Les nouvelles fonctions de Jackson au temps numérique !
Le monde bouge, les usages aussi. Vous lirez les articles sur le changement des générations X, Y, Z, Millenium…
Des usages différents, mais tous inscrits dans la même structure de communication, définie par les fonctions du langage, par Jakobson.
Alors, pour trouver vos repères sur ces changements, petit retour sur les fonctions du langage de Jakobson, au temps numérique d’aujourd’hui.
Et de demain !
Petit rappel des fonctions du langage de Jakobson !
Rappelons brièvement les fonctions du langage formalisées par Jakobson :
- La fonction référentielle, qui est la communication du contenu du message en tant que tel.
- La fonction émotive : elle se concentre sur l’émetteur du message. Il est l’expression de ses sentiments.
- La fonction conative : elle s’applique sur le destinataire du message, en le prenant en considération.
- La fonction phatique : elle permet de s’assurer que l’interlocuteur a bien compris, qu’il est toujours à l’écoute. Ce sont les « hum… » que l’on prononce lorsque on écoute quelqu’un. Le contenu est pauvre, il s’agit de prolonger la conservation ou l’initier. Comme parler du beau temps..
- La fonction poétique : elle est une valorisation du discours pour le rendre attractif, joli,.. poétique !
- La fonction métalinguistique : on communique sur ce qu’on communique.
Ces fonctions ont été définies de manière universelle, au temps ou les objets numériques d’aujourd’hui n’existaient pas.
Et dans toute communication, dans tout langage, qu’il soit écrit, verbal, il répond à ces mêmes principes.
Ces fonctions forment un pattern intéressant pour comparer, analyser notre rapport aux technologies et à la communication.
Les usages asynchrones.
L’usage du téléphone tend à s’amoindrir.
Notamment chez les jeunes.
« La génération textos ne partage pas le goût des baby-boomers pour la parole »,
titrait le Washington Post en 2010, notant un plongeon des minutes-voix mensuelles chez les 18-34 ans. En 2016, The Guardian estimait qu’un quart des détenteurs de portable ne l’utilise jamais pour passer un coup de fil.
Ou en 2017 : « la petit mort de la conversation téléphonique »
Peur de déranger ? Peur de ne pas combler le vide ?
La fonction phatique est celle qui remplit les silences, qui permet de poursuivre une conversation.
Le téléphone est donc l’outil qui tend à ne plus être utilisé pour appeler, mais plutôt pour tout le reste. On s’appelle moins.
Paradoxalement, dans un monde où tout se fait immédiatement, hyper connecté, l’usage de l’appel téléphonique tend pourtant à diminuer. Alors que c’est l’usage le plus immédiat par excellence, sans artifice, sans intermédiaire.
Recevoir un appel devient intrusif.
On ne sait pas ce que fait l’autre, où il est. Et si l’interlocuteur va être dans le bon état d’esprit pour capter ce que l’on dit.
Certains appellent même à des moments improbables. Je suis dans les bouchons ? J’en profite pour appeler mon carnet d’adresse.
Sous prétexte de faire un coucou, l’appel est dénaturé dans sa fonction, dans le temps légitime à appeler.
La vie s’est fragmentée, c’est à dire que nous avons plusieurs espace temps personnel, professionnel, qui tendent à s’entrelacer. La vie professionnelle nous laisse plus de liberté. Certaines entreprises pratiquent le télétravail. D’autres permettent d’avoir des activités personnelles sur le lieu de travail, comme le sport. Certains travaillent de façon indépendante, comme les auto entrepreneurs. Le dimanche, maintenant.
Même dans la sphère privée, les espaces ne sont plus réservés à des temps inscrits par avance. La recomposition des familles implique des changements, des organisations éphémères, bougeantes. Appeler sa nièce n’est pas facile, quand on ne sait pas si elle est chez sa maman ou son papa..
Les amis ne sont pas forcemement à côté de soi. La distance ne permet plus de connaître les habitudes des autres. Savoir quand appeler, sans déranger.
Les espaces séparés géographiquement et temporellement tendent donc à brouiller notre perception de ce temps propice à capter l’autre.
De ce fait, le téléphone qui est un un usage synchrone, c’est à dire en temps réel, et immédiat, répond moins à nos usages d’aujourd’hui.
Il ne s’agit pas de générations, comme les adolescents .
Mais bien un changement de mode de vie.
La communication digitale, par SMS, Mail, réseaux sociaux répond mieux à cette exigence moderne : ils sont asynchrones.
Et mon interlocuteur lira mon message au moment où il est bien disponible, puisque c’est à son initiative de prendre connaissance de ces messages. Un peu comme le répondeur d’autrefois..
Communiquer par émoticons
La fonction émotive est diluée dans les émoticons.
La vertu de l’appel téléphonique, par la voix, est que la relation est analogique : tous les sens s’expriment : le ton de la voix, son volume, ses hésitations. Il suffit parfois de.avoir les premiers mots au téléphone pour comprendre que quelque chose ne va pas.
Le silence est également d’une importance. Le silence en dit souvent long…
Pour combler cette communication annihilée dans le non verbal, la communication digitale s’est enrichie des émoticons.
Ils sont censés accompagner les messages digitaux dans les SMS, les réseaux sociaux. Pour exprimer son émotion : l’étonnement, la colère, la tristesse, la joie.
La limite est celle du nombre d’émotions disponibles.
Peut on cataloguer l’ensemble et la subtilité de nos émotions ? Non, évidement.
De plus, le choix de l’icone est déjà un choix de soi sur la propre analyse de son état. Or parfois, nous infusons de sentiments que.on a soi même la difficulté de comprendre.
Les emoji répondent également à la fonction métalinguistique .
Pour bien être compris, on explique que son message veut dire.
Par exemple, la plus part du temps le smiley permet de communiquer à l’autre que son message est à prendre avec humour.
De nouveaux icônes pourraient permettre de véhiculer de.autres informations : ceci est une question, un doute, une affirmation.
Le fait de ne pas avoir la possibilité du feedback, possible par la conversation orale clarifie le discours, le message.
La fonction conative, qui doit normalement s’attacher à l’autre devient pauvre, dans les usages numériques.
D’une part parce que la communication sur les réseaux sociaux par exemple sont destinés non pas à une mais à plusieurs personnes. Un groupe d’amis, par exemple. Ou à la planète entière.
Keep in touch !
La fonction phatique, qui en résumé serait d’initier et de prolonger une conversation ( le symptôme du mauvais temps qu’il fait chez le coiffeur ) s’exprime pleinement dans la communication digitale.
Le contenu de la relation phatique est pauvre, peu de contenu ou d’idées formidables à partager. Non juste ‘keep in touch’.
Les réseaux sociaux en ce sens sont l’objet phatique par excellence :
Beaucoup dénoncent la stupidité de ce qu’on échange. Mais là n’est pas l’intérêt du réseau social. : l’intérêt est de dire à l’autre que j’existe, toujours, que je suis toujours là.
Les like sur les pages facebook, ou les fils de messages sur snapchat, WhatsApp sont la pour nous le montrer.
La langue de chaîne de messages creux, mais riches en lien. La chaîne de liens qui ne s’arrête pas.
Les nouveaux usages de communication fondamentalement n’ont donc pas changé, a contrario de ce qu’on lit un peu partout.
Notamment ils ne sont pas réservés à une population ( les fameuses génération Y,Z.. ).
Leur mode varie par les devices, et le changement de nos habitudes de vie.
La technique s’adapte aux usages des humains. Et en ce sens, la technique n’est pas ce qui nous fait changer.
Ce sont nos changements de vie qui nous poussent à reconsidérer la technique !