Cet objet désuet : la file d’attente.

Cet objet désuet : la file d’attente.

La file d’attente est devenue l’objet à détruire.

En France, les hypermarchés lui font la chasse.

Dans les pays de rationnement, comme au temps de la Russie, les files d’attente était le quotidien de tous.

Reviendra-t-il ?

Ne plus attendre.

La file d’attente est un fait de société, lié à la consommation.

Devant la sur-consommation et le développement des classes moyennes dans les années 1970, les magasins qui permettaient l’offre se sont vus dépassés par le phénomène.

A consommer, il faut payer. Avec ce petit goulot d’étranglement. Il faut passer à la caisse et payer.

Longtemps les grandes chaînes de distribution alimentaires ont tenté de rendre plus productif le passage aux caisses.

En inventant la file unique ( qui mathématiquement permet de réduire le temps d’attente). En utilisant les moyens de contact plus rapide ( la carte bancaire, le paiement sans contact ), en installant des machines automatique. En demandant aux clients de faire le job des salariés ( le self scanning).

En retirant les caisses pour les diluer dans l’espace entier du magasin.

Amazon invente le paiement sans caisse.

Et ainsi, la file d’attente tend à se réduire.

Et surtout disparaître.

Car les usages numériques poussent à utiliser les nouveaux modes de consommation que sont le drive. Ou l’achat en ligne.

On attend cependant toujours. On attend le transporteur . On a juste déplacé l’attente, plutôt chez soi. A regarder un film sur la chaîne Amazon à qui d’ailleurs on a acheté le produit qu’on attendait.

L’instant magique de l’attente.

Pourtant, sauf si on est pressé, et qu’il y a une trop grande queue, la file d’attente est démocratique.

Elle ne laisse personne privilégiée ( le riche ou le pauvre ). Chacun attend.

Et c’est l’occasion de voir ce qui se passe. Prendre égoistement le temps pour soi à réfléchir.

Dans un monde où on dit qu’on n’a plus le temps pour soi, la file d’attente est là pour vous recentrer.

Vous êtes avec vous même. Au choix : réfléchir. Faire du body scanning. Ou tout simplement rester ouvert sur son environnement. Et découvrir l’autre.

Car dans la file d’attente, vous allez découvrir le monde entier. L’artisan qui vient rapidement acheter son sandwich avant de reprendre le travail. Une bande de jeunes qui vient acheter quelques bouteilles pour une soirée. Un jeune homme qui a acheté juste une rose pour l’offrir à son amour.

Des instants de vie qu’on peut croquer. Et qui sortent de notre environnement immédiat. Formaté par notre communauté. Qui fait qu’on voit et revoit les gens qui nous ressemblent.

La file d’attente, c’est attendre pour observer son monde. Puisqu’on est de moins en moins curieux.

Ici, on n’a pas le choix. Et c’est une bonne chose :).

L’irritant de faire la queue n’existe pourtant pas chez le petit commerce de proximité. Sans foule, l’attente derrière un ou deux clients est plutôt salvatrice. Celle de prendre le temps. Pour soi, pour échanger et discuter. Loin du monde froid de la ligne de caisse d’un supermarché sous ses néons.

Le retour de la file d’attente.

Nous sommes égocentriques et ne voyons que notre monde. La fin de la file en attente… le rêve merveilleux de tout directeur marketing…

Pourtant, la file d’attente existe encore.

D’abord aux frontières. Où il faut montrer patte blanche pour entrer dans le pays. Migrants malvenus.

Dans les aéroports, les outils de reconnaissance faciale permettent d’accélérer le passage d’un pays à l’autre.

La file d’attente des migrants.

Les réfugiés, qui, soyons réalistes, quitteront leurs pays pour des motifs écologiques, humanitaires ou économiques attendront eux aussi. A la queue le leu pour obtenir une ration alimentaire. Distribuée par l’Europe ou les ONG.

La file d’attente est là aussi pour offrir les  points d’eau où la ressource naturelle devient rare.

La file d’attente du supermarché est à proscrire. La menace de l’expérience client fluide.

Et pourtant, cette file d’attente reviendra bientôt.

Pour les raisons évoquées ci dessus.

On ne peut avoir tout immédiatement, même si c’est le rêve du commerce mondial qui doit fluidifier. Et engendrer les dollars et euros sans qu’on en ait conscience.

Cette fluidité agréable du monde se heurte aujourd’hui déjà aux contradictions d’un monde inégal.

Et l’inégalité ne donne pas de la gentillesse. Plutôt du ressentiment, de la frustration.

La file d’attente reviendra… D’une façon abrupte. A s’y résigner.

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