Pourquoi ne doit-on pas utiliser TikTok ?

A l’heure où le sénat en France a sorti un rapport sur le réseau social Tiktok. A l’heure où les parents sont effrayés de Tiktok. L’interdiction auprès des jeunes est demandée de toute part. Pourquoi ? Petit résumé avec quelques arguments, objectifs !

L’ascension fulgurante de Tiktok.

En septembre 2016, ByteDance investit le domaine des vidéos à format court en créant Douyin (« son d’une vibration »). Cette application s’inspire alors de Musical.ly, une plateforme née en Chine proposant des vidéos musicales et de karaoké, qui fonctionne à l’étranger mais qui reste confidentielle en Chine.

En mai 2017, ByteDance lance une version internationale de Douyin, dénommée TikTok. ByteDance rachète Musical.ly en novembre 2017 puis fusionne Musical.ly et TikTok en août 2018.

Rien qu’en 2018, la société dépense 1 milliard de dollars en campagnes de publicités sur les sites de ses principaux concurrents comme YouTube, Instagram et Snapchat, afin d’attirer de nouveaux utilisateurs sur TikTok. Le moins qu’on puisse dire est que ceux-ci n’ont rien vu venir…

Avec 3 milliards d’installations, TikTok était en 2022 l’application la plus téléchargée de l’histoire.

Une application utilisée par les jeunes pour s’informer, et pas que pour se divertir.

Les utilisateurs de TikTok ouvrent leur application environ 40 fois par jour. TikTok a été
utilisé en 2022 par 22 millions de Français, avec 9 millions d’utilisateurs
quotidiens.

Le succès de TikTok est particulièrement impressionnant chez les
plus jeunes, l’application étant massivement plébiscitée par les enfants et
les adolescents. Au moins un tiers des utilisateurs français sont mineurs, ce qui représente plusieurs millions d’adolescents et d’enfants.

Application de divertissement, ayant fait son succès à l’origine sur des vidéos musicales , TikTok est en outre de plus en plus une plateforme choisie par les jeunes pour s’informer.

15 % des 18-24 ans utilisent l’application dans le but de s’informer.

L’influence de l’information par Tiktok a donc de grandes conséquences auprès des jeunrs, sur l’apprentissage, la connaissance de l’actualité et de notre monde.

Car TiKtok propage à la fois des messages de désinformation, d’un site chinois et Tiktok pratique la censure.

La censure.

Bien que Tiktok se défende de ne pas être sous autorité chinoise, la société, par ses ramifications, et par la propriété par les Chinois du fameux algorithme de sa plateforme, est bien sous influence chinoise. Aussi, tout discours qui relaye des informations contraires à l’idéologie du parti communiste chinois est censuré.

Il s’agit, dans la doctrine du pays d’ « empêcher tout discours négatif sur le Partie Communiste Chinois, en prévenant et contrôlant tout discours sur les « cinq poisons » (Ouïghours, Tibétains, Falun Gong, « militants pro-démocratie », « indépendantistes taïwanais »), et plus généralement toute critique du Parti », indique Paul Charon.

( source : Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « Les opérations d’influence chinoises : un moment machiavélien », Rapport, Institut de recherche stratégique de l’école militaire, 2021. )

La guerre cognitive chinoise.

Notre monde est bousculé par les soubresauts politiques. Et la Chine a l’ambition de mener une guerre cognitive dans le monde occidental.

L’application Tiktok est un moyen de mettre en place subtilement un contrôle des capacités cognitives.

Comment ?

  • Le format court et addictif des vidéos capte l’attention.
  • Le format court permet de véhiculer dans un instant une multitude d’informations, qui reviennent en boucle. C’est le même mécanisme finalement de la publicité classique d’antan. Multiplier les messages pour mieux les ancrer de manière subliminale.
  • Ces injonctions informationnelles martèlent une doctrine choisie par l’algorithme de tiktok, ancré de désinformations. Cette doctrine vise à la fragilisation des démocraties.

L’objectif sur les jeunes est clair : abrutir les cerveaux pour limiter le raisonnement, et accepter la désinformation répétée.

la « guerre cognitive » qui, se situant au croisement de la guerre de l’opinion publique et de la guerre psychologique, consiste à « utiliser la guerre psychologique pour façonner et même contrôler les capacités cognitives de l’ennemi et de prise de décision »

On remarquera que Tiktok est interdite en Chine. Ce n’est pas le cas : en Chine, une version similaire, Douyin, est proposée aux Chinois.

Pour le chercheur Julien Nocetti ,

 » TikTok apparaît comme un levier potentiel pour contribuer à cette « guerre cognitive » dont « le but ultime est de manipuler les valeurs, l’esprit/l’éthos national, les idéologies, les traditions culturelles, les croyances historiques, etc., d’un pays pour les inciter à abandonner leur compréhension théorique, leur système social et leur voie de développement ».

Pour le chercheur M. Julien Nocetti, « il faut comprendre que les
stratégies de subversion sont devenues la norme dans le cadre des relations
internationales, plutôt que l’exception. Ce rapport de force dans le domaine cognitif
vient finalement exploiter quelque chose d’assez ancien. Mais celui-ci est adapté à des contenus extrêmement personnalisés, et s’insère dans une démarche de
répétition, qui, alliée à des contenus courts, permet de capter l’attention de
l’utilisateur et de le rendre très dépendant des contenus qu’il consulte
»

Autrement dit, selon certains analystes, TikTok représente une « force de frappe internationale » que le régime chinois pourrait mettre à profit afin « d’affaiblir les résistances » d’une jeunesse mondiale qui constituera, dans quelques années, le principal concurrent à une société et à une force productive chinoises en quête d’hégémonie et d’une plus grande reconnaissance internationale

Comme l’a expliqué M. Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et stratégies d’influence » de l’Irsem :

« Ce que l’on ne sait pas, c’est à quel point le fait de mettre du contenu tendant à abêtir les utilisateurs correspond ou non à une stratégie de la Chine. Est-ce seulement une
conséquence néfaste de l’algorithme, surtout conçu a priori pour faire du profit,
suivant l’intérêt de TikTok et de ByteDance ? Mais comme la plateforme a du
succès, elle intéresse nécessairement les services chinois, qui peuvent être
intéressés par la diffusion de contenus »

La censure de Tiktok par la Chine.

Dès le mois de septembre 2019, un article du journal britannique
The Guardian révélait que plusieurs consignes avaient été transmises aux
équipes de modération de TikTok, soit pour supprimer certains contenus,
soit pour en réduire la visibilité. Ainsi, parmi les contenus ayant vocation à
être supprimés, il est par exemple fait référence :

  • aux « critiques/attaques contre les politiques, les règles sociales de tout pays,
    telles que la monarchie constitutionnelle, la monarchie, le système
    parlementaire, la séparation des pouvoirs, le système socialiste, etc. »
  • à « la diabolisation ou la déformation de l’histoire locale ou d’autres pays,
  • comme les émeutes de mai 1998 en Indonésie, le génocide cambodgien, les
  • incidents de la place Tiananmen » ;
  • aux « sujets hautement controversés, tels que le séparatisme, les conflits
    entre religions et sectes, les conflits entre groupes ethniques, par exemple
    l’exagération des conflits entre sectes islamiques, l’incitation à
    l’indépendance de l’Irlande du Nord, de la République de Tchétchénie, du
    Tibet et de Taïwan ».

« le groupe Wagner est présent sur TikTok et n’est pas sanctionné », expliquant que « TikTok est un outil d’influence, émanant d’un État autoritaire, qui ne nous laisse voir que ce qui est validé et pas ce qui ne l’est pas. C’est un outil de propagande d’une part et de censure d’autre part. Cette propagande est massive, avec des influenceurs répétant les mêmes éléments de langage sur la plateforme »

L’armée des 50 centimes

Le rapport précité de l’Irsem sur les opérations d’influence chinoises mentionne notamment une « armée des 50 centimes » composée de 2 millions de commentateurs payés et de 20 millions de trolls à temps partiel rémunérés pour effectuer des opérations de propagande sur les réseaux sociaux, dont TikTok, notamment pendant la crise de la Covid-19.

L’entreprise est également régulièrement mise en cause pour le manque de moyens humains alloués à sa politique de modération.
Par exemple, TikTok dispose de 600 modérateurs francophones, qui ne sont
pas basés en France, appartenant à l’unité mondiale de « Trust & Safety »
dotée de 40 000 personnes, mais dont les attributions dépassent largement la
seule politique de modération, ce qui paraît bien peu face à la volumétrie
considérable de contenus à analyser.

Le transfert des données en Chine et les risques pour les citoyens.

Les données des utilisateurs de TikTok sont censées êtres stockées dans les pays de ces utilisateurs. Comme aux Etats-Unis pour le pays américain.

Lors de la commission parlementaire française sur Tiktok, Marc Faddoul, chercheur en intelligence artificielle et directeur de l’association Al Forensics, exprime les doutes sur le transfert des données en Chine.

Il juge improbable que des données ne soient pas transférées vers la Chine afin d’entraîner et d’améliorer l’algorithme de recommandation de TikTok : « Même si les données des utilisateurs américains sont stockées aux États Unis, il y a toujours un backup en Chine, notamment à Shanghai, et j’imagine mal une imperméabilité, ne serait-ce que parce que TikTok aura besoin des données d’utilisateurs pour continuer à entraîner son algorithme qui est développé en Chine, elle aura donc besoin de faire des requêtes à ces données ; et même si les données sont anonymisées, elles sont si précises et si spécifiques, qu’il devient possible de retrouver l’identité de l’utilisateur, via son profil d’intérêt, de comportement et son adresse IP. En un mot, je vois mal comment TikTok se passerait complètement d’un accès à ces données »

Quels sont ces risques d’accéder à ces données ?

La source de données que constitue l’application peut permettre à l’État chinois :
– de reconstituer l’organigramme précis d’une organisation, administration ou entreprise,
– afin d’en identifier les éléments les plus pertinents en vue d’initier des actions
d’espionnage ;
- d’identifier les habitudes de ces personnes pour faciliter ces mêmes actions
d’espionnage ;
- de collecter des informations précises sur une personne pour construire un e-mail
personnalisé pertinent dans le cadre d’une cyberattaque ;
- d’identifier certains lieux particulièrement stratégiques pour l’État et les personnes qui les fréquentent de manière habituelle.


Par ailleurs, la société TikTok pourrait, via une mise à jour généralisée ou ciblée de son
application, augmenter sensiblement ses capacités de recueil d’informations avant que le public ne s’en rende compte.
L’application pourrait également permettre :
de lancer une campagne de désinformation lors d’une crise internationale au profit de la Chine ou de ses alliés ;
de favoriser, lors d’élections nationales ou locales, certains candidats au détriment des autres.

Tiktok oriente les jeunes vers des contenus dépressifs et suicidaires.

Comme nous l’avons vu plus haut, Tiktok enferme avec précision et efficacité l’utilisateur dans une bulle cognitive et addictive.

Aussi, pour la jeunesse, dont la santé mentale devient préoccupante, Tiktok oriente les jeunes vers des contenus dépressifs et suicidaires.

Jusqu’à proposer ce défi mortifère du baume de rouges à lettres. A chaque fois que tu te sens mal, applique un baume aux lèvres. Quand le tube est fini , c’est que tu dois mourir…

L’enquête indépendante d’Amnesty International relate de manière documentée cette dérive du réseau social Tiktok, qu’on pourra retrouver ici : Tiktok oriente les jeunes vers des contenus suicidaires.

Les réseaux sociaux sont un moyen de connecter, se connecter au monde. La vigilance, cependant, doit être de mise. L’éducation à leur usage est primordiale. Pour une population jeune, mal préparée, rarement accompagnée, Tiktok peut être un poison.

Vous pouvez relire le premier article concernant Tiktok : « La vie des ados avec Tiktok« .

Et prochain article à suivre :  » J’ai testé Tiktok « , ou une analyse sémiotique & sociologique de Tiktok. Abonnez vous !

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