La fin du journalisme ?

fin_journal_papier_annonces_gratuitesLa crise du journal papier se fond avec la montée de l’information sur le web.
La prolifération de dépêches, d’information en temps réel, partout sur la toile rend le journalisme difficile.
Comment poser le sens, l’explication de faits de société, sans pouvoir prendre le temps.
Celui de la réflexion ?
Problématique complexe à appréhender pour les anciens acteurs du journalisme.
Explications.

L’anchorman, ou le temps ritualisé de l’information.

fin_journalisme_controle_internetComme l’indiquait Daniel Bilalian, présentateur des journaux télévisés, l’information était au XXeme siècle ritualisée.
En deux temps forts : le 13h00, et le 20h00.
Deux temps de présentation de contenu d’information, entre lesquels le journalisme pouvait travailler le fond.
C’est le concept de l’anchorman.

Ou présentateur télévisé appelé aux Etats-Unis : l’anchorman, c’est l’ancre posée au fond de la mer.
L’anchorman pose les problèmes, les explique.
De la même façon, le quotidien papier, qui ne sort que le matin rythme l’information, dans la durée de la journée.
L’arrivée des médias continus a changé ce rite informationnel.
C’est l’expérience France Info , en France, qui a modifié cet usage de l’information.
Mon grand âge m’a permis de vivre la naissance de France Info, chaîne d’information publique, en 1987.
Mon excitation était vive : pouvoir écouter des analyses, des réflexions sur des sujets, quand je le voulais.
Déception lorsque les premières ondes ont haché l’information : tous les quart d’heure, la même information, répétée en boucle.
Moi qui rêvait d’écouter pendant plusieurs heures l’information, le décryptage de notre monde.
C’est la première expérience malheureuse d’un média qui fournit de l’information brute, bien avant les chaines de télévision « tout info », en continu.
Depuis, France Info a heureusement évolué.
Mais le constat est là : pour un média présent 24h/24, il est nécessaire de pousser des informations sans conséquence et inutile. Les recycler, et re-diffuser.
L’arrivée des chaines télévisuelles continues ( CNN, LCI, BFMTV.. ) a accéléré le phénomène.

Le modèle de la publicité.

publicite_argumentation_astra_roland_barthes_mythologiesCapter le lecteur, peu importe ce qu’il lit.
Ce modèle a déjà été utilisé par la presse écrite.
Pour obtenir des revenus, le nombre d’abonnés est le chiffre utile aux publicitaires.
Les magazines traditionnels ont largement offert des abonnements ( avec des cadeaux substantiels en cas d’abonnement ) afin de monter le nombre de lectorat.

Et justifier auprès des publicitaires une lisibilité.
Sans se soucier de la qualité éditoriale du magazine.
Le lecteur qui achète son magazine chez son marchand de journaux a beau vite faite de ne plus l’acheter la semaine suivante si la qualité ne lui plait pas.

Par abonnement, surtout si on obtient une radio hifi ( qui coûte autant que l’abonnement annuel ), l’avis du lecteur abonné n’est plus intéressant. L’intérêt c’est seulement qu’il soit justement abonné.
Le modèle sur internet est le même.
Puisque internet est gratuit, la diffusion d’information n’est là que pour capter l’internaute.
Et justifier de même un audimat.
Peu importe le contenu et la qualité de l’article. Pourvu que ça buzze.
Et pour buzzer, il n’est pas difficile de comprendre que l’information insolite, drôle, simpliste a une valeur immédiate.

Elle se révèle d’être de l’or.
Ce n’est pas un article de fond sur les nouvelles lois européennes en matière de jugulation de l’énergie qui capteront les tweets, les re-tweets..

Le nouveau concept : séduction / fait / conclusion ?

conte_médiologie_internet_raison_ecole_republicaineLe modèle traditionnel de la raison structurée ( schéma de l’introduction / thèse / anti-thèse / synthèse ) a laissé place au concept :
Séduction ( j’attire l’attention ) / Fait ( un seul fait ) / Conclusion.
Parfois, le seul fait marquant de l’article est la présentation d’un graphe, d’une infographie.
Cette infographie a le mérite de prendre toute la page, et de pouvoir y mettre le moins d’explication de fond.

La séduction capte l’intérêt du lecteur, mais c’est tout. On ne lit pas forcément en entier les articles. On lira à ce propos cette étude intéressante : Etude, c’est confirmé, on ne lit pas les articles en entier.
Au lecteur d’être vigilant : exiger la qualité de ce qu’on lit.

Devant l’information qui défile, le lecteur a une petite responsabilité :

Ne pas se laisser convaincre et séduit par n’importe quel article.
En ce sens, devant un article, il a à appliquer la formule des 3 S :

  • Séduisant ?

Dans l’article, qu’est ce qui me pousse à le lire, qu’est ce qui est mis en valeur, et qui n’a aucune valeur informationnelle.
Qu’est ce qui est là juste pour amorcer un sujet ( « Les Français ne boivent plus d’eau » : certes, et alors ? ).

  • Suffisant ?

A information pauvre, ne jouons pas avec l’infobésité : ne pas retweeter, transmettre l’information sur les réseaux sociaux pour rien.
Ne pas participer à cette infobésité ( information / obésité ) qui pollue le web, et l’intelligence de tous.

  • Synthétique ?

Dans toute approche journalistique, l’article de fond doit amener la contradiction, et synthétiser.
Même si l’accroche journalistique est légitime ( capter l’intérêt ), le fond doit suivre.
Pour revenir à l’exemple ( « les français ne boivent plus d’eau » ) , la conclusion est elle juste « les français ne boivent plus d’eau » ?
Dans ce cas, l’article est sans intérêt.

La curation détrône le journalisme ?

curation_bibliothecaire_internet_information_mediologieLe journaliste web a encore une légitimité par le nom de son journal, historique.
Demain, et surtout par la pauvreté de connaissance.

Qui se souviendra de Libération ? , lorsque ce journal n’existera plus en kiosque, et que les jeunes ne lisent plus aujourd’hui dans son format papier ?
C’est là où la marque « Libération » peut s’évaporer si elle n’a plus le lectorat, et l’aura légendaire d’un journal créé pour « bousculer » les idées.
Perdus, on s’attachera autant aux chaînes d’actualité que Google Actualité met en place.

Bonne présentation, l’information la plus immédiate. Bien mieux gérée que les médias papier dont ce n’est pas leur métier.
En on lira FaceBook Actualité, Twitter Actualité ;

Bref, les géants du web qui construisent plus efficacement l’information continue et séductive.

Le bon journaliste recoupe ses informations, prend les avis contraires, nuance, et apporte le sens de l’information brute.
Pour être journaliste, l’école de l’apprentissage passe par le stage, ou la fonction de pigiste.
Avant de pouvoir publier son « premier article », le nouveau journaliste prend les tâches « ingrates », et il est payé à la tâche.
Traditionnellement le pigiste allait à la chasse à l’information, au contact de la réalité.
aujourd’hui le pigiste est devenu numérique : surfer sur le web.
Cette simplicité dans le travail dessert l’apprentissage vertueux.
On apprend à recycler des informations sur le web.

Et à ce jeu, c’est la curation qui risque de détrôner le journalisme classique. Car la curation ( activité de publication de liens intéressants sur un sujet ) est souvent l’affaire de passionnés. Qui maîtrisent leur sujet. Et le font généralement bénévolement, par passion.

La production d’information sur le web est grandement faite par les internautes eux-même ( chiffre [ source non confirmée } : 70 % du contenu est produit par les internautes. Ce qu’on appelle le UGC : User Generated Content.

L’exercice pour tout stagiaire, pigiste serait non pas de dépiler les informations en temps réel du web, mais de rester devant une feuille blanche, et écrire le sens, un article de fond.

Quitte à quitter la chaise pour aller capter l’information au contact, sur place, dehors. Là où se fait le réel, en somme.

Le journaliste consciencieux, et qui porte intérêt aux sciences de l’information et de la communication tombera fatalement sur cet article, et sur ce blog.

En attendant des commentaires pertinents sur le nouveau journalisme, qui nous fera oublier cette tendance malheureuse de l’article choc, mais vide.

La seule alternative dans une France démocratique, qui a impulsé la liberté de la presse, c’est cette différence :
tout journaliste, tout étudiant, tout lecteur doit refuser l’information obèse, gratuite et séduisante pour s’attacher au sens.

Textes relatifs : Jean-Pierre Pernaut ou un modèle de  mieux communiquer  ensemble. La curation, histoire et évolution.

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