Sortez dans la rue, et observez. Les hommes se meuvent, ankylosés d’écouteurs sur les oreilles.
De la musique, de la radio, pour fuir le silence.
Souvenez-vous pourtant de ce moment perdu. Car le silence est un moment, une ponctuation. Et il disparaît.
A l’arrêt de bus, ou sur la route, les hommes ont leurs oreilles embarrassés d’écouteurs. Branchés sur leur smartphone, ou leur lecteur mp3.
On a la musique, la radio dans les oreilles tout le temps.
Notre temps intime, celui où l’on s’écoute, où on se parle, avec sa petite voix intérieure se réduit comme peau de chagrin.
Le silence est saturé de musique, de bruits qui nous rassurent. la musique qu’on a choisi. En boucle…
Certes, le silence en soi n’existe pas vraiment totalement.
Et dans la rue, il y a ces bruits, ces chuchotements qui nourrissent notre « inner-life », ce temps intime et intérieur.
Ils captivent nos neurones, de loin, et entretiennent ce cogito « j’existe », avec les autres.
les pensées s’alimentent des autres, des cris, des bavardages.
Notre espace intime s’est donc numérisé.
Il est devenu total, mais surtout déconnecté du monde immédiat qui nous entoure.
Michel Berger, dans son tube chanté par France Gall nous le rappelait déjà dans les années 1980 par le fameux : « débranche ! »
Le silence comme une ponctuation.
Le silence est une ponctuation, dans l’espace. Il ouvre le champs. Se taire, c’est observer avec ses autres sens le monde : par les yeux, le toucher.
Ainsi, on se tait dans l’église, vaste lieu grandiose où l’on se recueille.
A contrario, le bruit sature l’espace ; peut le rendre insupportable.
Le silence est une ponctuation du temps.
Le point virgule, et le point ponctuent nos phrases. Et doivent permettre de se taire, un instant. Pour reprendre la respiration.
Et se laisser le temps de réfléchir.
Le silence est aussi un vrai outil de communication, d’expression.
D’ailleurs, dans les pratiques du théâtre, le silence est un vrai outil de l’acteur. Il instaure la concentration. Il pousse à l’écoute. Et à être écouté.
La communication n’est pas que prononcer des mots, et partager un contenu. Elle est aussi non-verbale : avec les gestes, les regards. Et le silence, qui souvent a une signification. Le silence souligne tout ce qui est à côté de la parole.
« Entends ce bruit fin qui est continu, et qui est le silence. Ecoute ce qu’on entend lorsque rien ne se fait entendre. »
[ Paul Valérie tel quel II, 1943 ]
Dans un temps numérique où rien ne s’arrête, tout se diffuse à profusion, le silence devient presque gênant.
Voilà pourquoi dans les ascenseurs, on diffuse une musique stérile ( ces fameuses musiques d’ascenseur ), plutôt conformiste, tranquille.
Pour supprimer cette petit gêne, ce silence qui réunit deux inconnus dans l’ascenseur.
Le silence permet pourtant de laisser le temps aux protagonistes de trouver la formule, la phrase pour initier un échange.
Et de le briser , s’il nous gêne.
Nos mondes où le temps ne s’arrête pas sont infobèses. Ils polluent, et ne permettent plus de respirer.
De même, les programmes télévisés se juxtaposent : on passe d’un film à un jeu, sans transition.
Seule la publicité, dont le volume sonore surprend, coupe le ton.
Les génériques de fin des films sont rarement diffusés à la télévision, comme au cinéma.
Ce temps, de silence avec soi, où lorsque l’histoire prend fin, on avait le temps de rester devant l’écran noir où défilaient lentement en lettres blanches le nom des acteurs.
On oublie le silence pour s’oublier soi.
Il suffit un instant d’écouter ce qui se murmure.
Aussi, je me tais…
A lire également toute la série sur les objets oubliés du XXème siècle : l’épaisseur du dictionnaire, l’ennui, le point virgule, le timbre, les petites annonces ; le 45 tours
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Un texte d’une profondeur impressionnante!
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Merci de votre compliment , Keep on touch
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