Spinoza ou le philosophe de la joie

Je me suis souvent trouvé étrange, « hors… de », à réfléchir sur la condition humaine. Me sentant un peu seul..

Non que la spiritualité ne soit pas présente autour de nous. 

Les références sont souvent les philosophes, qui ont nourri le sujet depuis des siècles, voire des millénaires.

Les philosophes peuvent parfois paraître poussiéreux, difficiles à lire. 

Spinoza est certainement le philosophe le plus soucieux de s’interroger sur le « comment vivre ?« .

A découvrir ici !

Les cours de philosophie sont une fenêtre d’ouverture.

Mais qu’en reste-il ? Quand on est adulte, qu’on a quitté le lycée ?

Les philosophes semblent enfermés dans leurs écrits. Sans vivre l’extérieur, notre monde.

Et surtout comment appliquer dans notre quotidien ce qui paraît pourtant fondamental : bien vivre sa vie.

L’un des philosophes à suivre, à lire, c’est Bento Spinoza

Il a su écrire le guide pratique de vivre, tout simplement. 

Sa réflexion sur notre façon de vivre, de penser fournit des pistes pour mieux vivre. Conjuguer avec ses émotions :  la peur, la bienveillance, l’orgueil, la colère…

On parle d’ailleurs de ce philosophe, comme le philosophe de la joie.

Qui est Spinoza ?

Baruch Spinoza est un penseur singulier tant en raison de sa manière de voir la réalité que sa totale indépendance personnelle et philosophique.

L’expérience de sa vie montre sa volonté, à une époque compliquée pour celui qui voulait écrire de nouvelles vérités.

Bento Spinoza est né en 1632 à Amsterdam. Il est d’origine portugaise.

Pourquoi Amsterdam ? Spinoza est issu d’une famille juive, et la Provinces Unies ( anciennement les Pays Bas ) est un régime plus favorable aux familles juives, où la famille de Spinoza put s’installer.

Spinoza a un caractère vigoureux et solitaire. C’est qu’il perdit sa mère à l’âge de six ans, puis dans les années suivantes son frère, sa soeur, et enfin son père.

La perte de ses proches l’amena également à se retirer de la communauté juive. 

Un an après le décès de son père, il arrêta le négoce familial d’importation en fruits secs.

Cette rupture lui permit de réfléchir lui-même, loin des croyances religieuses.

Et se mit à se consacrer aux études. Une époque troublée, et un havre de réflexion.

L’époque de Spinoza est marquée par le climat social et politique des décennies précédentes.

Les guerres de religion entre catholiques et protestants ; la guerre de Cent ans.

Cette agitation est le témoin de la lutte féroce qui se joue entre l’église et l’Etat qui se disputent le pouvoir sur le monde des idées.

La République des sept Provinces Unies des Pays Bas a conquis son indépendance vis à vis des Espagnols. Elle connaît alors une splendeur culturelle et d’essor économique. C’est le lieu où viennent se réfugier les dissidents politiques, intellectuels et religieux de toute l’Europe : René Descartes, l’empiriste John Locke. Les Pays Bas deviennent la première puissance financière et commerciale du monde au milieu du XVIIème siècle.

Le pays devient alors le laboratoire d’idées : le cartésianisme, le républicanisme politique libéral, la science de Galilée.

De grands artistes nourrissent la vie artistique : Rubens, Rembrandt, Vermeer.

Les nombreuses imprimeries permettent de diffuser les idées novatrices.

Spinoza se nourrit de ces courants intellectuels, et devient l’un des promoteurs de la liberté intellectuelle et polittique.

La formation d’un rebelle

Spinoza, que l’on voit comme un philosophe sage est en fait un rebelle…

Spinoza a noué des relations avec des incroyants, et lisant des textes de dissidents. Il fréquente des libres penseurs. Et lit Platon, Aristote, Sénèque, Montaigne, Galilée, Descartes..

A l’âge de vingt ans, il décide de ne soumettre toute question religieuse ou philosophique qu’à son propre jugement.

A l’époque, c’est la révélation divine qui donne le ton à toute réflexion.

C’est une force intellectuelle, où à ce moment là, Uriel da Costa remet en question les principes de la révélation divine et de l’immortalité de l’âme. Exclu de la communauté juive d’Amsterdamn, Uriel da Costa finit par se suicider.

 Au niveau de la politique, Spinoza s’intéresse à la pensée politique et économique laïque, et républicaine.

De sa philosophie et pensée politique, ce libre penseur, et rebelle finit par être exclu de la communauté juive.

Pour lui, c’est une libération. 

Il peut se consacrer à l’étude, tout en travaillant comme polisseur de lentilles d’optique.

Spinoza viva plutôt modestement, changeant régulièrement de domicile.

Devant le danger à exprimer ses idées, Spinoza ne publia que 2 fois ses écrits. C’est aussi une manière de retravailler sans cesse ses réflexions. Ses livres sont publiés à titre posthume.

La méthode : de la méditation à la recherche de la vérité et la joie sereine.

Spinoza,le rebelle

Aujourd’hui, on pourrait considérer certains textes de Spinoza comme une manuel de développement personnel.

Dans « Traité de la réforme de l’entendement« , il commence à se livrer, de manière autobiographique. Il décrit la méthode à suivre pour une recherche personnelle de certitudes.

Spinoza a expérimenté la méditation. 

Chose ardue, elle l’a amené à conclure que les événements ont un caractère positif ou négatif non pas en soi, ni en raison des circonstances, mais en fonction de l’attitude fondamentale choisie par chacun. 

C’est à nous même de choisir la façon dont on voit les choses. Eviter le préjugé. Et cela, par la connaissance : du monde, et surtout de soi.

La première chose à faire est de transformer sa propre vie pour se consacrer à la vérité.

« C’est une question de vie et de mort », dit-il.

Il n’y a d’autre solution que de se faire confiance, ne pas se contenter des joies passagères au grès des circonstances. Et cultiver sa disposition à fuir les préjugés. Ces préjugés renforcent le tumulte extérieur, les craintes, la peur. Qui peuvent nous tourmenter.

Spinoza propose tout simplement une recherche d’une joie constante et sereine, c’est à dire une maturité et une plénitude personnelles, éloignées des certitudes et de la simple érudition.

La connaissance est une nécessité, mais doit se vivre dans le quotidien. 

En ce sens, Spinoza a un aspect terriblement humain et toujours aussi moderne.

Ce changement personnel doit permettre de réaliser le but ultime : la connaissance de Dieu ou la Nature.

Expérimenter son intime avec la réalité, de manière organisée et déterminée : un effort constant et sans faille d’élévation intérieure.

A la recherche d’une méthode.

Comprendre le monde, à l’époque de Spinoza, c’était d’accepter l’explication divine.

Descartes à cette époque lance un pavé dans la mare, avec son fameux cogito « je pense donc je suis« .

Le savoir ne provient pas des perceptions, des sens, souvent douteuses. La découverte de Descartes est la conscience, qui échappe à toute erreur sensorielle. L’homme prend d’abord conscience de soi, avant de commencer à considérer d’autres réalités. 

Cette pensée, commune à tous, n’est pas seulement le fondement de l’identité du moi, mais elle est aussi le principe de tout discours véritable de science.

Les lois de l’univers peuvent être découvertes grâce à la capacité de la conscience de les formuler.  La méthode de Descartes est de s’appuyer sur des règles. 

En 2 étapes : analytique, en identifiant des évidences élémentaires, « des idées claires et distinctes ». Puis synthétique, en formulant une vérité déduite de ces évidences. Et de cette vérité, on peut en déduire d’autres, avec une certitude mentale. Il s’agit de s’enfermer dans cette conscience.

Descartes sépare aussi la réalité entre deux domaines : le corps et l’esprit ; indépendants entre eux.

Et ce qui permet de coordonner les deux est Dieu, qui décide de les faire converger. L’explication et l’unification de la Nature grâce aux lois Universelles reste soumise à la décision divine.

Spinoza évite le dualisme : entre l’esprit et le corps ; Dieu et le monde, la nécéssité et la liberté.

Spinoza réfute l’idée d’un Dieu décideur et omnipotent. Si Dieu dicte des vérités éternelles et peut les changer à volonté, la vérité des choses n’est donc pas immuable.

Spinoza s’inspire cependant de la méthodologie de Descartes, dont il fera une critique dans « Principes de la philosophie de Descartes ». Reprenant l’idée révolutionnaire de Descartes qui consiste à fonder la connaissance sur l’acte même de la pensée, indépendamment de l’objet de la recherche.

Il n’est pas besoin de l’appui de Dieu pour échapper à l’erreur et accéder à la réalité. La pensée est auto-suffisante pour comprendre les choses.

Il replace l’être humain au milieu de la réalité impersonnelle. Il passe du « je pense donc je suis  » ( cogito ergo sum ) à « l’être humain existe en tant qu’être pensant ». ( ego sum cogitans ).

Il n’est pas besoin de l’appui de Dieu pour échapper à l’erreur et accéder à la réalité.

La pensée est auto-suffisante pour comprendre les choses.

Spinoza affirme aussi que l’idée est également objet de connaissance pour d’autres idées. L’esprit pense au sujet de ses idées. La conscience est ainsi réflexive. L’idée est un objet de connaissance de la connaissance. Toute cette pensée englobe à la fois le réel, les objets et ses idées en tant qu' »objet »

Par conséquent, on ne parvient à la connaissance de soi qu’à travers le contact avec le monde. 

Le processus de réflexion consiste à remonter d’une idée première vraie à une autre, et ainsi de suite jusqu’à arriver à l’idée de Dieu ou de Nature ; qui est le fondement impersonnel de tout ce qui existe.

Dieu, c’est à dire la Nature.

Spinoza élabora très tôt sa thèse naturaliste : l’identification Dieu-Nature, qui constitue sa contribution majeure à la philosophie. Son interprétation de tout ce qui existe décrit une réalité dynamique, exempte de sens pré-déterminé et régie par un enchainement de causes et d’effets.

Une nature multidimensionnelle et le projet éthique de l’Homme.

Spinoza ne reconnait pas l’existence d’un Dieu personnel, et créateur. Pour lui, une telle conception de Dieu rabaisse les croyances religieuses à un échange de faveurs : bien se comporter pour obtenir un meilleur après…

Le philosophe affirme plutôt que l’important est que les hommes croient dans leur propre projet éthique et politique.

Pour Spinoza, s’il n’y a pas de finalité divine, cela importe peu : et cela est compatible avec l’expérience de l’appartenance à une totalité impersonnelle.

A la différence des religions monothéistes qui différencient clairement Dieu du reste de l’univers.

Dieu existe parallèlement, y compris dans la réalisation concrète de notre monde. Dieu n’est pas transcendant ; il n’est pas en dehors de l’univers. Connaître les choses singulières signifie connaître Dieu.

Nous voilà donc seul, avec son esprit. Et avec un Dieu-Nature. Et de ce fait fondamental, il est possible de vivre. Avec méthode et joie..

C’est l’objet d’un prochain petit billet autour du projet d’éthique de Spinoza. Ou comment guider sa vie dans un esprit joyeux, et lucide.

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