
Il est des lieux hallucinants qui marquent l’humanité, récente.
Le familistère de Guise est une utopie humaine de vivre ensemble. Qui durera un siècle.
Sortir l’être humain de conditions précaires par un projet.
1866. » Le Familistère, soyez-en convaincu, n’a d’autre but que de constituer le plus tôt qu’il sera possible le plus vaste champ d’association coopérative qui aura été inauguré dans le monde« .
C’est la formidable aventure et le projet que je vous propose de découvrir ici.
Introduction.
Godin est un ouvrier.
Au XIxème siècle, il est témoin de la condition ouvrière précaire de l’époque : manque d’hygiène, condition d’habitat misérable.
Par son métier et ses compétences,
Il décide de bâtir le familistère.
Puisque les bourgeois ont l’eau courante, le chauffage, le bain chaud, la piscine, l’éducation, Godin souhaite proposer aux ouvriers de son entreprise le même bien être.
Le projet de Godin est une des premières réalisations concrètes de ce qu’on appelle l’économie sociale, ou économie collaborative.
Les prémices d’une économie sociale : auto-partage des partage du capital aux ouvriers, vote des augmentations par les ouvriers ; assurance maladie ; retraite..
Voilà comment décrit Godin son projet, :
« Nous devons en conclure que l’amélioration du sort des classes ouvrières n’aura rien de réel tant qu’il ne leur sera pas accordé les équivalents de la Richesse, ou si l’on veut, des avantages analogues à ceux que la fortune accorde ; armé de cette boussole, on peut marcher constamment dans la voie des choses qui sont à faire, on a un guide sur de sa conduite »
A chacun son palais :
On ne peut faire un château pour chaque ouvrier : il faut donc, pour une Équitable Répartition du bien être, créer le Palais dans lequel chaque famille et chaque individu trouveraient ces ressources et ces avantages réunis au profit de la collectivité
Le familistère de Guise.
C’est dans l’Aisne, à Guise, à côté de son usine que Godin construira le familistère.
Il est composé d’ :
- un pavillon central, et
- deux ailes, abritant 490 appartements pour les habitants du familistère.
- une école,
- un théâtre,
- une buanderie et sa piscine,
- un magasin,
- une nurserie
- une bibliothèque
- un restaurant
- un immense parc potager
vue globale du familistère, en 2024.







Un projet du familistère gigantesque. Quelques chiffres.
En 1889, le familistère accueille 1748 habitants, dans 490 appartements.
L’école réunit 482 écoliers. 50 berceaux à nourricerie. Le théâtre permet d’accueillir 1000 personnes. La bibliothèque comporte 2360 ouvrages.
Concernant le bâtiment, ce sont :
- 10 millions de briques
- 30 000 m² de plancher
- 1 kilomètre de coursives ou galeries.
- 570 m de façades.
- 900 fenêtres
- 1300 portes
Jean-Baptiste Godin, fondateur du familistère. Un ouvrier devenu patron.

En regardant l’histoire du familistère, on peut être surpris. Qu’un patron d’une grande usine, qui fabrique des poeles en fonte soit aussi généreux, précautionneux de ses employés. Au même moment, dans le nord de la France, on assiste à des innovations sociales. Où on offre un plus grand confort, et surtout où on regroupe les ouvriers à côté de l’entreprise. C’est le cas des corons, pour les mines. Derrière l’idée bienveillante, on assiste à un modèle de paternalisme.. Avoir les ouvriers sous la main, plutôt qu’ils se dispersent après le travail…
Dans le cas de Godin, l’histoire est différente. C’est que Jean-Baptiste Godin n’est pas issu de la bourgeoisie ou des riches industriels de l’époque. Il n’est qu’un ouvrier.
Jean-Baptiste Godin est né le 26 janvier 1816. Il est issu d’une famille modeste, dans le village d’Esquéhéries, dans le département de l’Aisne. Ses parents sont des artisans ruraux, exerçant le métier de serrurier. Afin de compléter leurs revenus, la famille a aussi quelques animaux et quelques cultures.
Jean-Baptiste commence son apprentissage dans la vie en travaillant dans l’atelier de son père, comme serrurier. Et garde les vaches de ses parents.
De condition modeste, Godin souhaite accéder à une vie plus intellectuelle. Il lit des livres de Rousseau, ou Diderot. Il achète des livres aux colporteurs de passage.
En 1834, le jeune décide d’aller travailler en ville et se lancer dans le compagnonnage. A Meaux, Paris, à Toulouse, Marseille, et à Lyon. C’est à Lyon qu’il travaille dans de petits ateliers. C’est dans ces ateliers qu’il découvre la condition ouvrière. Et notamment, la libre concurrence. C’est là qu’il nourrie son idée visionnaire :
Je voyais à nu les misères de l’ouvrier et ses besoins, et c’est au milieu de l’accablement que j’en éprouvais que, malgré mon peu de confiance en ma propre capacité, je me disais encore : si un jour je m’élève au dessus de la condition ouvrière, je chercherai les moyens de relever le travail de son abaissement. [ Godin, 1871 ].
En 1837, 3 ans plus tard, il rentre dans son petit village de l’Aisne, à Esquéhéries.
Le début de l’entreprenariat.
Pour pouvoir sortir de sa condition d’ouvrier, c’est grâce à un peu d’argent, qu’il reçoit 4000 francs, en se mariant en 1840 avec Esther Lemaire , dont ils auront un fils unique, Emile.
Godin fonde alors son propre atelier de construction d’appareils de chauffage. Il dépose son premier brevet pour la fabrication d’un poêle en fonte. Remplacer la tôle de fer par la fonte va changer la façon de produire. Et permettra un succès industriel sans précédent.
Son atelier qui compte alors une dizaine d’employés. Pour trouver de la main d’oeuvre plus disponible, il transfère son entreprise à Guise, à 15 kilomètres. La production de ses poêles commence à s’accélérer : tous les jours, l’entreprise fabrique jusqu’à 100 appareils par jour.
Au sein de son usine, Godin met déjà en place les premières mesures sociales pour ses ouvriers : en 1846, il crée la première caisse de secours mutuels, gérée par un comité d’ouvriers.
La découverte du fouriérisme.
Comme dans sa jeunesse, à lire les ouvrages de Rousseau, Godin reste un lecteur attentif du monde et des idées.
Allier le capitalisme qui naît à son époque et le rôle du travail devient une évidence et découvre la doctrine de Charles Fourier. Il s’agit d’une science sociale et de l’association du capital et du travail. Charles Fourier considère que l’attirance naturelle des humains pour l’activité est pervertie par le travail. Il souhaite valoriser le travail et le rendre plus attractif. Il n’est en aucun cas opposé au travail en tant que tel, mais l’est au sens que lui donne la société de l’époque qu’il critique.
Le mouvement de Charles Fourier s’inscrit dans ce qu’on appelle le phalanstère, structure de base d’une société basée sur l’harmonie universelle.
On lira sa conviction dans le brouillon de la lettre au Courrier de Saint-Quentin, en 1848 :
Je suis phalanstérien parce qu’après une longue étude, j’ai acquis la conviction que la théorie phalanstérienne est la science sociale constituée et que seule elle pourra conduire l’humanité à l’organisation d’une société parfaite, où seront réalisés l’ordre dans la liberté, et l’égalité de droit pour tous les citoyens, la fraternité dans toutes les relations humaines.
En 1843, Godin entre en relation avec les disciples de Charles Fourier, rassemblés dans une « Ecole sociétaire ». Lors de ses voyages commerciaux, dans le Nord de la France, ou en Belgique, Godin promeut ce mouvement. Et s’engage activement.
A Paris, en 1848, il s’implique dans la révolution Française de Février 1848.
À ce moment là, à Paris, les conditions d’existence (durée et dureté du travail, misère, conditions d’hygiène et de santé, voire environnement redoutable de la criminalité) sont difficiles. C’est la crise économique et le chômage : près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage.
Le 23 février 1848, lors de la révolte de 1848, Godin affiche dans les rues de Paris un placard » Voeux du peuple. Réformes pour tous !« . Demandant la liberté d’expression, de presse, d’association, le droit au travail. une « union et association fraternelle entre les chefs d’industrie et les travailleurs. Godin se présente aussi aux élections législatives, sans succès.
L’arrivée de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir va disperser le mouvement des fidèles de Fourier. Ils se réfugieront en Belgique. Seul Godin n’est pas inquiété par le gouvernement du second empire ; grâce à l’activité de sa manufacture ; qui compte 180 ouvriers en 1952.
L’utopie d’une colonie au Texas.
Godin est sur le point d’ouvrir une seconde usine, à Bruxelles. Son intérêt pour les théories de Charles Fourier continue.
Et de là naît le projet d’expérimenter un lieu, un phalanstère, un lieu rassemblant une communauté de travailleurs. C’est au Texas que le projet va éclore, et Godin en sera l’un des plus grands actionnaires.
C’est un échec. le gérant n’a pas su organiser le projet. Cet épisode au Texas aura une conséquence déterminante. Godin ne peut compter que sur lui-même, et il le fera, chez lui, à Guise :
en perdant alors les illusions, je fis un retour sur moi-même et pris la ferme résolution de ne plus attendre de personne le soin d’appliquer les essais de réformes sociales que je pourrais accomplir par moi-même. [ Solutions sociales, 1871 ).
Godin décide donc, à partir de 1856, de se consacrer à ce projet fou, à l’édification du « Familistère », un phalanstère qu’il souhaite marquer de ses propres convictions.
La construction du Familistère, à Guise.
En 1857, Godin acquiert un immense terrain en face de son usine, le long de l’Oise. Godin ne sera pas que le donneur d’ordre. Il est à la fois architecte, urbaniste, ingénieur.
L’objectif de Godin est alors de construire le « Palais social » destiné à accueillir 1500 personnes : les ouvriers, les employés et leur famille.
En 1861, le premier immeuble d’habitation est achevé, pour 350 habitants volontaires. Dans un lieu innovant. Les travaux se poursuivent, et des emplois sont créés pour assurer la gestion, les travaux du familistère.
Godin souhaite créer une alternative au capitalisme industriel et offrir aux ouvriers de meilleurs conditions. Et mettre en place ce qu’il nomme « les équivalents de richesse ».
Il favorise l’implication des ouvriers :
Il initie des comités de gestion du familistère ; composés d’hommes et de femmes. Il encourage la formation de regroupements humains : groupement de chorale, musicale, de théâtre, de gymanistique.
En 1863, il crée des Fêtes ; fête de l’Enfance, fête du Travail.
Au début, Godin reste discret, et laisse expérimenter son projet. Pour faire la pédagogie auprès des habitants, il organise des conférences, dans le théâtre du familistère.
Après les premiers résultats, à partir de 1865, il autorise les visites et la publicité en France et à l’étranger de son initiative.
L’auto gestion, et la succession du Familistère.

Godin est le père du Familistère. D’ailleurs, après sa mort, une statue trônant sur la place du Familistère est érigée.
Pour Godin, le succès de son projet passe par son appropriation par les travailleurs. Quelle suite à donner à son utopie folle, lorsqu’il ne sera plus là ?
D’autant que Godin se sépare de son épouse, et lui doit 2 millions et demi de francs, en 1877. Le Familistère est préparatoire à l’Association, répète Godin. Qu’il devienne une association de tous les employés. Godin n’en veut pas la propriété exclusive.
Il lance donc des conférences hebdomadaires à la population du Familistère, pour promouvoir l’autogestion. Il initie des nouvelles pratiques : en 1867 la reconnaissance du talent ; la participation aux bénéfices, en 1873.
Godin veut changer les statuts du Familistère, et rêverait que les employés s’en emparent. C’est un échec. C’est donc lui même qui rédigera seul la nouvelle association coopérative du capital et du travail , la Société du Familistère de Guise Godin & Compagnie, en 1880.
Godin lègue la totalité de ses biens disponibles, contre l’es prétentions légitime d »héritage naturel de ses héritiers.
Godin meurt subitement le 15 janvier 1888, à la suite d’une opération de l’intestin. Son fils Emile est mort deux semaines auparavant. Il est enterré sur le lieu même du Familistère. La nouvelle femme de Godin, Marie Moret, nommé administrateur-gérant de la Société du Familistère démissionne 6 mois plus tard.
La généralisation du bonheur.

Le Familistère n’est pas le caprice d’un patron. Comme on l’a vu plus haut, Godin est un ancien ouvrier, de condition modeste.
Le Familistère est conçu pour que ses habitants ne peuvent tous devenir riche puisse bénéficier collectivement des équivalents de la richesse.
Ainsi, le lieu réservé à des employés modestes proposera le même accès à la richesse que la bourgeoisie de l’époque.
C’est selon Godin dans la sphère domestique et sociale que l’on peut améliorer les conditions d’existence de la classe ouvrière : un logement sain et confortable, une hygiène irréprochable, une éducation de qualité et une culture largement partagée.
Et Godin sur chacun des sujets ira dans le détail pour que chaque disposition remplisse cette volonté.
L’ampleur du Familistère entraîne une économie d’échelle, de mutualisation ; qui profitera à toute la communauté des habitants ; et permet de « remplacer, par des institutions communes, les services que le riche retire de la domesticité » [ Godin, 1871 ].
« La richesse partagée n’est pas qu’un objectif matériel. Elle influe sur les rapports sociaux. La misère engendre la violence, tandis que l’aisance conduit à l’harmonie. Le bien être matériel n’est qu’un prérequis au bonheur. Et ce bonheur ne peut exister que par quelques individus fortunés. « Il n’est pas de bonheur pour l’homme seul et que tant que la masse souffre, quelques privilégiés ne peuvent pas connaître le vrai bonheur. Unissons donc nos efforts pour atteindre à ce bien tant désiré et qui doit naître de nous mêmes : le bonheur doit être notre ouvrage, et il doit résulter de notre union pour son avènement. » [ Conférence du 11 novembre 1860 ].
« Travailler pour le bonheur général est le vrai moyen de conquérir le bonheur particulier ».
Le logement sain, pur et propre.

Au XIXème siècle, la condition des ouvriers est terrible. Ils vivent dans des lieux fermés, sans lumière, privés de fenêtres. L’air est irrespirable. Les détritus jonchent les pièces. La femme de l’ouvrier lave les vêtements dans le logement. L’air est humide, suffocant.
Pour Godin, l’hygiène, la propreté et un logement décent est un pré-requis au droit naturel, au droit à la vie. « La Lumière, le Logement, le Vêtement, l’Air Pur, L’espace Libre. La Propreté. La Salubrité. L’Hygiène » [ 1871, Godin ]
Le Palais qu’il construit doit être lumineux. De là, la salle intérieure qui réunit les logements est couverte d’une verrière, laissant passer la lumière dans le hall central.
Chaque appartement dispose de fenêtres.
L’air est ventilé grâce à un système de ventilation.
Au niveau des caves, deux larges baies permettent au vent de s’y engouffrer et former une circulation d’air. Le vent s’échappe par les ouvertures des verrières. Au niveau des appartements, la ventilation se fait par les cheminées.
Au niveau du Palais social, les portes des pavillons restaient ouvertes en été. En hiver, un système de ferme-porte à ressort refermait automatiquement les portes derrière l’usager qui entrait.
A chaque étage, de l’eau courante est disponible.
A tous les niveaux du Familistère, on trouve une fontaine et des toilettes. L’eau froide potable est amenée par une pompe fonctionnant à l’aide d’une machine à vapeur depuis le sous-sol jusque dans les combles. Les réservoirs d’eau placés dans les combles permettent la pression de l’eau, et d’amener l’eau dans les robinets des logements. Au rez-de-chaussée, une salle de bain avec de l’eau chaude est disponible.
Les premiers vide-ordures sont installés. Les parties communes sont nettoyées par un service collectif.
Pour éviter la lessive dans les logements ( source d’humidité ), une buanderie annexe est créé à l’extérieur du Palais social.
De grands escaliers au coin, les coursives permettent la circulation et favoriser les relations entre les habitants.
Chaque module d’habitation comprend un vestibule et deux logements contigues, avec deux pièces d’une vingtaine de mètre carrés ; un débarras. Chaque logement dispose de placard de 2,60 m. Les murs sont enduits de plâtre et peints à la chaux blanche.
Pour conserver la luminosité, tous les appartements sont traversants. L’une des fenêtres côté cuisine ( donnant sur la cour intérieure ) ; l’autre sur l’extérieur. L’ouverture des fenêtres de chacun des côté permet la bonne ventilation du logement.
La lumière, qui est une préoccupation majeure de Godin, est omni-présente : chaque pièce a sa fenêtre. Notons que cela était coûteux, pour Godin, à l’époque où l’impôt se fait aux « portes et fenêtres ». Afin de garantir une répartition équitable de la lumière, les hauteurs de plafond et la taille des fenêtres augmentent, lorsqu’on est dans les logements au rez de chaussée.
Le revêtement intérieur est recouvert de carreaux de terre cuite, sans joint. Cela permet une bonne résistance, inflammable ; et facile d’entretien.
Les plus anciens vide-ordure d’habitation collective en France :
Godin souhaitait une hygiène impeccable. C’est ainsi qu’il invente les premiers vide-ordure : des cabinets sont aménagés sur les paliers des escaliers. Leur porte est équipée de fermeture automatique à ressort. Un plan incliné évacue les déchets dans un conduit de 50 cm de diamètre, qui descend jusqu’au caves. L’ouverture est équipée d’un système de fermeture automatique qui évite la remontée des odeurs.
Les bourgeois ne sont pas les seuls à disposer d’un bel ouvrage. Lorsqu’on arrive au Familistère, on est époustouflé par la qualité ornementale du bâtiment : l’ouvrage est fait de briques. 3,5 millions de briques ont été nécessaires. Sous forme de parallépipède, les motifs agrémentent le lieu. La chaux elle-même entre les briques est teintée de rouge et noir ; soulignant les reliefs.
Pour garder la beauté du bâtiment et son esthétique, les descentes d’eau de pluie ne sont pas le long des façades, mais évacuées dans des canalisations intérieures, dans le plancher des combles.
Rassembler les hommes, voilà aussi l’objectif de Godin. Vivre harmonieusement ensemble.
Les appartements donnent sur des coursives, au centre du Palais social. Les circulations se font à la vue plutôt que dans des couloirs obscurs. Ces galeries avec les gardes corps sont assez larges ( 1m30 ) pour permettre la circulation des hommes.
La piscine & buanderie du Familistère.

Godin souhaitait réserver les logements dépourvus de la chaleur humide, et dangereuse pour la santé aux ouvriers. Certaines activités domestiques étaient donc retirées des logements, et accessibles dans des lieux dédiées collectifs.
C’est le cas de la buanderie et de la piscine. Les lavoirs publics sont largement créés dans les villages. Godin, lui, décide de construire tout un bâtiment. Il est érigé le long de la rivière de l’Oise ; où les eaux usées du linge s’y écoulent grâce à la pente naturelle du terrain.
L’eau chaude provient du recyclage des eaux de l’usine de fonte, permettant de fournir de l’eau chaude gratuitement.
La buanderie dispose de plusieurs postes de travail, en fonction de l’opération de lessive : bouillir, essorer le linge.. Un grand séchoir permet de suspendre le linge et le faire sécher avec la ventilation naturelle.
L’exception de la natation pour les ouvriers.
Une piscine est également installée sur le site du Familistère. Son plancher de bois, orientable, permet de faire varier la profondeur de la piscine jusqu’à 2m50. La piscine de 50 mètres permet ainsi à chaque habitant, qu’il soit jeune ou adulte de pouvoir apprendre à nager en sécurité.
Au XIXème siècle, l’accès à une piscine est réservé aux bourgeois. C’est donc une exception qu’une piscine ouverte aux ouvriers soit proposée. Pour Godin, c’est une activité primordiales, quant à une pratique hygiénique, stimulante pour le corps.
Le théâtre du Familistère.
Le partage des « Richesses équitables » passe également par le partage de la connaissance, de la culture, des arts.
Un théâtre est construit au Familistère. C’est le lieu de rassemblement de tous. Lieu où les enfants se produisent en scène, avec des spectacles. Un lieu de conférence, où Jean-Baptiste Godin explique la démarche du Familistère. Un lieu de débat, qui se veut un espace de démocratie.
Le théâtre est inauguré en 1870, à l’occasion de la fête du travail. Il peut accueillir 1000 spectateurs. Cela représente l’ensemble de la population du Familistère à son époque.
Encore une fois, Godin fait preuve d’innovation. La salle est lumineuse, avec la lumière naturelle, grâce à des châssis vitrés ouverts dans la toiture.
Le théâtre est situé juste à côté des écoles, communiquant par le préau. C’est ainsi un lieu d’enseignement, complémentaire à l’école.
Attaché à l’engagement citoyen, pouvoir s’exprimer en public est une nécessité pour chaque habitant du Familistère. Le théâtre est un moyen pour chacun à apprendre à déclamer, devant un public. Et ce, dès le plus jeune âge. Comme le note Godin : « l’édifice consacré à la parole ».
L’éducation innovante du Familistère

Pour Godin, l’éducation des enfants doit se faire par la collectivité. La famille bourgeoise elle-même délègue l’éducation des enfants à des précepteurs. Ainsi, pour Godin, c’est au Familistère de prendre en charge l’éducation.
L’éducation est cruciale pour Godin, et l’industriel ne veut pas attendre que l’Etat prenne ses responsabilités :
L’éducation et l’instruction que l’association prodigue à tous ses enfants sont la première richesse qu’elle leur donne ; elle permet à toutes les aptitudes et à toutes les capacités de se reproduire : chaque individualité s’élève ainsi au rang et à la fortune que l’importance de ses mérites lui assigne dans le monde. L’éducation et l’instruction ne sont plus obligées d’attende le budget de l’Etat
Godin souhaite offrir des conditions matérielles et pédagogiques plus exigeantes que celle de l’école républicaine.
Il crée alors un système éducatif complet de l’enfant : de l’âge de quinze jours à quatorze ans. Il rend obligatoire l’éducation. Et offre des méthodes pédagogiques innovantes, sous l’impulsion de la directrice des écoles, Marie Moret. Des expérimentations sont menées. L’enseignement religieux y est banni, et on se repose plutôt sur la science. Le budget du Familistère consacré à l’école est largement supérieure à la moyenne des écoles publiques.
Godin va imaginer lui-même et concevoir les tables-bancs des écoliers. Leur permettant d’étudier sur un bureau ergonomique pour ces petits élèves…
Ses écoles sont gratuites, laïques et obligatoires. La bienveillance est de mise, et les châtiments corporels sont interdits.
L’enseignement est mixte, hormis les travaux de couture et des cours de mécanique.
Au delà des cours traditionnels ( mathématiques, mécaniques, comptabilité, histoire ), les élèves peuvent développer des compétences ouvertes : ils jardinent, apprennent la comédie, la musique, la natation et la gymnatique.
Ils sont éduqués à la démocratie, en participant à des conseils d’élèves. L’apprentissage est aussi pratiqué, dans les ateliers de l’usine ; ou les services collectifs du Familistère.
Le taux de réussite au certificat d’études est près de 90 %.
Lieu de mémoire d’une Utopie

Le projet de Jean-Baptiste Godin survivra un siècle.
Aujourd’hui, le Familistère est devenu un musée vivant. Quelques locataires y vivent encore. C’est un formidable lieu de découverte.
Au delà de l’oeuvre de Godin, c’est le lieu d’une empreinte d’utopies humaines. A découvrir d’urgence !
