
La campagne semble morte.
Désertification.
La nature semble immobile. Immensité de champs verts à perte de vue.
L’homme qui a longtemps apprivoisé la nature, sans le brouhaha, s’en va en ville.
L’activité humaine concentrée dans des centres urbains.
Où la nature disparaît, pour laisser place à une vague terre industrielle, tertiaire.
Où petit à petit, la richesse est la production d’idées, d’intelligence humaine.
Loin du silence des arbres.
La culture et nature peuvent elles co-exister ?
Peut-on vivre à la campagne ?
Je me demandais souvent s’il y avait deux mondes qui co-existaient.
Le monde des villes. Où l’activité humaine annihile la nature.
Des immeubles construits sur des terrains autrefois de prairies. Ou les idées fusent. La spiritualité, l’art. Le cinéma. Les musées. La vitesse du monde, la rame de métro propulsée dans les tubes de nos villes.
Et à côté, un silence de la nature. Les villages aux volets fermés.
Un silence peut être artificiel puisque la nature est bruyante aussi.
Le bruit des hibous, des animaux sauvages sous la nuit étoilée. Les champs des cigales le jour. Le bruissement des arbres.
Mais l’homme se terre, sous la chaleur écrasante dans les vallées.
Que font les hommes dans ces endroits où l’on pense que seule la tâche quotidienne se résume à une activité fonctionnelle ( travailler la terre, réparer les routes et bâtiments, élever le troupeau ).
Et loin de pouvoir s’adonner à la spiritualité ? A la culture ?
Loin du brouhaha de la ville ?
Les réseaux télévisuels, l’internet seraient les seuls accroches à un monde où les idées, les créations poétiques peuvent circuler..
Naïf, et méconnaissant notre territoire, la question me taraude…
Le marché de Puy l’évêque.

Dans les villages, le marché rassemble ce jour les hommes.
Point de rencontre pour les acheter les victuailles. Fruits cultivés aux alentours. Saucisson, fromage. Prayssac.
Les corps se mêlent enfin dans les étroits passages entre les étals. On discute, on s’apostrophe. On commente la fraîcheur des légumes, les saveurs.
Et au détour, plantée droite, je découvre Maide Maurice. Un sourire discret.
Maide est une écrivaine, et biographe. Haïtienne d’origine, elle cultive les mots.

Écoute les hommes qui viennent ici, et raconte leur histoire, dans des livres.
Dans ce marché, elle a un petit stand qui présente son projet de biographe.
Ainsi dans le fin fond du Lot, les mots ont une vie.
Les hommes ont tous une histoire. Et maide la pose.
Ainsi la discussion nait avec elle.
Curieux d’en savoir plus !
Juriste à Paris, passionnée d’art, elle s’est ensuite installée dans la belle région du lot, près de Cahors et Prayssac..
Le livre qu’elle présente, sur la petite table blanche au milieu des étals de fruit, de chapeau, c’est celui d’un lotois.
Adolescent, Émile Antoine Maury vit au milieu de ces campagnes. Mobilisé pour la guerre d’Algérie, il deviendra infirmier. Formé sur le tas. Monsieur tout le Monde.
Directeur d’un hôpital parisien, il reviendra vivre dans le lot paisible.
Loin de la fureur du bruit parisien, les étés. Et nous raconte la vie de cette campagne devenue mécanisée.
Maide l’écrivaine et biographe que je rencontrai au marché, elle aussi a quitté Paris.
Pour trouver un espace de sérénité, de lenteur plus propice à se poser ? A cultiver la pensée. Et poser les mots ?
Je ne lui ai pas posé la question.
Je ne la connaissais pas assez. Il aurait fallu prolonger la discussion.
Mais ma discrétion m’a poussé a continuer le chemin du marché..
Sans avoir omis de m’offrir le livre d’Antoine Maury.
Peut-on vivre à la campagne ?
Les Arques.

Tous les ans, le village des Arques accueille des artistes.
De Mars à juin. Sous la houlette d’un directeur artistique, un projet artistique est lancé. Sur un thème différent, chaque année.
Dans le cœur de ce beau village, Les Arques, là où on trouve le musée Zadkine.
Zadkine est l’un des sculpteurs cubistes le plus célèbre et prolifique.
Des bronzes sont posés là. A côté de l’église perchée en haut de la vallée du lot.
La tranquillité du lieu, l’absence de vie tumultueuse rassurent.

Et laissent l’esprit s’interroger devant les œuvres.
Ainsi la culture peut s’ancrer dans la nature.
L’expression d’Arlequin ou du messager.
La solidité du bronze sur la terre ancestrale du lieu.
Je trouvais enfin réunis le mouvement de l’âme, et le mouvement des arbres.
L’aspiration créatrice a plus de sens et de valeur ici, que dans un musée urbain.
Musée ou l’on attend son ticket, ou l’on photographie avec urgence une œuvre d’art, que chacun veut immortaliser dans son album d’Instagram.
Ici, dans le village Les Arcques, les œuvres sont confidentielles.
Le sculpteur Zadkine vivait à Paris, là où se créait les mouvements artistiques de peinture, de poésie. Zadkine côtoie Cocteau, Chagall.
Et c’est dans le village Les Arques qu’il finit par s’installer, dans le lot.
Dans un endroit où il y a à la fois la place pour sa maison, et un grand atelier où sculpter de grandes oeuvres. Et à côté d’une église Romane.
Ainsi, même les plus grands artistes ont cette attirance pour la tranquillité de cette campagne, que je trouve tellement silencieuse, et solitaire pour l’homme..
Peut-on vivre à la campagne ?
L’art est dans la grotte.
Pas loin de Prayssace et du Puy L’évèque, la grotte du Pech Merle abrite, à Cabrerets des peintures pré-historiques.
Les premiers signes d’art ou tout du moins les premières formes de dessin ne sont pas dans les musées.
Mais bien dans la nature, dans les falaises.
Au temps de la préhistoire, au temps des grottes.
L’homme des cavernes..
Dans notre imaginaire, on pense que l’homme vivait dans les grottes. L’image d’Epinal renvoyée par la figure de l’homme préhistorique. Et ce n’était pas le cas.
D’abord dans la grotte, on y trouvait des animaux sauvages dangereux pour l’homme. La température n’était pas adaptée au confort. Et pour vivre dans la grotte, il fallait s’éclairer à l’aide de coupes d’huile ; pas facile à manipuler, et dégageant de la fumée toxique.
La grotte était donc un lieu où on venait et partait.
La grotte du Perche Merle, dans le Lot, est un précieux témoignage.
Celui des premières expressions graphiques.
D’un seul trait, l’homo sapiens, il y a 29 000 ans, dessine un mammouth.
Avec la simplicité, l’économie, d’un simple trait.. Comme le fera plus tard Picasso dans ses dessins.
Ainsi, dans la grotte obscure, on se rassemblait à la lumière des lampes à l’huile pour y montrer les dessins peints.
Une sorte de premier musée, un lieu de culte peut-être..

Et l’émotion me prend, en observant les premières mains peintes par l’homme, devant moi. 29 000 ans passés.
Une empreinte qui marque : non, l’art n’est pas d’abord dans le musée. il peut s’incarner dans des endroits improbables.
Il est d’abord inscrit dans l’endroit premier où l’on vit. Où on s’inspire de l’alentour. Que ce soit en ville et surtout à côté des terres agricoles.
Au travers de ces 3 moments ( au marché du Puy en l’Evèque, les Arques et la grotte de Pech Merle ), voilà les totems qui m’ont interpellé. Peut-on vivre à la campagne, sans l’ennui du rythme ancestral des journées, devant une nature morte ?
Le chemin se poursuit…
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