La cognition incarnée : votre cerveau bouge au mouvement du corps !

Grâce aux nouvelles technologies d’imagerie médicale, on comprend mieux aujourd’hui le cerveau. Avec des découvertes incroyables.

Voilà comment est apparue la cognition incarnée.

A lire ici !

Temps de lecture : 20′

Cognition incarnée.

Qu’est ce que la cognition incarnée ?

La cognition incarnée ( ou embodiment ) a trait aux pensées ( cognition ), sentiments basés sur nos expériences corporelles.

Pour illustrer ce principe, prenons l’exemple des deux tasses.

L’exemple des deux tasses. 2 tasses devant vous, avec un breuvage chaud. Laquelle choisir ? laquelle est la meilleure ?

Je suis droitier, et naturellement je choisis la tasse de droite.

La cognition incarnée nous apprend que nos pensées, nos perceptions sont influencées par notre corps, ses sensations.

Le fait que je suis droitier, j’appréhende plus facilement au quotidien de la main droite. L’aisance est interprétée par moi comme élément positif. Et cela me pousse à choisir la tasse de droite.

Sans corps, pas de pensée. La cognition incarnée.

Dans les vingt dernières années est apparue la science de la cognition incarnée. L’esprit n’est pas une construction abstraite séparée du corps. A contrario, comme nous l’a longuement appris Descartes par exemple. L’esprit étant immatériel, indépendant des aspects physiques du corps.

La cognition incarnée montre que les processus physiologiques du corps participent activement à la formation de l’esprit.

Sans corps, pas de pensée !

Les progrès des neurosciences et de l’imagerie scientifique ont permis de mettre en lumière la découverte de la cognition incarnée.

  • Le nouveau cerveau.

L’étude des zones du cerveau que l’on comprend mieux nous le montre. On évoquera par exemple les études de l’université libre de Berlin, de l’équipe de Friedmann Pulvermüller.

L’équipe place ainsi des volontaires dans un appareil d’IRM. ( imagerie médicale ).

On leur demande de penser à des choses comme « lancer une pierre », « ouvrir une bouteille ». Le résultat des analyses des images de leurs cerveaux en activité à ce moment montre le fait suivant : les zones du cerveau mis en branle ne concernent pas que les zones qui participent à la raison.

Les zones du cortex sollicitées sont également celles du cortex moteur. Elles deviennent actives alors qu’on a demandé aux participants de ne pas bouger. Une vrai révélation : penser, c’est mettre en mouvement les zones du cerveau du mouvement corporel !

L’exemple avec des mots comme « rose », « thym », est similaire. On demande à penser à ces mots, et les zones du cortex olfactif sont utilisées.

On voit ici que la construction des abstractions que sont les mots « fleurs », « thym », « lancer une pierre » n’est pas une pure abstraction de l’esprit ; mais co-construite avec les éléments corporels de notre corps.

  • Comment notre cerveau construit il le mot « fraise » ?

Le cerveau est constitué de milliards de neurones. Et un réseau se forme, en utilisant les différentes zones du cerveau : moteur, sensoriel, olfactif.

Pour construire l’image mentale d’une fraise, les aires visuelles ( la couleur de la fraise ), olfactive ( l’odeur du fruit ), sa texture ( par le toucher ) sont mobilisées toutes ensemble. Et les expériences déjà vécues du goûter de la fraise font émerger le concept de la « fraise ».

Rémy Versace, professeur de psychologie cognitive à l’université de Lyon 2 indique, dans « Cerveau & psycho » :

« La notion de cognition incarnée renvoie à l’idée que la cognition se construit dans l’intéraction entre l’organisme et l’environnement.

Elle est incarnée dans le sens qu’elle n’a pas d’existence en dehors de ces intéractions.

Une telle conception change radicalement la manière de penser le fonctionnement du cerveau et les grandes fonctions qui lui sont rattachées ( perception, émotions, mémoire .. ).

Ainsi, le sens du monde se construit dans l’esprit présent et dans l’activité de l’individu. Il n’est pas strictement l’image du monde physique qui nous entoure.; et n’est pas non plus représenté dans le cerveau. Autrement dit :

« le monde ressenti émerge du cerveau dans une sorte d’espace temps cognitif ».

Le temps pour soi.

La notion du temps est importante dans la construction des idées,des mots qui signifient quelque chose pour soi. Le souvenir ravive les émotions, les sensations associées, l’expérience vécue. Voilà comment on reforme en soi le mot « chaise » :

La hauteur de l’objet nous est donné par l’approche spatiale déjà « incarnée », vécue. L’odeur du bois rejaillit au moment où l’on voit la chaise en bois. Incarner c’est vivre de sa chair le moment passé, et présent qui reconstitue un monde perçu, pour soi.

La vision de la chaise fait resurgir les traces du cerveau,, qu’elles soient sensorielles, motrices. Il n’y a pas de passé sans corps.

Pas de pensée dans corps !

D’un point de vue spirituel, l’idée est triviale. Si je n’ai pas de corps, l’être humain ne pense pas. La mort en ce sens est le point fatidique où le coeur s’arrête et met fin à la pensée. La religion promet un au-delà où l’esprit perdure ; c’est une erreur, d’un point de vue scientifique. Mais restons dans le monde vivant du corps et de l’esprit..

Nous savons tous que si l’on est fatigué, nous avons tendance à voir la vie en noir, être pessimiste. C’est l’illustration la plus simple pour comprendre que le corps fait partie intégrante du processus de la pensée.

L’exemple du sac à dos.

Rémy Versace prend l’exemple de l’étude sur le sac à dos.

On demande à un groupe de volontaires d’estimer le degré d’une pente. Le groupe est divisé en deux. L’un sans sac à dos. L’autre porte un sac à dos chargé de pierres. Le résultat : le groupe qui est chargé évalue la pente comme beaucoup plus raide que l’autre groupe témoin.

La sensation corporelle du poids par le corps influe directement sur notre perception, et construction du monde. Même donc dans le domaine aussi abstrait que le pourcentage d’une pente. Objectivement, la pente est la même pour chacun.

Utiliser son corps pour penser, se remémorer, et apprendre.

Comme nous l’avons vu, la pensée se nourrit de toutes les zones du cerveau. Sensoriel, moteur. Utiliser ses sens, son corps pour penser est bien d’intégrer dans le processus de la pensée les éléments corporels nécessaires à ce processus.

Voilà pourquoi écrire, en imprimant avec ses doigts d’un crayon sur un cahier, c’est « imprimer » sa pensée avec le corps. Facilitant la pensée, et surtout sa mémorisation. Car les mots que je construis sont mémorisés en même temps que le mouvement de ma main.

De même, lorsque je lis un livre, en tournant page après page, le mouvement moteur de la main incarne l’histoire que je lis.

La sensation du papier lisse, ou rugueux, participe à l’acte de lecture et de sa mémorisation.

Au moment où je voudrais me souvenir de l’histoire que j’ai lue, les traces sensorielles, mémorisées en même temps que l’histoire participeront à cet effort de cognition ( recognition ).

On remarquera également que la sensation du poids du livre participe intellectuellement et physiquement à l’évaluation du temps passé ; et du temps qui reste pour finir le livre. A la différence d’une tablette numérique ou d’une liseuse.

Dans l’apprentissage, utiliser le corps pour appréhender la pensée, les mots est fondamental : en matière de pédagogie, on apprend des contines aux enfants en chantant, dansant, mimant du corps.

Dans l’apprentissage des langues étrangères, mimer les mots étrangers aide à leur mémorisation.

Le bébé apprend ainsi ses premiers mots en mimant, en incarnant ce qu’il vit : prendre le biberon et associer le mot « biberon » avec la tiédeur du récipient, sa forme ronde, sa matière en verre.

L’expérience des chatons.

Dans les années 1960, des chercheurs américains ont illustré l’importance de la sensation du corps pour prouver le lien entre l’activité motrice et l’expérience visuelle.

Il s’agit des biologistes Richard Held et Alan Hein.

Ils ont élevé deux chatons dès leur naissance dans le noir absolu.

Puis petit à petit, ils ont redonné de la lumière. L’expérience visuelle a pu démarrer : l’un des chatons dans un manège pouvait tourner autour d’un pivot le long d’un mur rayé de bandes noires et blanches.

L’un des chatons pouvait se mouvoir, en faisant tourner la roue. L’autre chaton était placé dans le manège sur une calèche, assis, sans bouger. A la différence de l’autre chat qui pouvait marcher.

Le résultat est fascinant : le chat qui a pu marcher a pu appréhender la profondeur visuelle des scènes à la différence de l’autre. Pourtant, les deux chats ont bien profité des même stimulis visuels, par la lumière fournie dans les même conditions.

L’expérience intéressante montre que nos mouvements façonnent notre vision, notre perception du monde.

Bouger, c’est voir.

Chaque reconnaissance est en fin de compte inséparable et liée aux actions du corps en mouvement.

Le psychiatre Thomas Fuchs explique ainsi :

« la vue d’outils ou d’ustensiles, par exemple, est liée dès le départ aux impulsions du cortex pré-moteur. Quand je vois une pince, cela évoque automatiquement des mouvements potentiels que je peux réaliser avec l’outil ».

La conscience repose sur une intéraction avec l’environnement. Si cette intéraction n’a pas lieu, l’organisme n’a vraiment pas réel besoin de conscience.

Multiplier les intéractions du corps avec l’environnement, par le mouvement, c’est développer sa conscience.

Voilà pourquoi les personnes âgées qui ont des difficultés physiques à se mouvoir voient petit à petit leurs capacités intellectuelles diminuer.

Et a contrario, multiplier les activités physiques permet de rendre plus aigüe la pensée des personnes âgées.

Bouger son corps, ce n’est donc pas qu’une pratique de bonne santé.

Cela participe à la construction de son esprit. Imprimer.

Je vous invite à utiliser votre main, pour écrire. Pour réfléchir !

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