Le bricolage et la technologie

Qu’est ce que le bricolage ?
A première vue, si je dis « bricolage », vous aurez l’image du magasin Leroy Merlin.
Effectivement, c’est l’endroit rêvé pour assouvir sa passion de « bricoler ».

Bricoler, selon la définition de Wikipedia : c’est « faire des menus travaux de réparation ».
Là dessus, la première enseigne, Leroy Merlin est la référence !
Au delà de sa maison où on bricole, « bricoler », c’est « bidouiller ».

C’est faire avec les moyens du bord pour réaliser quelquechose…
C’est réaliser, avec ses moyens, quelque chose.
De manière plus large, maîtriser la technique, c’est savoir se l’approprier. Dans tous les domaines techniques. Y compris dans nos usages numériques !

Le hacker, ou le bricolage technologique.

Parler de bricoler, c’est « hacker », dans la terminologie anglaise.
Le hacker est perçu maladroitement comme un pirate informatique.

Mais à l’origine, le hacker est bien celui qui bricole, bidouille, modifie des composants techniques pour réaliser. Et se réaliser.
Le premier « hacker » ou bidouilleur, fut Alan Turing.

Il découvrit les codes allemands, pendant la seconde guerre mondiale sur la machine Enigma.
Ensuite, l’informatique, dans le prolongement de la seconde guerre mondiale, s’est naturellement faite aux Etats Unis :
Devant la menace de l’Union Soviétique, les programmes visant à contrer l' »ennemi » ont largement propulsé toute innovation technologique.

C’est ainsi, que dans le berceau de Palo Alto, à l’ouest des Etats Unis, Steve Jobs, créateur d’Apple, faisait partie de cette catégorie de hacker, ou « bidouilleur » :

Dans son garage, il trouvait le moyen de téléphoner gratuitement, en imitant les codes numériques du téléphone du monopole ATT, comme France Telecom.

La communauté de « hacker », ou « geek » comme on les appellerait aujourd’hui, avait un foyer géographique, financier ( par les commandes de l’Etat ) et universitaire.
L’informatique s’est fait par « bidouillages » successifs.

Le bricolage dans les Sciences de l’information, ou l’usage.

Le bricolage, dans les Sciences de l’information et de la communication est une notion clé :
la technique, les théories ou lois fondamentales de la science pré-existent, mais c’est l’usage, la « bidouille », qui rend la théorie concrète.
Un usage non « transformable » est un usage mort.
Voilà pourquoi beaucoup de réalisations numériques sont mortes :

l’exemple de « My Space » en est un exemple. My Space a disparu, parce que l’usage l’a rendu mort…
Si l’utilisateur ne s’approprie pas une technologie, celle-ci n’existe plus.
Car on peut réaliser la plus belle invention technique, s’il n’y a pas d’usage « concret », elle meure.

Si l’on revient sur la définition du bricolage, de la « bricole » :
bricole est emprunté à l’italien briccola « catapulte »,  « celui qui casse, qui rompt ».
L’usage est bien de casser, de rompre la théorie pour la mettre en pratique.

Dans son livre « La pensée sauvage« , Claude Lévi-Strauss utilise la métaphore du bricolage pour distinguer la « science du concret » ou « science première » de la science moderne :
« La comparaison vaut d’être approfondie, car elle fait mieux accéder aux réels entre les deux types de connaissance scientifique que nous avons distingués.
Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet :

Son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord », c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, par ce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de construction et de destruction antérieures.

L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d’ailleurs, comme chez l’ingénieur, l’existence d’autant d’ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ;

il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit et pour employer le langage même du bricoleur, par ce que «ça peut toujours servir. »  [ Lévi-Strauss, 1962, p.27 ]

Penser et s’intéresser aux nouvelles technologies, c’est bien de considérer cet aspect essentiel.
La technique est rapide, mais l’usage est lent. Et c’est bien l’usage qui détermine le succès de notre sphère numérique.

Pour finir, et illustrer :
Citons Pierre-François Dupont-Beurier :

« Ce que nous montre le bricoleur [et le bricologue], c’est la puissance heuristique du tâtonnement. Seule peut être créatrice une logique de la récupération qui use d’ajustements et de modifications, qui va dans toutes les directions, qui fonctionne continuellement par essais et erreurs ».

En savoir plus !

Alan Turing, le premier hacker en 1944.

Essai sur la bricologie.

5 réflexions au sujet de « Le bricolage et la technologie »

  1. Thomas

    Pour enrichir le contenu du texte:

    Sur la première partir du texte, tu peux différencier hacker de cracker. Ou white hacker de black hacker. A chaque fois le deuxième est le « pirate ».

    Et on peut également parler de hacker dans tous les domaines : écologie, voiture, économie (growth hacker), …

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    1. zeboute Auteur de l’article

      Merci thomas pour ces précisions intéressantes. Le hacking dedans le bricolage est encore accessible. Sur certains sujets comme les voitures c’est plus compliqué ! Faire sa vidange soit même devient impossible, les constructeurs pour certains à museler leurs produits ( typiquement Apple ou les constructeurs automobiles ) tandis que d’autres laissent libre de droit les plans de leurs produits pour que chacun puisse les refaire et ´bricoler’ dans un fablab. Typiquement les plans des pièces détachées chez bosch.

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  2. Ping : Vous avez dit disruption et innovation ? | Zeboute' Blog

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