagnétiques qui s’appliquent aux particules.
Parler de loi n’a pas de sens.
C’est au contraire le désordre absolu qui va permettre aux corps de se former, et définir a posteriori, in fine, une loi générale de la gravitation.
Pour former un atome de carbone, il faut trois noyaux d’hélium. Or les répulsions électromagnétiques entre les noyaux font que chacun se « répulse » en moins d’un millionième de millième de seconde.
Pour que la formation du carbone puisse se faire, il faut l’intervention d’un troisième noyau dans un temps si bref, qui puisse permettre la stabilité des trois.
La formation de l’univers n’a pu permettre la création du carbone parce qu’une contrainte forte de l’environnement l’a permis. Les turbulences thermiques monstrueuses, la chaleur énorme à ce moment là a permis d’accélérer le désordre et d’augmenter les chances du mouvement entre les trois noyaux d’hélium.
C’est de ce désordre qu’a pu naître la stabilité du carbone.
Dans cet exemple, on distingue ainsi :
– un désordre monumental
– un processus de formation improbable, au départ.
– un équilibre d’un corps, le carbone.
Le carbone n’est rien à l’origine. Il devient un système stable, généré par le désordre et les éléments isolés, répulsifs.
On explique ainsi qu’à partir du désordre, on construit un ordre, naturel, équilibré de l’extérieur, par une intéraction.
Il y a eu ici génération et non une loi générique qui aurait forcé les éléments à se construire.
La formation ne vient pas « d’en haut », mais « d’en bas » ; par les particules élémentaires et le désordre.
La carbone contient en lui même les éléments génératifs, et forme un tout stable.
Un autre exemple peut nous éclairer : la formation de l’eau.
2 atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène seuls ne sont rien.
Mais par leur combinaison électromagnétique, on forme l’eau. Aux propriétés complètement différentes de chacun de ses éléments constitutifs.
La fluidité de l’eau n’est pas une propriété des atomes seuls, mais de l’interaction des 3.
Ajouter les propriétés de l’hydrogène et de l’oxygène ne donne pas la qualité de l’eau. On voit dont émerger des particules élémentaires une qualité supérieure, la fluidité.
La somme des parties n’est pas le tout. Le tout est plus que la somme et le tout n’est rien sans les parties.
Le tout forme un système émergeant, à part entière, généré et équilibré. Il contient une intéraction désordonnée des atomes.
La nature fait plus que des additions, elle intègre.
Ici on s’éloigne de la pensée traditionnelle, à savoir Pascal, qui définissait : « la somme des parties est le tout et on peut fractionner le tout pour comprendre, analyser les parties« .
L’analyse n’est pas suffisante. Les propriétés d’un organisme ou système dépassent la somme des propriétés de ses constituants.
La nature fait plus que des additions : elle intègre.
Au plus bas de l’échelle physique, biologique, à la formation du monde est ainsi posée la base, qui peut expliquer la suite de tout phénomène physique, biologique, humain.
La Méthode : la nature de la nature.
Toute molécule, cellule, organisme est un système stable, équilibré, émergeant de composants qui ont participé à la génération du tout.
Le plus souvent dans le désordre. Ce système stable s’intègre dans un environnement où il déjà pris dans un autre désordre.
Et de lui même va participer à un système plus complexe, plus construit.
Des atomes aux molécules ; des molécules aux cellules. Des cellules aux corps polycellulaires. Des corps polycellulaires aux organismes plus élaborés. Mammifère. Homme.
Au final, on y voit un équilibre serein, une stabilité, par des lois qui régissent les choses.
Mais en considérant l’aspect systémique de ces choses, on voit qu’elles sont intégration de contraintes, constituées d’éléments générateurs.
Il y a une dynamique dans les choses, qui relèvent du désordre. Et de ce brouhaha d’objets agglomérés, liés fortement par succession d’interactions naît cet ordre.
Faire un cheminent de la molécule jusqu’à la formation de l’homme, et de la connaissance serait fastidieux.
A chacun des niveaux formés naissent de nouvelles intéractions qui poussent à faire émerger un nouvel ensemble équilibré.
Dans le domaine des théories, les idées, par exemple, la connaissance s’est agrégée jusqu’à former théorie : ensemble stable, ordonné d’idées.
On définie ainsi la thèse, et l’antithèse, deux expressions contradictoires d’une pensée. Par un processus de confrontation, on voit émerger la synthèse ; reliquat rassurant de deux expressions opposées.
En appliquant le principe illustré précédemment, on retrouve les notions :
– un désordre de la pensée : contradiction de la thèse et de l’antithèse.
– un processus de confrontation, de doute, de réflexion.
– un équilibre du système théorique : la synthèse.
Les exemples sont multiples. Il n’est pas question de généralisation. Il faut s’en méfier…
Récursivité du phénomène.
La caractéristique de ces systèmes est la récursivité :
Les causes produisent des effets qui agissent ensuite sur les causes, et ainsi de suite.
3 exemples !
- 1. La loi de la gravitation suit cet exemple :
Au départ de la formation des planètes, quelques amas de particules ( hélium, hydrogène ) s’agrègent et forment une masse suffisamment forte pour attirer d’autres particules. Celles-ci augmentent la masse de ces amas, accroissant encore la force de gravitation. La récursivité prend part ainsi à la morphogénèse des planètes. Une boucle générative est ainsi formée où la gravitation produit une agglomération qui va elle même agir sur la force de gravitation qui l’a fait naître.
- 2. Dans le domaine de la biologique, l’information qui circule dans le corps est aussi récursive.
Le cerveau émet des signes qui vont agir sur les muscles, les faire se mouvoir.
En réponse, les muscles transmettent des influx vers le cerveau. Le cerveau intègre ces réponses et va modifier ses stimulis vers les muscles en conséquence.
Le cerveau agit sur les muscles qui agissent sur le cerveau.
La linéarité perçue des phénomènes ( cause/effet ) n’est donc pas suffisante. C’est la récursivité qui participe à ces échanges du système.
Cette récursivité donne force au système constitué.
Ces boucles génératives permettent la survie, la cohésion de l’ensemble, et assurent une certaine autonomie, adaptivité.
- 3. Le cycle proie/prédateur dans la nature.
Dans un écosystème, la prolifération excessive excessive d’une espèce assure une nature suffisante pour ses prédateurs.
La population des prédateurs augmente alors, fort d’une grande quantité de proies.
De ce fait, le nombre des proies diminue.
La conséquence se fait alors sentir sur la population des prédateurs, faute de nourriture, etc…
Cette boucle, ce cycle écologique assure naturellement la survie des deux espèces pourtant en concurrence, l’une meutrière vis à vis de l’autre, dans un jeu totalement inégal.
Les chaînes trophiques de la photosynthèse et phagiques ( décomposition de corps morts formant l’humus, nourriture d’autres organismes ) participent à ce même processus.
Ainsi se forme le monde que nous connaissons.
Formation récursive, et inscrite dans un système stable faisant émerger des éléments parfois en désordre, contradiction.
La complexité des systèmes, des phénomènes et du monde a grandi, et abouti petit à petit à cette formidable diversité, complémentarité des choses.
Tout vient du bas.
En savoir plus : la récursivité est un concept de rétroaction, et de la cybernétique, vulgarisé par Wiener.
On lira le premier volet de ces articles autour d’Edgar Morin : Edgar Morin ou la pensée complexe.
Concernant la vie, et la nature, Edgar Morin nous explique la diversité de la Nature, face à Darwin : Edgar Morin ou la vie de la Nature
Ping : Edgar Morin ou la nature de la nature ! | Zeboute' Blog
Ping : Les idées dans les tripes ? Edgar Morin, la connaissance | Zeboute' Blog
Ping : La Méthode, l’oeuvre d’Edgar Morin | Zeboute' Blog
Ping : La vie d’un Product Owner Scrum. Kesako ? | Zeboute' Blog