La crise de la virilité et le retour du mâle Alpha ?

Sur les réseaux sociaux, les buzz des mâles se multiplient… Les hommes auraient perdu leur virilité. Déballant des propos hargneux sur l’identité de genre. Se plaignant des féministes qui voudraient prendre leur place…

Les grands hommes politiques, à coup de populisme, ou d’idées d’un ancien siècle, chantonnent que la place de la femme est au foyer..

Et les hommes ne seraient plus de vrais hommes. La faute aux drag-queen, aux mouvements gays.. La virilité serait-elle de retour ?

Qu’est-ce qu’être viril ?

Tout d’abord, qu’est-ce qu’être viril ?

A l’origine, la virilité (du latin virilitas , virilité, dérivé du latin vir , homme) désigne un large éventail de caractéristiques masculines perçues positivement. Virile signifie « marqué par la force ». La virilité est généralement associée à la vigueur, la santé , la robustesse et la constitution , notamment dans la procréation. Dans ce dernier sens, la virilité est aux hommes ce que la fertilité est aux femmes
A ces caractéristiques purement physiques se sont ajoutées d’autres caractéristiques : le courage, la force, la puissance.

On définit plutôt ce qui n’est pas viril..

Dans notre monde moderne, on ne serait plus viril.

L’homme fait les tâches comme changer les couches du bébé, il ne peut plus être le chef du foyer, sa femme peut sortir sans demander l’autorisation. On devrait même laisser la place aux femmes dans les directions des entreprises, au parlement..

Et l’homme perdrait même ses attributs masculins : certains hommes deviennent androgynes..

La chanteuse Morgan, dans la chanson Madame, avec ironie et humour résume le rapport de cet homme viril et la femme :

Il m′dit retourne à la cuisine parce qu’il sait pas la faire
J′l’aime quand il nettoie ma piscine et qu′il remplit mon verre
J’comprends qu’il soit vénère
Il a l′impression qu′j’lui ai pris sa place dans l′univers

C’est pas vraiment d′sa faute
On lui a dit
Il faut qu’ta bite soit grosse
Mais pas ta petite amie
Il faut qu′elle soit parfaite
Et qu’elle fasse pas trop de bruit
Sauf au lit
Là faut qu’ça gueule

Naissance du mythe de la virilité.

Si le sujet de la virilité est si prégnant dans notre société, c’est que le corps humain, l’usage de la force physique a toujours été présent dans notre vie sociale. Occuper l’espace par le corps, et le verbe. Mais avoir de la force physique, ce n’est pas un avantage supérieur qui donne le droit sur les femmes. A contrario,  la fertilité de la femme n’est pas un pouvoir que la femme a instrumentalisé pour se sentir supérieur à l’homme.

La naissance du mythe de la virilité est la naissance de la hiérarchie des sexes

Avec un postulat, depuis l’antiquité, et disons même avant, la supériorité de la masculinité sur la femme.

C’est le mythe d’Adam et Eve, où Eve a fauté dans le jardin d’Eden. Si le monde va mal, c’est qu’Adam et Eve ont été exclus par la faute de la femme. C’est le péché originel. La femme est privée de droits, ne peut plus rien faire sans l’autorisation de l’homme. C’est l’homme qui décide, qu’il soit père ou mari.

La théorie d’Aristote, et les fluides de la vie. 

Aristote a théorisé la hiérarchie des sexes, à partir de la hiérarchie des fluides.

 Comme la femme perd son sang, lors de la menstruation, elle a un sang impur. Et elle ne se gouverne pas elle même donc elle ne peut gouverner. 

L’homme, lui, c’est celui qui verse son sang, par héroïsme, en tant que guerrier. 

L’homme , c’est le logos, la transcendance, la verticalité. C’est qui a la raison, les idées.

Les fluides comme le sang, le lait, le sperme sont les éléments de reproduction de la vie, selon les conceptions aristotéliciennes. Et elles ont inspiré la médecine et l’anatomie de l’antiquité jusqu’au moyen-âge.

Dans ces systèmes de représentation, des analogies sont constantes.

Ces croyances sont présentes aussi dans d’autres civilisations plus lointaines.

Ainsi, chez les Samo, du Burkina Faso, le lait proviendrait d’une partie “masculine” des femmes : l’épaule, et plus précisément l’omoplate. Celle-ci forme avec la colonne vertébrale la charpente et la structure stabilisant le corps ; élément considéré comme masculin.

Dans les images iconiques du Moyen Age, on retrouve ces représentations de la Vierge à lait d’épaule : un sein droit planté dans cette partie du corps.

Le sperme est également censé provenir des os, de la moelle dans le prolongement de la colonne vertébrale. De là, les blagues sur celui qui a eu mal au dos, le matin, preuve d’une nuit faite de plaisirs sexuels. et dont on disait qu’il s’est vidé les reins.

Les même évocations sont faites à propos de la fellation. En Sicile, on dit couramment : “elle m’a sucé la moelle”. L’os est aussi présent dans la symbolique sexuel, à savoir le cocu. Les cornes renvoient ainsi à l’infidélité. Les cornes du bélier, du bouc ou du taureau, symboles de virilité. Ce symbole de virilité est également présent sur les casques des guerriers celtes ou saxons. Il renvoie directement aux organes génitaux réputés sexuellement puissants.

Pourquoi cette crise de la virilité ?

La virilité est par essence en perpétuelle crise, car elle est inatteignable ! c’est un idéal impossible à atteindre… On est jamais assez viril..

Et surtout, la virilité en soi n’est pas une composante humaine. Elle est inventée, c’est un mythe :  on devient viril. 

Un homme qui se veut viril se retrouve dans un engrenage, en prenant des postures qui ne sont pas lui, éloigné de ce qu’il est vraiment, de sa personnalité.  On n’est pas intrinsèquement viril,  on le devient car la société montre qu’il faut être comme cela pour être respecté.  Un homme qui se veut viril s’éloigne de ce qu’il est vraiment.

Difficile car on nous demande d’être superman.

Marcher comme un homme, baiser comme un homme, pisser comme un homme. Habitudes qui font que tu es dans le code masculin et que tu n’en sors pas..

La virilité amène toujours de la frustration, car elle oblige par exemple ne pas montrer ses émotions, être toujours “fort”, invulnérable ; ce qui n’est pas en permanence un être humain. qui peut à la fois avoir du courage, de la force mais aussi éprouver des doutes, des faiblesses. La virilité est un idéal impossible à atteindre.

Histoire d’une crise de la virilité

La crise de la virilité est aussi ancienne que la virilité elle-même..

Comme nous l’avons vu, le sang, celui qui a un sang glorieux, est l’homme viril. Comme le combattant. Cet idéal guerrier présente le soldat comme un héros. Et dans ce combat, c’est un corps à corps. Il s’agit d’être fort, vaillant, courageux, héroïque. Avec un goût du sacrifice. L’époque du Moyen Age jusque le début du XXème siècle, la finalité c’est d’envoyer des soldats à la guerre

A ces mythes militaires, jusqu’à l’époque Napoléonienne, toute éducation est une belle mort héroïque. L’individu n’est rien.

Les deux guerres mondiales viendront détruire ce mythe de l’homme fort guerrier.

L’arrivée des bombes change ce rapport héroïque à la guerre. Les bombes sont invisibles, et tombent sur les soldats dans les tranchées. Le soldat meurt sans combat, sans même voir les bombes. Le soldat est enfoui, entouré de rats et de poux. Le mythe du corps fort du soldat s’écroule. Le combat corps à corps n’existe plus.

Le soldat subit, se couche. Certes, il revient avec des médailles, mais il sent qu’il a subi, et il revient avec une gueule cassée. Les “gueules cassées” avec un visage déformé par la guerre illustrent avec effroi la fin du corps valorisé.

La renaissance du corps pur, et blanc.

D’où émerge dans le discours la crise de la masculinité et le retour d’un homme blanc 

Les hommes allemands sortent des tranchées et de la boucherie de la première guerre mondiale. Pour en sortir, les allemands reprennent la masculinité,  il faut régénérer la puissance virile. 

Au temps du fascisme, après la première guerre mondiale, on se plaint ainsi de cette perte de la virilité. On veut réaffirmer un homme fort. C’est la vision nazie de l’homme arien. 

Qu’il soit fort, musclé, et blanc.. 

Le sport en est alors idéalisé, le moyen de montrer sa force physique.

Mussolini, en Italie, se met d’ailleurs en scène en faisant du sport. Comme Poutine, lui aussi aime à se montrer ; il fait déjà de la lutte ( le sambo ) depuis tout petit. 

La virilité revient au sommet de l’État. On remarquera d’ailleurs les photographies du président Emmanuel Macron en pleine scène de boxe…

La crise viriliste aux Etats-Unis.

Dans la suite logique de la crise de la virilité, la guerre du Vietnam aux Etats-Unis a été un choc de plus. La débâcle américaine, et surtout les manifestations pacifistes contre la guerre ont dérouté l’homme viril.

Le mouvement hippie, où les hommes commencent à laisser pousser leurs cheveux, à scander “faites l’amour, pas la guerre” ont pu traumatisé.. Quoi ? on ne veut pas faire la guerre ?

L’arrivée de Reagan est une reprise en main, en mettant en place l’initiative de défense stratégique. Le budget de la défense augmente. Les positions de domination reprennent lentement le chemin. Guerres en Irak, en Afghanistan.  Montrer qu’on est fort.    

L’arrivée des idées trumpistes, suprémacistes blanc remet en force cette idée d’une virilité à reconquérir. Contre les migrants, les femmes, les gays. 

Et c’est le renouveau du mâle Alpha.

L’homme viril est toujours en devenir. Un idéal impossible. 

L’homme viril cherchera toujours un bouc émissaire. Il condamnera son époque, comme nous l’avons vu, au XXème siècle. Il trouvera aussi d’autres bouc émissaire : les femmes, le manque d’autorité de la société, l’étranger..

Pouvoir et virilité dans les lieux dominés par la masculinité, et l’entreprise.

Le pouvoir est masculin. Parole de Mâle Alpha, sur les réseaux sociaux :

Qui va la guerre, qui va à la chasse, qui a la force physique ? s’exclament les influenceurs mâles Alpha.  L’homme. 

Les lieux de pouvoir que sont les médias culturels, l’armée, les parlements, les gouvernements, la police, les lieux de sport ( car ils engendrent de l’argent ) , le crime organisé sont majoritairement masculins.

L’entreprise est aussi un lieu masculin, dans son contrôle et le management.

Le point commun est la performance. Tout comme la performance sexuelle, l’entreprise est une structure de performance, économique.

Pour perdurer, il faut être productif, compétitif. La guerre se déplace sur le terrain professionnel avec le même vocabulaire : Guerrier, victoire, conquête, vainqueur, vaincu. Et dans une guerre tout aussi impitoyable.

Cette performance, associée à la virilité, se transmet de patron à salariés. Elle se fait par la culture d’entreprise. Les séminaires d’entreprise par exemple en sont le bon indicateur : épreuves sportives, l’alcoolémie est la mesure des meilleurs, qui “tiennent le coup”. 

La binarité homme / femme.

S’enfermer dans la dichotomie homme femme est stérile. Une femme peut aussi être comme un homme.. on cultive les stéréotypes en mettant en opposition.

C’est une erreur de certaines féministes. Plus les femmes se revendiquent viriles, c’est à dire se constituent les attributs de la virilité, plus elles alimentent ce rapport de force stérile.

On trouvera ces « combattantes », comme Madame Lepen, Giogianni en Italie, Margaret Tatcher, ou Angela Merken…

Est-ce une bonne nouvelle de faire des femmes des hommes comme les autres avides de pouvoirs ? 

Tout ce qu’on fait dans la vie n’est ni masculin ni féminin. Mais humain. La bienveillance,  le care,  prendre soin de l’autre .

Le courage,  autonomie d’action, la prise de décision,  la capacité d’émotions. 

Tout ce qui brouille cette binarité,  tout ce qui questionne cette binarité est vue comme un danger pour l’ensemble delà civilisation. Car cela remet en question le socle fondateur de la civilisation.

Mais si cet ordre était injuste, peut être le remettre en question ?

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