Votre temps arraché par les géants numériques.

La société du divertissement, depuis le début du XXIème siècle nous est enfin proposée. Par TikTok, YouTube, Facebook, Instagram. Et notre attention est captée par des myriades d’applications.

Avec un temps de cerveau de plus en plus disponible, les géants du numérique ont compris comment capter notre attention..

Découvrez ses secrets ici !

Dans cet article, nous évoquerons ici :

– le temps disponible : moins de travail.

– sommes nous esclaves des géants du numérique ?

– Les techniques pour capter notre attention : l’effet « cocktail », la peur, le sexe, la conflictualité..

Tout d’abord, pourquoi sommes-nous plus enclins à passer du temps sur les écrans, les smartphones, les tablettes ?

Nous avons intrinsèquement, plus de temps. Car tout d’abord, nous travaillons moins..

Le temps disponible : Moins travailler et vivre plus longtemps.

Si l’on a un peu plus le temps pour soi ; sa disponibilité du cerveau, c’est que nous vivons déjà plus longtemps.

Sur l’échelle de l’humanité, ce n’est pas si vieux que cela : l’espérance de vie au milieu du XIIIème siècle était sous les 30 ans.

Et l’on passait la majorité de son temps jusqu’à récemment à travailler.

Et aujourd’hui, on passe de moins en moins de temps à travailler :

En 1950, selon l’Organisation Internationale du Travail, encore 30 % des enfants travaillaient. Le ratio a diminué jusqu’à aujourd’hui , ( à 10 % ). Même si cela concerne encore 73 millions d’enfants..

Le travail permettait essentiellement de se nourrir. Ce n’est pas un plaisir. Le terme travail vient de Tripalum, un instrument de torture à 3 pieux utilisé par les Romains..

Le temps de travail occupe ainsi 11 % du temps éveillé, contre 48 % en 1800.

Un peu libéré du travail, est-on libre ? Et que faire de ce temps oisif ?

L’économiste John Magnard Keynes ( prix Nobel de l’économie ) en 1930 ( déjà ) alerte sur « l’âge des loisirs et de l’abondance« .

Car trois heures de travail par jour suffiront encore à satisfaire en nous le vieil Adam […]. Ainsi, pour la première fois depuis ses origines, l’homme se trouvera face à face à son véritable, son éternel problème, quel usage de faire de sa liberté, comment occuper les loisirs que la science et les intérêts lui auront assurés ; comment vivre sagement et agréablement, vivre bien ?

Bientôt 100 ans après, nous voilà avec une prédiction qui se réalise.. Moins de travail, c’est plus de temps à consacrer à une liberté nouvelle.

Et ce n’est pas si simple, comme l’explique Keynes :

« Trop longtemps on nous a formés pour l’effort et contre le plaisir. Pour la personne ordinaire qui n’a aucun talent spécial, notamment si elle n’est plus enracinée dans le terroir, la coutume ou les conventions bien-aimées d’une société traditionnelle, s’occuper est un redoutable problème. »

Sommes-nous esclaves des géants du numérique ?

Le techno-libéralisme, ou disons, les géants du numérique ( Facebook, Instagram, Twitter, Tiktok , youtube, Apple, Google … ) ont su s’approprier notre temps disponible libéré.

Un nouveau mot est apparu récemment, celui de smombie.

Contraction de « Smartphone » et « Zombie », il évoque ces piétons devant leur écran ; complétement vampirisé..

Les chiffres évoluent rapidement, mais ils sont révélateurs du temps « perdu » et capté sur nos écrans. Il est de 3,7 heures par jour.

Toute notre activité devient désormais régie grâce aux géants du numérique :

  • Se déplacer en voiture, via les applications GPS.
  • Demander de l’aide, avec des tutos.
  • Préparer une recette avec Marmiton.
  • Mieux dormir avec les applications nocturnes.
  • Mesurer ses performances sportives avec les applications de podomètre.

La dépendance est devenue si forte, qu’il est parfois impossible de ne plus pouvoir faire sans..

Ce que montre avec humour la vidéo suivante :

Notre temps de sommeil, le rêve des géants numériques !

C’est la détresse des parents, quant au sommeil de leurs enfants.

Seul dans sa chambre, l’adolescent, sous sa couette, retrouve ses camarades de classe, par les réseaux sociaux. Ou fait défiler, en scrollant, les centaines d’histoire de TikTok..

Factuellement, les écrans se sont immiscés dans la chambre, et vampirisent nos instants de sommeil :

Entre 1986 et 2010, le temps de sommeil a diminué de 23 minutes par nuit. Et le temps de sommeil est passé à 8 h 30 contre 9 h 00 au début du XXIème siècle.

Pour les enfants, le manque de sommeil est désastreux, car le sommeil est réparateur, et permet la construction du cerveau. Le temps nécessaire à 5 ans est de dormir 11 heures.

De 13 à 18 ans, l’adolescent doit dormir, selon les professionnels de la santé, 9 heures. Dans la réalité, les chiffres oscillent autour de 7 heures.

Toute population confondue, 50 % des humains consultent une fois par nuit leur smartphone.

Cette addiction au numérique pousse au réveil, et à l’insomnie.

Pour les enfants, le phénomène de FOMO ( Fear of Missing Out ) accélère le phénomène : les réseaux sociaux jouent un rôle social entre adolescents, à l’heure où les parents baissent leur vigilance.

L’exemple du chewing gum est révélateur.

En 2020, les ventes en France de chewing gum baissent de 20 %. La baisse est continue depuis. Pire, aux Etats-Unis, le leader du marché Hersley’s voit ses ventes diminuer de 40 %.

Une des explications est que le chewing gum est proposé sur les étagères au niveau des caisses. Il s’agit d’un produit d’impulsion. Il ne figure pas sur la liste des courses.

Or, désormais, lorsqu’on attend à la caisse, nous ne sommes plus tentés par le chewing gum. Nous sommes tentés par le sacro-saint écran. Son smartphone. Exit le chewing gum.

L’anecdote illustre nos changements de comportement, et notre dépendance aux écrans. Partout. Même dans une file de supermarché..

Le cerveau formé pour les écrans et déformé pour les écrans.

La moitié du temps mental disponible, selon l’INSEE ( 2010 ) est pris par les écrans.

En France, c’est 2h 30 par jour.

Pourquoi ces écrans captent ils autant notre attention ?

Les chercheurs Bear, Connors et Paradiso, spécialistes en neuro-science, proposent une première explication :

La moitié du cortex cérébral est consacrée à l’analyse du monde visuel

Effectivement, depuis des milliers d’année, la vue est un élément essentiel à la survie de l’homme. Voir une proie ; pour chasser. Voir le danger, au loin.

L’évolution de l’homme a permis cette capacité, largement développée.

Le cerveau a donc une capacité naturelle à analyser ce qu’il voit. L’écran est l’objet tout trouvé pour exploiter ce sens.

Les techniques pour capter notre attention

Nous venons de voir que les géants du numériques savaient capter notre attention. Même dans les moments où le repos, le sommeil devraient être un espace à soi.

Capter notre attention, pour les GAFAs, c’est engendrer de la publicité, des revenus.

Aussi leur objectif est bien de vous attirer le plus possible et le plus souvent sur votre smartphone..

Leurs techniques de manipulation sont variées, et je vous propose de vous en faire un petit résumé.

L’effet cocktail

Ne vous ait il jamais arrivé dans une soirée, où la musique et le bruit vous empêchent de tout percevoir ?

Vous discutez avec un ami, et soudainement vous entendez votre prénom, au loin ?

Là, malgré le bruit, vous entendez distinctement..

C’est l’effet cocktail.

Dans notre environnement, des milliards d’information circulent.

Pour notre cerveau, cette masse d’information peut être intéressante. Mais aussi énergivore.

La force de votre cerveau est qu’il sait capter ce qui est important de ce qu’il ne l’est pas. Et les géants numériques l’ont bien compris aussi.

La complexité du cerveau nous permet de filtrer en permanence les informations utiles pour soi. Malgré le brouhaha informationnel ambiant.

Du bruit à l’information :

On peut extraire volontairement une source dans un environnement bruyant et traiter ces informations. Le reste est considéré comme du bruit. Mais certains éléments vont transformer le bruit en événement ; c’est à dire un fait significatif en deçà de notre volonté.

Dehane, en 2014, explique ainsi :

La plupart des informations se font inconsciemment. Seules quelques aires postérieures s’activent. Mais dès que l’information s’impose à notre espace conscient, les zones fronto parérales s’impliquent dans le traitement conscient.

Retirer du bruit ambiant quelque chose qui vous captera, c’est l’objet des techniques utilisées par les plateformes numériques.

Dans la masse d’information numérique, on vous captera en utilisant les réflexes ancestraux de l’homme.

Ce qui capte l’homme depuis des millénaires..

La captation : le sexe.

Le sexe est évidement la première chose qui attire l’attention.

La reproduction humaine en a été la première raison. Et tout l’univers du plaisir nous attire.

Voilà pourquoi un tiers des vidéos visionnées sur internet sont des vidéos pornographiques..

Le site PornoHub attire chaque jour 415 millions de visites par jour ( 2019 )..

Et le phénomène est mondial, pas un sujet de nos sociétés occidentales : les données de recherche sur Google montrent que les pays musulmans sont les plus grands consommateurs : Inde, Pakistan, Arabie saoudite, Maroc, Iran..

La captation par la peur

Cela ne vous étonnera de savoir que la peur est ce qui capte immédiatement l’attention.

Un instinct grégaire où le danger pouvait être évité, par la peur ; l’adrénaline sauvait de l’animal féroce, au temps de la préhistoire..

C’est ce réflexe qui a permis la survie de ceux qui étaient peureux. La sélection naturelle !

Au fond, nous sommes les descendants des peureux !

Si cela nous a aidé à survivre, la peur est un peu contre productive aujourd’hui.

Dans une société faire de modernité, de sécurité. Médicale, besoins physiologiques.

La peur a cependant fait naître un biais.. un biais cognitif qui nous empêche de réfléchir..

Les êtres pré historiques devaient prendre des décisions rapides face à l’environnement.

La réflexion n’était pas de mise, d’autant qu’elle est coûteuse en énergie mentale.

Aussi, notre cerveau est fait de biais cognitif. Échappant à notre raisonnement. Pour nous sauver et agir vite.

Des biais qui structurent même nos sens, comme la vue. On sur estime souvent par exemple la distance qui nous sépare d’un danger, un corps ou un projectile. ( John neuhoff, 1988, Nature ).Ce

Ce qu’on appelle en anglais le « biais looming ».

Devant le danger, les gens doivent s’y préparer ; percevoir les objets imminents comme étant plus proches qu’ils ne le sont réellement donne à l’individu plus de temps pour se préparer.

Ce phénomène nous permet d’éviter à réfléchir, et être efficace ; quant à notre survie. Ce que nomme Haselton « la paranoïa optimiste ».

Cette capacité biologique a cependant un revers: elle trompe la perception de l’homme.

Les informations publiées sur internet procèdent souvent de cette captation de la peur, annihilant toute réflexion.

Ainsi, on trouvera l’exemple du lait :

Les récentes informations sur les méfaits du lait, par peur des impacts sur la santé a conduit une carence en calcium des enfants de moins de 5 ans de 4 à 20 % en quelques années.

Les exemples sont multiples, comme le vaccin, le sucre..

Le marché de la peur alimente le marché des médias. Et internet a accéléré le phénomène.

La captation par la peur permet ainsi de réaliser le phénomène de l’effet « cocktail » comme nous l’avons vu plus haut :

dans le brouhaha numérique, les informations de la peur atteint notre attention. Ce que les géants du numérique ont bien compris, après les médias.

La captation par le conflit

L’économie de l’attention des géants numériques passe également par la conflictualité.

La conflictualité est un corollaire du danger.

La colère est une émotion puissante, qui mobilise notre disponibilité mentale.

Nous pousse à réagir, sur les réseaux sociaux. Et alimenter les débats stériles, en tentant de convaincre, ou pire de commenter avec haine..

Voilà pourquoi les algorithmes des plateformes numériques n’hésitent pas à mettre en avant tout ce qui peut provoquer de l’indignation.

Et aujourd’hui, on peut s’indigner de tout. Et chacun se sent le devoir de « réagir ». Comme le réflexe de Pavlov. A un stimuli extérieur, le cerveau réagit.

La propension à réagir provient du fait qu’on se sent un être moral, et qu’on refuse intraséquement l’injustice.

Or comment considérer qu’une action est « morale » et juste ?

Le conséquentialisme, formalisé par Elisabeth Anscombre précise :  « une action moralement juste est une action dont les conséquences sont bonnes« .

Or, aujourd’hui, devant un monde de plus en plus polarisé, derrière chaque action on peut y trouver une action négative ; même si à la base elle était « positive ».

  • Derrière la dénonciation, par le mouvement #MeToo, certains y voient une « dénaturalisation » de l’homme viril; qui n’a plus le droit d’être un « mec ».
  • Derrière la visibilité des gays dans les médias, on dénonce une fin de l’homme et de la femme et des enfants..
  • Derrière le soutien au peuple palestinien qui souffre sous les bombardements israéliens, on dénonce l’anti-sémitisme..

Quitte même à réécrire l’histoire.. et la dénoncer. Ainsi, le tableau « L’origine du monde » de Courbet se voit tagué dans le musée d’Orsay par les féministes..

La conséquence, selon les féministes » est d’heurter la sensibilité des femmes. Bien qu’à l’origine, le peintre n’avait nullement cette intention. Et le pauvre peintre n’est plus là pour se justifier..

Le monde est devenu si complexe que la moindre action, même bien intentionnée a nécessairement des conséquences imprévisibles et négatives.

Nous ne pouvons plus rien dire ou s’exprimer sans que la phrase, l’idée ou l’action soient détournées. Et derrière le côté pile, le côté face vient alimenter la polémique. Le conflit.

Ce que Gérald Bronner appelle l‘hyper-conséquentialisme« .

Les plateformes numériques encensent le buzz, le clash.

L’accélération cognitive

Les plateformes numériques doivent en permanence capter de plus en plus notre attention mentale. Car il en faut toujours plus à l’être humain.

Un stimulus tend en effet à décroitre, au fur à mesure que les personnes y est confronté. C’est comme le plaisir ou la douleur. On tend à s’y habituer.

L’accoutumance tend à dévitaliser le signal.

Aussi, la surenchère devient inévitable, pour les entreprises numériques.

En faire plus. Jusqu’au chaos sociétal.

Il nous faudrait mettre le bouton « pause » sur le smartphone.

Ou en tout cas, à la lumière de ce qu’on vient de lire, se réapproprier notre disponibilité mentale. Pour le meilleur.

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